17-23 décembre 1944 - Bataille des Ardennes: défense et chute de Saint-Vith

Saint-Vith représente, avec Bastogne, un des deux grands noeuds routiers des Ardennes. Située à la limite des 6ème et 5ème Panzerarmees, la ville est défendue par la 7ème Division blindée du major-général Robert Hasbrouck, ainsi que par un Combat Command de la 9ème Division blindée, et les restes des 28ème et 106ème Divisions d'infanterie. Ces diverses unités hétéroclites sont placées sous le commandement unique du brigadier-général Bruce C. Clarke. Les GIs résistent avec succès jusqu'au 21 décembre 1944.

Deux jours plus tard, leurs positions devenues intenables et menacés de débordement sur les deux côtés, ils reçoivent l'ordre d'abandonner la ville et de se retirer vers la Salm. Selon le planning établit par les Allemands, Saint-Vith devait tomber dans la soirée du 17 décembre. Les défenseurs ont tenu bon pendant six jours.




Anéantissement de la 106ème Division d'infanterie (17-19 décembre 1944).

A 6h30, le matin du samedi 16 décembre 1944, le barrage de l'artillerie allemande surprend complètement et désorganise les positions de la 106ème Division d'infanterie américaine, qui vient juste d'arriver (10 décembre) de Normandie et qui n'a encore aucune expérience du combat, sur le plateau du Schnee Eifel. Au nord de cette division, dans la trouée de Losheim, la destruction du 14ème Groupe de cavalerie par la 18ème Division de Volksgrenadiers (VGD) et la 1ère Division de panzer-SS, à la jonction des V et VIII Corps américains, créé une première brêche dans le dispositif américain, d'une dizaine de kilomètres de large entre Manderfeld et Auw. Les Allemands déferlent maintenant sans rencontrer d'opposition sur Schoenberg. Au sud de la 106ème Division, dans le secteur du LXVI Korps de la 5ème Panzerarmee, d'autres éléments de la 18ème VGD atteignent Bleiaf et convergent également vers Schoenberg.

Les Panzers-SS profitent des stocks de ravitaillement (en particulier du carburant) et du matériel américains, le 17 décembre 1944 à Honsfeld.


Le 17 décembre 1944, dans la zone d'opération du LXVI Korps allemands, la 18ème VGD de la 5ème Panzerarmee et la 1ère Division panzer-SS Leibstandarte AH effectuent leur jonction à Schoenberg. Les 422ème et 423ème Régiments, commandés par les colonels Georges Descheneaux et Charles Cavender, ainsi que plusieurs autres unités de soutien de la 106ème Division d'infanterie, se retrouvent maintenant totalement encerclés sur les hauteurs du Schnee Eifel.

Au sud, l'effondrement de l'aile gauche du 424ème Régiment du colonel Alexander Reid, débordé par la 62ème VGD, laisse désormais un "trou" où les unités du général Walter Lucht (LXVI Korps) s'engouffrent. Direction Saint-Vith! Dans la soirée, la 18ème VGD est déjà à Wallenrode, la 62ème VGD à Steinebrück.


Au nord, dans la zone d'opération du 1er Panzerkorps-SS, la 1ère Division panzer-SS Leibstandarte AH, qui s'est engouffrée dans la Trouée de Losheim après la destruction du 14ème Groupe de cavalerie, prend Amblève, Ligneuville et Bom, se dirigeant maintenant vers Recht et Poteau.

Photo ci-dessous: des Panzers-SS de la Leibstandarte AH profitent d'un moment de détente à Poteau, devant un M-8 américain abandonné, le 19 décembre 1944.


Le 18 décembre 1944 à 2h du matin, le 2ème Régiment de panzers-SS de la 1ère Division panzer-SS Leibstandarte Adolf Hilter s'empare de Recht, défendu par le CCA de la 7ème Division blindée. Les Américains se replient sur Poteau. Les deux régiments d'infanterie encerclés dans le Schnee Eifel commencent à manquer de munitions.

Le 19 décembre 1944, les 422ème et 423ème Régiments, le 590ème Bataillon d'artillerie de campagne et divers autres unités de soutien de la 106ème Division d'infanterie, encerclés depuis deux jours dans le Schnee Eifel, à bout de force, se voient contraints de déposer les armes. Entre 8,000 et 9,000 GIs sont ainsi fait prisonniers en quelques heures. En Europe, c'est l'unique reddition en masse d'une division américaine presque au complet durant la Seconde Guerre mondiale.

La 106ème Division d'infanterie est maintenant virtuellement détruite. Les restes du 424ème Régiment de cette division, commandé par le colonel Alexander Reid, se sont repliés vers Burg-Reuland, poursuivis par la 62ème VGD. La route de Saint-Vith est désormais grande ouverte à la 5ème Panzerarmee au sud-est et à l'est de la ville.

Photo ci-dessous: prisonniers de guerre américains de la 106ème Division d'infanterie dans la région de Saint-Vith, le 19 décembre 1944.



Consolidation du front américain au nord du saillant allemand (18 décembre 1944).

Le 18 décembre 1944, deux divisions du VII Corps, en charge du secteur d'Aix-la-Chapelle, sont transférées et viennent renforcer le dispositif du V Corps dans la région du plateau d'Elsenborn. D'abord le 16ème Régiment de la 1ère Division d'infanterie du major-général Clifton Andrus dans la zone Butgenbach-Weywertz-Robertville, le reste de la Big Red One devant arriver les jours suivants. Et la 9ème Division d'infanterie du major-général Louis A. Craig, qui s'installe sur le flanc nord de la 99ème, entre le village d'Elsenborn et Kalterherberg.

Photo ci-dessous: chars Sherman de la 7ème Division blindée en poste près de Saint-Vith, le 20 décembre 1944.


Dans la soirée, la 82ème Division aéroportée du major-général James M. Gavin, venant de Mourmelon en France et qui a roulé sans arrêt en camions pendant trente-six heures, commence à se déployer dans la région de Grandménil-Stoumont-Le Gleize. (1)

La 30ème Division d'infanterie du major-général Leland S. Hobbs, cédée par la 9ème Armée américaine, fait de même entre Malmédy et La Gleize.

Le retard des panzers-SS de Peiper occasionné par la résistance des Américains à Stavelot, permet au colonel Wallis Anderson et à son 1111ème Groupe du génie de combat de préparer les charges de démolition à Trois-Ponts, sur les deux ouvrages de l'Amblève et sur celui de la Salm. (1)

Le XVIII Corps aéroporté du lieutenant-général Matthew B. Ridgeway, avec la 82ème Division aéroportée et la 30ème Division d'infanterie, verouille désormais tous les accès de sortie face à la 6ème Panzerarmee-SS sur une trentaine de kilomètres, entre Malmédy et Grandménil.

Ainsi, les Américains allignent désormais l'équivalent de huit divisions dans le nord du front ardennais.
  • Le X Corps (Leonard Gerow). Entre Monschau et Malmédy. Avec les 9ème, 99ème, 2ème et 1ère Divisions d'infanterie.
  • La 7ème Division blindée (Robert Hasbrouk), des unités du 112ème Régiment de la 28ème Division d'infanterie, le CCB de la 9ème Division blindée et quelques petites unités (artillerie, génie, soutien logistique) de la 106ème Division d'infanterie dans et autour de Saint-Vith.

  • Le XVIII Corps aéroporté (Matthew Ridgeway). Entre Malmédy et Grandménil. Avec la 30ème Division d'infanterie et la 82ème Division aéroportée.


(1) [Blogosphère Mara] 18-25 décembre 1944 - Bataille des Ardennes: guerre contre le Kampfgruppe Peiper


Chute de Saint-Vith (20-23 décembre 1944).

La prise de cet important noeud routier, le second en importance dans les Ardennes, après celui de Bastogne, est confiée au LXVI Korps de la 5ème Panzerarmee, commandé par le général Walter Lucht.

Sa défense est confiée au brigadier-général Bruce C. Clarke. La 7ème Division blindée du major-général Robert W. Hasbrouck assure la défense du front partant de Poteau jusqu'à, et y compris, Saint-Vith. Le CCB de la 9ème Division blindée couvre le secteur sud-ouest de la ville.

Les restes du 424ème Régiment de la 106ème Division d'infanterie et du 112ème Régiment de la 28ème Division d'infanterie couvrent le secteur ouest, entre Saint-Vith et Houffalize.

A l'ouest, la 560ème Division de volkgrenadiers et la 116ème Division panzer talonnent ces deux régiments vers Houffalize, et menacent de couper Saint-Vith de ses arrières.

Le 20 décembre 1944, Walter Lucht planifie l'attaque finale contre la ville. Ce plan consiste en un large mouvement l'encerclement sur trois axes.
  • La 62ème Division de volksgrenadiers attaquerait du sud-est, sur la route de Steinebrück.
  • La 18ème Division de volkgrenadiers attaquerait de l'est, sur les deux routes venant de Schoenberg, convergeant sur le Prümerberg.
  • La Brigade Führer Beiglet attaquerait du nord, sur la route de Born.
La défense intérieure est confiée au lieutenant-colonel William Fuller, commandant du 38ème Bataillon d'infanterie blindée du CCR de la 7ème Division blindée. Elle consiste en gros à un arc de cercle s'étendant de la route Born-Saint-Vith, au nord, en passant à l'est par les hauteurs du Prümerberg, jusqu'à un vallon au sud-est, près de la ligne de chemin de fer venant de Steinebrück.


Fuller dispose de son propre 38ème Bataillon d'infanterie blindée, de deux compagnies du 23ème Bataillon d'infanterie blindée du CCB de la 7ème Division blindée, environ 400 hommes des 81ème et 168ème bataillons du génie blindé, d'un peleton du 423ème Régiment, chargé de la garde du QG de la 106ème Division d'infanterie. En réserve, une compagnie du 31ème Bataillon de chars et une compagnie du 814ème Bataillon de Tank-Destroyer.
  1. Le CCA de la 7ème Division blindée défend Poteau, au nord-ouest de Saint-Vith.
  2. Le CCB de la 9ème Division blindée à Neubrück, au sud de Saint-Vith.
Le LXVI Korps commence un des plus violents pilonnages d'artillerie de la bataille des Ardennes et réduit Saint-Vith en ruines.

Le 21 décembre 1944, le 508ème Régiment de parachutistes de la 82ème Division aéroportée s'installe dans Vielsalm, où se dirige également la 9ème Division panzer-SS Hohenstofen du 2ème Panzerkorps SS de Wilhelm Bittrich.

Le 22 décembre 1944, la Brigade Führer Beiglet attaque et prend Rodt, faiblement défendu par la compagnie de service du 48ème Bataillon d'infanterie blindée, à la limite des CCA et CCB de la 7ème Division blindée US.

Deux régiments de la 62ème Division de volkgrenadiers attaquent le CCB de la 9ème Division blindée vers l'ouest, dans le but d'atteindre la Salm à Salmchateau. Ils percent le dispositif américain, s'emparent de Neubrück, progressent vers l'est, empruntent la vallée du Braunlauf et se dirigent vers Grufflange, Beho, Rogery et Salmchateau.

Dans la nuit du 22 au 23 décembre 1944, le général Matthew "Eagle" Ridgeway, commandant du XVIII Corps aéroporté, ordonne aux forces américaines du secteur de Saint-Vith, menacées d'encerclement, de commencer leur repli progressif vers des positions moins exposées, au-delà de la Salm.

Photos ci-dessous: 23 décembre 1944. Le CCB de la 7ème Division blindée se retire de Saint-Vith, détruite à 90%, vers la Salm.




Ce repli, fort complexe à réaliser au contact des troupes allemandes, commence cette nuit et se poursuivra durant toute la journée du 23 décembre 1944.

A Vielsalm, le 23 décembre à 22h30, un détachement du génie du 508ème Régiment de parachutistes de la 82ème Division aéroportée, commandé par le lieutenant George Lamm, fait sauter les deux derniers ponts sur la Salm entre Trois-Ponts et Salmchateau.

Saint-Vith, qui devait tomber dans la soirée du 17 décembre 1944 selon le planning d'attaque allemand, a tenu bon pendant six jours. Sa défense héroïque aura considérablement ralenti l'avance allemande et permis l'arrivée des renforts américains.

Photo ci-dessous: l'artillerie de la 7ème Division blindée, le 23 décembre 1944, couvre la retraite américaine vers Vielsalm.



Série documentaire "Grandes Batailles de la Seconde Guerre mondiale"
(Henri de Turenne et Daniel Costelle) - Vidéo Youtube.


"Les Grandes Batailles" est une série d'émissions télévisées historiques de Daniel Costelle, Jean-Louis Guillaud et Henri de Turenne diffusée à la télévision française dans les années 1960 et 1970, qui décrit les principales batailles de la Seconde Guerre mondiale ainsi que le procès de Nuremberg. Les émissions donnent la parole aux officiers ayant participé à ces batailles ainsi qu'à des historiens. Ces interventions alternent avec des extraits de reportages. Les commentaires sont d'Henri de Turenne.

La campagne d'Allemagne 1945 - 1° Le dernier sursaut d'Hitler.













Article modifié le 3 octobre 2019.


Sources principales:
Battle of the Bulge (Wikipedia.org)
Battle of St. Vith (Wikipedia.org)
• Charles B. MacDonald: Noel 1944: la Bataille d'Ardenne. Editions Luc Pire (2006). ISBN 2-87415-468/7.

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