Famille des véhicules de transport M2/M3/M5/M9 Half-Track

Le Half-Track est un véhicule de transport blindé de l'US Army, produit en grande série et abondamment utilisé par les Etats-Unis au cours de la Seconde Guerre mondiale. La plupart des pays alliés l'ont également employé pendant cette période. Avec sa traction semi-chenillée caractéristique, d'où son nom, il est un véhicule tout-terrain devenu célèbre et s'est adapté à tous les théâtres d'opérations du conflit et à tous les environnements possibles et imaginables: dans le cercle polaire arctique et climat sibérien, dans le désert, en Europe au climat tempéré, ainsi que dans les jungles et l'humidité du Pacifique et d'Asie du Sud-Est. Les forces américaines l'emploient durant la Guerre de Corée. Dans certains pays d'Amérique Latine (Salvador, Argentine, Brésil et Chili), il termine sa carrière opérationnelle à la fin des années septantes. Au Moyen-Orient, Israel l'emploit dans les conflits successifs avec les pays arabes, en 1948, 1956, 1967 et 1973. En 1982, quelques dizaines d'exemplaires sont encore présents dans l'Armée libanaise et dans les forces de réserve d'Israel.

Le M2, destiné à l'origine à la traction des obusiers de l'US Army dans les unités d'infanterie mécanisée, est construit à environ 13,500 exemplaires par les firmes Autocar Company, White Motor Company et Diamond T Motor Company. Le M9, pratiquement identique, est assemblé par la firme International Harvester Company à plus de 3,500 exemplaires. Le M3, pour sa part, est une variante au châssis allongé, destiné prioritairement au transport de troupes et aux missions d'appui-feu ou de reconnaissance, et construite à presque 41,000 exemplaires, en parallèle au M2/M9 et par les mêmes industries. Environ 5,000 autres Half-Track, destinés prioritairement à la Loi Prêt-Bail (Lend-Lease Act), sont fournis aux autres pays alliés en guerre contre l'Axe: Grande-Bretagne et membres du Commonwealth, Union Soviétique, France, Brésil, etc, sous la désignation "M5 Armored Personnel Carrier (APC) Half-Track". Toutes variantes confondues, à l'exception de la Jeep et du camion GMC, il est le véhicule utilitaire le plus prolifique de la Seconde Guerre mondiale.




Historique de la conception et production.

1° M2/M9 Half-Track.

Le nom générique "Half-Track" désigne dans la nomenclature militaire américaine les véhicules basés sur la traction "semi-chenillée", elle-même inspirée des Citröen Kégresse fabriqués depuis la Première Guerre mondiale.

Photo ci-dessous: l'"ancêtre" du Half-Track, le Citröen Kégresse d'origine française, ici employé par l'Union Soviétique dans les régions polaires pendant les années trentes.


La cavalerie des Etats-Unis voit en lui le véhicule blindé idéal pour servir dans des conditions météorologiques défavorables (pluies, neiges, boue) et les types de terrain difficiles. En 1938, la firme White Motor Company de Cleveland, dans l'Ohio, choisit le système de boogie arrière à quatre roulettes Timken, à partir du camion T9 Half-Track, et l'adapte au véhicule à roues M3 Scout-Car. Ce qui donne naissance au prototype T7 Half-Track. Ce véhicule est cependant sous-motorisé et inadapté au rôle de tracteur d'obusier de 105mm dans les unités d'artillerie de l'US Army. Un véhicule équipé d'un moteur plus puissant est donc conçu, sous la désignation "Half-Track Scout-Car T14". La conception utilise plusieurs composants ou ensemble répandus dans le commerce, pour accroître son rythme de production.

Photo ci-dessous: le véhicule à roue M3 Scout-Car d'origine, rééquipé d'un système de boogie arrière "Timken", donne naissance au prototype T14 Half-Track.


A la fin de l'année 1940, le véhicule commence à être produit en série, sous la désignation M2 Half-Track Car, par les firmes Autocar Company, d'Ardmore en Pennsylvanie, White Motor Company, de Cleveland dans l'Ohio, et Diamond T Motor Company, de Chicago dans l'Illinois. Le M9, pour sa part, est pratiquement identique au M2 et construit par la firme International Harvester Company de Chicago. L'utilité du Half-Track pour l'emploi dans les unités d'infanterie mécanisée étant reconnue et appréciée, la décision est prise de créer une version agrandie, le M3, dont la production se fait en parallèle par les mêmes industries. Les premiers M2 sont réceptionnés et testés par l'US Army en 1941. Le Half-Track est destiné en priorité aux unités d'artillerie pour tracter l'obusier de 105mm et transporter ses munitions. Mais il sert également au sein des unités d'infanterie mécanisées, en particulier pour le transport des pelotons d'appui-feu, équipés de mitrailleuses lourdes ou de mortiers. Plus tard, des dérivés destinés à des usages "spéciaux", comme le M2/T1E1 équipé de quatre mitrailleuses AA jumelées de cal .50 (12.7mm), sont développés. En 1942 et 1943, à l'instar du M3, les M2/M9 reçoivent des modifications et améliorations, dont un moteur plus puissant et un compartiment agrandi et une capacité de transport plus importante.

Photo ci-dessous: M2 Half-Track de l'US Army à Fort Benning, en Géorgie, en 1942.


La production totale des M2 et de ses dérivés s'élève à environ 13,500 exemplaires, construits pendant toute la durée du conflit. Une partie de ceux-ci, selon les termes de la Loi Prêt-Bail (Lend-Lease Act), sont fournis aux autres pays alliés comme la Grande-Bretagne et les membres du Commonwealth (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud, ...), l'Union Soviétique, la Chine nationaliste, la France et le Brésil, etc. Le M3, pratiquement identique au M2 exceptés quelques détails mineurs comme les portes du compartiment arrière, est assemblé à plus de 3,500 exemplaires par la firme International Harvester Company de Chicago, dans l'Illinois, ceux-ci destinés en priorité au Prêt-Bail.


2° M3/M5 Half-Track Armored Personnel Carrier (APC).

Offrant le choix du moteur, soit un White 160AX, soit un Red Diamond 450, le M3 est équipé d'une transmission manuelle à engrennages, d'une conduite manuelle non-assistée, d'une boite de vitesses avec 4 vitesses avant et une vitesse arrière. De deux roues avec suspension à ressort à lames à l'avant, et d'un système chenillé avec ressorts à volute et boogies à quatre roulettes à l'arrière. Un système de freins hydrauliques et un circuit électrique 12-Volts.

Le châssis est agrandis tant en longueur qu'en largeur, et l'aménagement du compartiment passager arrière complètement modifié, pour recevoir une escouade de 12 hommes entièrement équipés. Dans ce compartiment, cinq sièges sont montés de chaque côté, ainsi que trois sièges (un conducteur et deux autres passagers) dans la cabine avant. Des racks sont disposés entre chaque siège pour recevoir soit des rations individuelles, soit des munitions supplémentaires. Des racks sont également installés à l'extérieur du châssis, juste au-dessus des chenilles. Au combat, la plupart des unités estiment nécessaire d'installer de l'équipement, des sacs ou des filets de camouflage à l'extérieur. Et souvent, d'autres racks pour des bagages supplémentaires sont ajoutés dans l'habitacle ou sur ses parois externes.

Photo ci-dessous: M3 Half-Track lors du Thunder Over Michigan 2006, 5 août 2006.


Les véhicules de début de série reçoivent un système de pivot, entre la cabine avant et le compartiment arrière, pour l'installation d'une mitrailleuse défensive Browning M2 .50 cal (12.7mm). La variante M3A1 est équipée en plus de plaques de blindage pour le poste de tir de la 12.7mm, et de deux autres mitrailleuses de cal .30 (7.62mm) montées sur des pivots, un sur chaque flanc du compartiment arrière, et servies par les passagers. La plupart des M3 de début de production sont par la suite modifiés pour être mis à ces standards. Le châssis est entièrement protégé par du blindage.

Mais au début de sa carrière, le Half-Track est extrêmement impopulaire et surnommé "Purple Heart Box", en référence aux médailles décernées aux blessés au combat, par les troupes américaines. Malgré le blindage, les équipages et les passagers se plaignent souvent de leur épaisseur insuffisante et du manque de protection contre les éclats d'obus et les shrapnels d'artillerie, et même contre le tir de mitrailleuses lourdes ennemies.

Un total de presque 41,000 exemplaires du M3 et de ses dérivés sortent des chaînes de montage. Pour équiper les autres pays alliés, en vertu de la Loi Prêt-Bail, la firme International Harvester Company de Chicago, dans l'Illinois, produit à partir de décembre 1943 environ 5,000 autres véhicules similaires, redésignés M5 Half-Track Armored Personnel Carrier (APC).

Photo ci-dessous: M5 Half-Track APC de l'Armée britannique, 7 juillet 2012.



Carrière opérationnelle du Half-Track.

Les premiers Half-Track sont mis en service par l'US Army en 1941, et utilisés d'abord dans les îles Philippines (Décembre 1941 - Avril 1942), puis en Afrique du Nord (Novembre 1942 - Mai 1943). Ils sont ensuite employés en Sicile, en Italie, et finalement sur le front de l'Ouest, par la plupart des pays alliés (Grande-Bretagne, France, Pologne, Belgique, Brésil, ...), jusqu'à la capitulation inconditionnelle du Troisième Reich, le 8 mai 1945. En vertu de la Loi Pret-Bail, l'Union Soviétique en utilise également sur le Front de l'Est. Des véhicules de ce type sont employés par l'US Army et l'US Marine Corps dans le Pacifique, et par les membres du Commonwealth britannique et la Chine nationaliste en Extrême-Orient.

Photo ci-dessous: M3 Half-Track APC de l'US Army, exposé au Musée d'Ursel, près de Gand en Belgique. 9 août 2008.


L'US Army emploit des Half-Track durant la Guerre de Corée. L'Armée française en utilise également en Indochine (1945-1954). Certains d'entre-eux, laissés sur place après les Accords de Genève de juillet 1954, sont récupérés par l'Armée Sud-Vietnamienne, qui les emploit dans sa lutte contre le Vietcong et les troupes nord-vietnamiennes au moins jusqu'en 1972.

Photo ci-dessous: M16 Half-Track Multiple Gun Motor Carrière (MGMC) de l'US Army, équipé de quatre mitrailleuses jumelées Browning M2HB calibre .50 (12.7mm), employé durant la guerre de Corée. 21ème Bataillon d'artillerie blindée AA (21 AAA), janvier 1953.


Au Moyen-Orient, au cours des conflits israélo-arabes successifs (1948, 1956, 1967 et 1973), le Half-Track est autant utilisé par Israel que par ses adversaires, l'Egypte, la Syrie et la Jordanie. Israel met en ligne ses derniers M3/M5 pendant la Guerre du Yom-Kippour, en octobre 1973. Certains Half-Track équipent encore les forces de réserve de Tsahal et l'Armée libanaise, ainsi que certaines factions de l'OLP et des Milices chrétiennes, lors du déclenchement de l'opération Paix en Galilée, en juin 1982.

Photo ci-dessous: M3 Mk. A Zacklam israélien utilisé dans le désert du Sinaï lors de la Guerre des Six-Jours, en juin 1967.


Des pays d'Amérique du Sud comme le Honduras, le Nicaragua, l'Argentine ou le Chili emploient des Half-Track. La Garde Nationale nicaraguayenne les utilise jusqu'en 1978-1979, lors de la Révolution des Sandanistes. L'Armée argentine retire du service actif ses derniers M9 en 2005, et les cède à la Bolivie.

En Europe en 1947, le constructeur finlandais Vanajan Autotehdas achète aux surplus militaires britanniques et français situés en Allemagne de l'Ouest, 425 M2 Half-Track. Ces véhicules sont dépouillés de leurs plaques de blindage. 359 d'entre-eux sont convertis pour la lutte anti-incendie en forêt, sous la désignation Vanaja VaWh. Les derniers d'entre-eux sont retirés du service en 1952.


Récapitulatif des variantes et dérivés du Half-Track.

1° M2/M9 Half-Track.
  • M2. Version initiale de série, équipée d'un moteur White 160AX de 148 chevaux (110kW). Par la suite, montage d'un système de pivot, situé en le compartiment arrière et la cabine avant, pouvant recevoir une mitrailleuse Browning M2 cal .50 (12.7mm), et de deux postes de tir latéraux sur les côtés du compartiment arrière, équipés de mitrailleuses Browning M1919 de cal .30-06 (7.62mm).

    Photo ci-dessous: M2 Half-Track Personnel Carrier.

  • M2E5/M9. M2 Half-Track construit par la firme International Harvester Company. Variante développée en complément du M2 pour le Prêt-Bail. Châssis allongé et sans porte d'accès du compartiment passagers arrière. Très similaire au M5, excepté l'aménagement interne.
  • M9A1. Identique au M9, à l'exception du système pivot M49, avec deux portes d'accès arrière.
  • M2E6/M2A1. M2 équipé d'un poste de tir principal M49 amélioré (12.7mm), et trois postes de tir M1919 (7.62mm) sur les flancs et l'arrière du compartiment passagers.

    Photo ci-dessous: M2A1 Half-Track de l'US Army.



2° M3/M5 Half-Track APC.
  • M3 Half-Track Armored Personnel Carrier. Half-Track avec châssis du M2 agrandi, équipé du moteur White 160AX de 147 chevaux, d'une mitrailleuse Browning M2HB cal. 50 (12.7mm) à l'avant, et deux mitrailleuses AA M32-33 Maxim ou une M1919 de calibre .30 (7.62mm) en positions latérales.
  • M3A1. M3 équipé d'un poste de tir avant amélioré M49, pour la M2HB de 12.7mm. En 1942 et 1943, toute la série des M3 et M3A1 sont continuellement améliorés et modernisés. Ces modifications incluent un moteur plus puissant, un train chenillés de suspensions mieux adapté, et un volume de stockage plus important.
  • T29/M3A2. Prototype développé en 1943 pour réunir les caractéristiques des M2 et des M3 en un véhicule commun. Projet abandonné et non produit en série.
  • M3E2/M5 Half-Track Lend-Lease. Half-Track APC produit par la firme International Harvester Company, pratiquement identique au M3, exceptés le moteur Red Dimaond RD-450, une conduite manuelle et un système électrique différents. Variante destinée en priorité aux bénificiaires de la Loi Prêt-Bail: Grande-Bretagne, Canada, France et Union Soviétique.

    Photo ci-dessous: M5 Half-Track APC fournit à l'Union Soviétique. Les premiers exemplaires de ce véhicule arrivent dans le port de Mourmansk en novembre 1942. Ils prennent part à la fin de la bataille de Stalingrad en janvier 1943, puis à la bataille du Saillant de Koursk (Opération Citadelle) en juillet 1943. Ensuite à toutes les campagnes et engagements de l'Armée Rouge qui suivent, jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe, en mai 1945. Mais malheureusement, le moteur américain du M5 n'est pas très adapté au carburant à faible indice d'octane couramment employé par les Soviétiques, et nécessite des entretiens ou des réparations fréquentes.

  • M5A1. Similaire au M3A1, mais avec châssis M5.
  • T31/M5A2. Similaire au M3A2, pour réunir les caractéristiques du M5 et du M9 en un véhicule commun. Et tout comme le M3A2, projet abandonné.


3° Variantes mortier et canon automoteur.
  • M4/M4A1 81mm MMC. Motor Mortar Carriage, équipé d'un mortier M1 de 81mm, avec 97 obus.

  • M2 w/ M3 37mm. M2 dans les unités d'infanterie mécanisée américaines. Variante supposée recevoir le Gun Motor Carriage M6 antichar de 37mm du camion léger Dodge.
  • T12/M3 75mm HMC. Howitzer Motor Carriage sur châssis M3, équipé d'un obusier de 75mm ou de 105mm. Variante destinée à l'US Marine Corps.

    Photo ci-dessous: T12/M3 Half-Track Howitzer Motor Carriage (HMC) de l'USMC, équipé d'un obusier de 75mm, sur Bougainville dans les îles Salomon, en novembre 1943.

  • T48 57mm GMC. Gun Motor Carriage sur châssis M3, équipé d'un canon antichar M1 de 57mm, la version américaine du QF-6 Pounder britannique, avec 99 obus. 962 exemplaires sont produits au cours de ce conflit, dont 650 destinés à l'Union Soviétique, qui sont redésignés SU-57.

    Photo ci-dessous: T48 GMC SU-57 de l'Armée Rouge exposé au Musée de la Grande Guerre Patriotique, sur la colline Poklonnaya de Moscou. 21 septembre 2014.

  • T30 75mm HMC. Howitzer Motor Carriage sur châssis M3, équipé de l'obusier M1A1 de 75mm dans une casemate, avec 60 obus. Variante utilisée par l'US Army et les Forces Françaises Libres au cours de la Seconde Guerre mondiale, puis plus tard pendant la Guerre d'Indochine.
  • T38 105mm HMC. Howitzer Motor Carriage sur châssis M3, équipé d'un obusier M3 de 105mm. Projet abandonné en faveur du T19 105mm HMC.
  • T19/M21 81mm MMC Similaire au M4A1, mais sur châssis M3.
  • T19 105mm HMC. Howitzer Motor Carriage sur châssis M3. Equipé d'un obusier M2A1 de 105mm, avec 8 obus.
  • T21 MMC. Motor Mortar Carriage sur châssis M3, équipé d'un mortier 4.2 inch (107mm). Projet abandonné.


4° Variantes de défense anti-aérienne.
  • T1E1. Variante de défense anti-aérienne équipée d'un système pivot avec deux mitrailleuses Browning M2HB cal .50 (12.7mm). Projet abandonné en raison des résultats décevants des tests. Un seul prototype construit.
  • T28 CGMC. Combinaison Gun Motor Carriage sur châssis M2, équipé d'un canon antichar M1A2 de 37mm, flanqué de deux mitrailleuses M2HB de 12.7mm. Projet abandonné en 1943, au profit du T-28E1.
  • T28E1 CGMC. Similaire au T28 CGMC, mais sur châssis M3. Un canon antichar M1A2 de 37mm avec 240 obus, et deux mitrailleuses AA M2WC de 12.7mm avec 3,400 cartouches.

  • T10. Prototype avec châssis M2 pour tester la faisabilité de monter une version américaine du canon Hispano-Suiza HS.404 de 20mm monté sur tourelle Maxton M45 modifié. Projet abandonné en faveur du T10E1.
  • T10E1. Similaire au prototype T10, mais sur châssis M3. Deux canons AA Hispano-Suiza HS.404 installés dans une tourelle Maxton M45D. Projet abandonné en faveur du M16 Half-Track AAA.
  • T1E4/M13 Half-Track MGMC. Multiple Gun Motor Carriage sur châssis M3, équipé d'un tourelle Maxton M45 avec 2 mitrailleuses AA M2HB de 12.7mm et 5,000 cartouches. Les parois latérales du compartiment arrière peuvent être démontées ou abaissées, pour faciliter les manœuvres des servants.

  • M14 Half-Track MGMC. Similaire au M13, mais avec châssis M5, et destiné aux bénéficiaires de la Loi Prêt-Bail, en particuliers la Grande-Bretagne.
  • M16 Half-Track MGMC. Multiple Gun Motor Carriage sur châssis M3, équipé d'une tourelle Maxton M45D Quadmount, pouvant recevoir quatre mitrailleuses AA jumelées Browning M2WC de 12.7mm et 5,000 cartouches.

    Photo ci-dessous: M16 Half-Track MGMC de l'US Army.

  • M17 Half-Track MGMC. Similaire au M16 MGMC, mais sur châssis M5. Variante Prêt-Bail destinée en priorité à l'Union Soviétique.


5° Variantes israéliennes de l'après-2GM.
  • M3 Mk. A. M5 Armored Personnel Carrier (APC). Remarque: tous les Half-Track israéliens sont redésignés M3 Zacklam, y compris les variantes M2/M5/M9. Le Mk. A est caractérisé par un moteur International Harvester Red Diamond RD-450.
  • M3 Mk. B. M5 reconvertis en poste de commandement mobile, avec système de communication radios.
  • M3 Mk. C. Essentiellement un T19/M21 avec mortier M1 de 81mm, et propulsé par un moteur White 160AX.
  • M3 Mk. D. M3 Motor Mortar Carriage, rééquipé avec un mortier Soltam de 120mm. Entré en service en 1960.
  • M3 TCM-20. M3/M5 Multiple Gun Motor Carriage MGMC désigné Hatzerim, équipé de deux canons AA Hispano-Suiza HS.404 de 20mm dans une tourelle Maxton M45D.

    Photo ci-dessous: TCM-20 Hatzerim de l'Armée israélienne.



Article rédigé le 27 décembre 2014.


Sources principales:
M2 Half-Track Car (Wikipedia.org)
M3 Half-Track (Wikipedia.org)
M5 Half-Track APC (Wikipedia.org)

Char léger M3/M5 Stuart

Le Stuart est un char léger américain de la Seconde Guerre mondiale. Il équipe également les forces britanniques et du Commonwealth (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud), ainsi que certains pays alliés comme la Chine nationaliste, la France, la Belgique, l'Union Soviétique, le Brésil, Cuba et d'autres nations d'Amérique Latine. Bien qu'il est destiné à être remplacé par le M24 Chaffee en 1943/1944, il reste en service en grand nombre jusqu'à la fin du conflit.

Au total, plus de 25,000 exemplaires (dont 13,859 M3, 2,075 M5 et 6,810 M5A1) sont construits de mars 1941 jusqu'au début de l'année 1945, toutes variantes et sous-variantes confondues y compris britanniques. Baptisé par le Royaume-Uni du nom d'un des plus célèbres généraux confédérés de la Guerre de Sécession, James Ewell Brown "Jeb" Stuart, il reçoit également dans l'armée anglaise le surnom affectueux de "Honey" (Chérie) par certains équipages. Au sein de l'US Army, cependant, il conserve sa désignation d'origine "Light Tank M3" ou "Light Tank M5".




Historique de la conception et du développement.

En analysant les évenements en Europe en 1939 et 1940, les stratèges et les concepteurs de chars américains réalisent que le Light Tank M2 va rapidement devenir obsolète et dépassé techniquement. Ils décident de réaliser une version améliorée. Cette nouvelle conception, qui comprend un blindage plus épais, une suspension modifiée et un nouveau système de recul du canon, reçoit la désignation de "Light Tank M3". La production en série commence en mars 1941 et se poursuivra jusqu'en octobre 1943. Comme son prédécesseur M2A4, le M3 est équipé d'un canon M5 de 37mm et de cinq mitrailleuses Browning M1919A4 de calibre .30-06 (7.62mm): une coaxiale avec le canon, une sur affût au sommet de la tourelle, une sur la droite du glacis avant incliné, et deux installées dans des sabords (gauche et droit) à l'avant du glacis vertical. Plus tard, le canon M5 sera remplacé par un M6 L/53 plus petit et plus léger, et les deux sabords avant de mitrailleuses supprimées.

Photo ci-dessous: M3 Stuart à Fort Knox, dans le Kentucky, en 1942. On distingue le glacis vertical qui caractérise cette version initiale du chars, et les sabords gauche et droit équipés de deux mitrailleuses de 7.62mm.


A l'intérieur, le moteur radial est installé à l'arrière, avec les pignons de chaines à l'avant. L'arbre de transmission relie les deux composants et traverse le fond du compartiment de combat. Cette configuration ne va pas sans poser de problèmes: le vilebrequin gêne les mouvements des membres d'équipage. Pour y remedier, la caisse reçoit un plancher de compartiment, ce qui diminue encore son volume, déjà exigu.

Les moteurs radial à cylindres étant destinés prioritairement à l'aéronautique, une nouvelle version du chars est développée, équipée de deux moteurs automobiles jumelés Cadillac V-8 et d'une nouvelle transmission Hydra-matic, qui nécessitent un châssis et une tourelles remodelés. La nouvelle propulsion est plus silencieuse et son système de refroidissement plus efficace. La transmission automatique constitue également un entrainement plus facile des équipages. Le nouveau modèle, initialement appelé M4, mais pour éviter toute confusion avec le Sherman, est rapidement redésigné "Light Tank M5". Le glacis avant vertical du M3 a été remplacé par un glacis incliné et la trappe d'entrée/sortie de la tourelle installée au sommet, mais en dépit des critiques défavorables sur la faible puissance de feu du M3, sa version améliorée est équipée du même canon de 37mm. La production du M5 remplace graduellement celle du M3 à partir de la fin d'année 1942. Le projet M7 ayant été annulé, il faut attendre novembre 1944 pour que les premiers exemplaires de son successeur désigné, le M24 Chaffee, apparaissent en Europe.

Photo ci-dessous: M5 Stuart au cours du Thunder Over Michigan, le 5 août 2006.



Carrière opérationnelle du Stuart.

1° Afrique du Nord et Europe.

Le Royaume-Uni est le premier pays à utiliser le Light Tank M3, qu'elle baptise General Stuart, au combat. Du 15 novembre au 30 décembre 1941, environ 170 Stuart, sur un total de plus de 700 chars anglais, participent à l'Opération Crusader, l'attaque de la 8ème Armée britannique pour briser le siège de Tobrouk, en Libye. Avec cependant des résultats décevants. Bien que les pertes élevées des unités de Stuart soient dues davantage à la supériorité des tactiques et de l'expérience de la Deutsch Afrika Korps, qu'à l'apparente supériorité des blindés allemands de cette période, l'opération révèle plusieurs défauts majeurs. Les critiques et les plaintes portent essentiellement sur la faiblesse de l'armement (canon M5 de 37mm) et l'agencement de compartiment de combat interne. La tourelle, conçue pour deux personnes, est un point faible significatif, et pour tenter d'y remédier, plusieurs unités britanniques ajoutent un troisième membre d'équipage. Le Stuart souffre d'un rayon d'action limité, ce qui dans les grands espaces du désert où les pannes sèches sont fréquentes, représente un grave problème. Du côté positif, les équipages apprécient sa vitesse élevée et sa rusticité. Ces qualités techniques le distinguent des autres types de chars britanniques contemporains, en particulier du Crusader qui équipera la majorité des unités blindées de la 8ème Armée en Afrique du Nord jusqu'en 1942.

Le Stuart britannique reçoit le surnom affectueux de "Honey" (Chérie) par certains de ses équipages. En été 1942, les Britanniques gardent leurs Stuart strictement en dehors des affrontements avec les chars ennemis, et les utilisent exclusivement pour leur rôle primaire, la reconnaissance. Dans plusieurs cas, la tourelle est enlevée pour alléger le véhicule et augmenter sa vitesse et son autonomie. Cette configuration est baptisée "Stuart Recce". Certains chars sont convertis en transport de troupes blindés et appelés "Stuart Kangaroo" (Le Kangourou), et certains autres encore en véhicules de commandement "Stuart Command" avec plusieurs postes radios. Les M3 et les M5 poursuivront leur carrière au sein des forces britanniques jusqu'à la fin de la guerre. En proportion, les Etats-Unis utilisent des chars légers Stuart en plus grande quantité encore.

Photo ci-dessous: M3 Stuart de la 8ème Armée britannique mis hors de combat en Afrique du Nord.


Le second bénéficiaire majeur de la Loi Prêt-Bail en chars M3 est l'Union Soviétique. Cependant, globalement, l'Armée Rouge le trouve inefficace, en considérant sa faible puissance de feu, son blindage insuffisant, l'inflammabilité du moteur en raison de l'essence à haut degré d'octane utilisé. Le moteur radial du M3 posent d'énormes problèmes logistiques aux Soviétiques, plus habitués au moteur diesel moins inflammable. Sa consommation importante lui donne un faible rayon d'action, un problème particulièrement sensible pour un véhicule de reconnaissance. Comparé aux types de chars russes comme le T-34, le M3 est moins adapté aux chemins boueux des périodes printanières et automnales, et aux conditions hivernales sur le Front de l'Est. En 1943, l'Armée Rouge teste le M5, mais juge cette conception améliorée du Stuart aussi inadaptée que le M3. Etant moins désespérée qu'en 1941, les Soviétiques rejettent l'offre des Etats-Unis de leur fournir des M5. Le M3 poursuivra sa carrière opérationnelle au sein de l'Armée Rouge jusqu'en 1944. Mais en général, les Soviétiques apprécient la fiabilité du matériel fournis par les Américains, particulièrement le Sherman, le camion GMC et la Jeep Willis.

Photo ci-dessous: M3 Stuart de l'Armée Rouge pendant la bataille de Stalingrad. Au second plan, on distingue un M3 Grant et un T34.



2° Extrême-Orient, Chine-Birmanie-Inde (CBI) et Pacifique.

L'US Army déploit initiallement 108 Stuart dans les Philippines en septembre 1941, qui équipent les 192ème et 194ème Bataillons de chars. Ces blindés américains combattent pour la première fois du conflit des chars ennemis le 22 décembre 1941, lorsqu'un peloton de 5 M3 commandés par le lieutenant Ben R. Morin engagent des Type 95 Ha-Go du 4ème Régiment de chars de l'Armée impériale japonaise (IJA), au nord de Damortis, sur l'île de Luçon. Les mois suivants, les M3 américains continuent de se livrer à des escarmouches d'arrière-garde, au cours de la désastreuse retraite alliée dans la péninsule de Bataan, le dernier engagement char-contre-char se produisant le 7 avril 1942.

En raison de la prédominance aéronavale dans la Guerre du Pacifique, au Japon l'acier est destiné en priorité à la construction navale et aéronautique. La production des chars destinés à ce théâtre des opérations jouera un rôle mineur pendant toute la durée du conflit. Dans cet environnement de jungle, le char léger M3 et ses homologues japonais démontrent qu'ils peuvent être d'excellents véhicules blindés de combat.

Après que les Japonais aient déferlé dans le Sud-Est asiatique et conquis le Siam (Thaïlande), la Malaisie, Singapour et la Birmanie, le Royaume-Uni détourne les Stuart du 2ème Régiment Royal de Chars et du 7ème Régiment de Hussards d'Afrique du Nord vers le théâtre d'opération Chine-Birmanie-Inde (CBI), où ils affrontent le 14ème Régiment de chars japonais. Lorsque l'IJA est stoppée en Inde au cours de la Bataille d'Imphal-Kohima (mars-juin 1944), un seul Stuart est encore opérationnel. Depuis l'entrée en guerre des Etats-Unis, en décembre 1941, ceux-ci fournissent à la Chine nationaliste et aux pays du Commonwealth des M3/M5 Stuart, puis plus tard des M4 Sherman et M18 Hellcat. Ces unités blindées, supérieurement équipées et entrainées face à leurs homologues ennemis, stoppent toutes les attaques et offensives japonaises dans les dernières phases de la Seconde Guerre mondiale.

Photos ci-dessous: 1° M5A1 Stuart de l'armée nationaliste chinoise sur la Route de Ledo, en 1945. 2° M3 Stuart australien lors de la Bataille de Buna (janvier 1943), en Nouvelle-Guinée.




Bien que les chars légers américains soient très efficaces dans ce type de combat de jungle, les bataillons de chars de l'US Marine Corps effectuent leur transition du M3/M5 Stuart au M4 Sherman au cours de second semestre de l'année 1943.


3° Usage général et TO&E dans l'US Army (1943-1945).

Lorsque l'US Army participe à la campagne d'Afrique du Nord, à partir de novembre 1942, les unités de Stuart forment la majeure partie des divisions blindées américaines. Après la désastreuse bataille de la Passe de Casserine (février 1943), l'Armée américaine, à l'exemple de la Grande-Bretagne, dissout ses "Bataillons de chars légers" et réorganise le "Tableau d'Organisation et d'Equipement" (TO&E) à l'échelon du bataillon et de la division. Désormais, elle subordonne les Stuart dans les "Bataillons de chars moyens" en leur attribuant leur rôle traditionnel: les missions de cavalerie de reconnaissance.

Pour le reste de la guerre en Europe, la division blindée typique de l'US Army compte, suivant le TO&E 1944/1945, trois bataillons de chars (Tank Battalions), trois bataillons d'infanterie blindée (Armored Infantry Battalions) et trois bataillons d'artillerie blindée (Armored Field Artillery Battalions). Chaque bataillons de chars comprend trois chars Sherman de commandement BHQ: un pour le commandant de bataillon (major ou lieutenant-colonel), un pour le commandant en second et un pour l'officier exécutif, un peloton de trois M4(105)W ou M8 HMC d'appui et de soutien d'artillerie, et enfin quatre compagnies de combat: trois de chars moyens M4 Sherman et un de chars légers M5 Stuart. Chacune de ces compagnies comptent un char M4 CHQ pour le commandant de compagnie (un capitaine), un char M4 CHQ pour son officier exécutif (un lieutenant) et trois pelotons de chars. Chacun de ces pelotons, à leur tour, compte cinq véhicules de combat. Soit 17 chars par compagnie et 74 chars par bataillon. Au total, en dotation complète de la division blindée américaine, nous avons donc 222 chars de combat: 171 Sherman et 51 Stuart.

Photo ci-dessous: M5A1 Stuart dans le bocage normand en juillet 1944. On distingue le dispositif Hedgerow Cuter de Culin soudé à l'avant.



4° Période post-2GM.

Après la Seconde Guerre mondiale, plusieurs pays choisissent d'équiper leur armée de Stuart fiables et à bas prix. La Chine nationaliste de Chang Kai-chek, qui a subit d'énormes pertes durant la Guerre civile qui l'oppose aux Communistes, reconstruit son armée en achetant des véhicules aux forces américaines stationnées dans les Philippines. Ces achats incluent 21 M5A1 qui équipent deux compagnies de chars. Ils combattent pour la dernière fois lors de la Bataille de Kuningtou, également appelée Bataille de Kinmen, fin octobre 1949. Affrontements qui leur vaudra le surnom de "Ours de Kinmen".

Photo ci-dessous: M5A1 Stuart "Ours de Kinmen" de la Chine nationaliste.


Les M5 jouent un rôle significatif lors de la Première Guerre indo-pakistanaise (1947-1948), dans la région montagneuse himalayenne du Cachemire. Lors de la Bataille de la Passe de Zoji-la, ils opèrent à presque 4,000 mètres d'altitude. Les Stuart resteront en service dans plusieurs pays d'Amérique du Sud jusqu'en 1996.

Photo ci-dessous: défilé de chars M3 Stuart, lors des cérémonies de l'Independence Day au Paraguay, le 15 mai 2002.


Au cours des années soixantes et septantes, le Portugal les utilise également durant la Guerre civile en Angola, où ses capacités tout-terrain (comparées à celles des véhicules à roues) sont grandement appréciées. En 1967, l'armée portugaise déploit trois M5A1 baptisés "Milocas", "Licas" et "Gina" par leur équipage, dans le nord de l'Angola, où ils sont intégrés au sein du 1927ème Bataillon de cavalerie, commandé par le major Joao Mendes Paulo et stationné à Nambuangongo. Ces chars sont employés principalement pour l'escorte de convois et la lutte anti-insurrectionnelle contre le Front de Libération Nationale Angolais (MPLA), lequel les surnomme "Elefante Dundum" (Eléphants). "Milocas" est détruit dans un incendie accidentel en 1969. "Licas" et "Gina" sont retirés du service actif en 1972.

Le Corps blindé Sud-Africain continue d'utiliser des M3A1 dans des unités de réserve jusqu'en 1955. Plusieurs d'entre-eux sont modernisés et customisés localement en 1962, et resteront en service jusqu'à la fin de 1964. Les derniers Stuart sud-africains sont ferraillés en 1968.


Récapitulatif des variantes et sous-variantes produites.

1° Variantes américaines.

  • M3 (Stuart I). Version de série initiale. 5,811 exemplaires construits. 1,285 M3 rééquipés du moteur diesel Guiberson et désigné Stuart II par les Britanniques. Fin de production des M3 modifiée avec la tourelle du M3A1. Ces exemplaires sont redésignés Stuart Hybrid.
  • M3A1 (Stuart III). 4,621 exemplaires construits entre mai 1942 et février 1943. Nouvelle tourelle sans coupole, installation d'un stabilisateur vertical de tir, suppression des bronsons (sabords gauches et droites) et des deux mitrailleuses Browning cal .30-60 M1919 installés sur le glacis vertical. Des M3A1 rééquipés avec le moteur diesel Guiberson sont désignés Stuart IV par les Britanniques.

    Photo ci-dessous: M3A1 exposé au Yad la-Shiryon Museum, en Israel, 29 octobre 2005.

  • M3A3 (Stuart V). 3,427 exemplaires construits. Variante modifiée pour introduire certains éléments du M5. Arrière de la tourelle agrandi pour recevoir l'équipement radio SCR-508. Augmentation de l'épaisseur du blindage, parois du glacis vertical incliné de 20°, sur le devant et les côtés.

    Photo ci-dessous: M3A3 exposé au Musée Militaire de Belgrade, en Serbie, 2 septembre 2006.

  • M5 (Stuart VI). 2,075 exemplaires construits. Deux moteurs automobile Cadillac V-8. Caisse redessinée similaire à celle du M3A3, mais avec le glacis vertical et le compartiment moteur agrandi. Tourelle du M3A1.
  • M5A1 (Stuart VI). 6,810 exemplaires construits. M5 avec la tourelle du M3A3. Variante majeure des unités américaines en 1943.

    Photo ci-dessous: M5A1 exposé au Musée Militaire de Borden, Ontario, au Canada, 25 août 2005.

  • 75mm Howitzer Motor Carriage HMC M8. 1,778 exemplaires construits entre septembre 1942 et janvier 1944. Châssis du M5, équipé avec un obusier M2/M3 de 75mm dans une tourelle ouverte, et un crochet d'attelage pour une remorque de munitions. Variante destinée aux escadrons (1) de cavalerie de reconnaissance.

    Photo ci-dessous: M8 HMC exposé au Musée des Blindés de Saumur, France, 8 août 2006.

  • 75mm Howitzer Motor Carriage M8A1. Sous-variante du HMC M8 avec le châssis du M5A1.
  • T18 75mm Howitzer Motor Carriage. Canon autopropulsé avec le châssis M3. Obusier M1A1 de 75mm. Projet commencé en septembre 1941 mais abandonné en avril 1942, au profit du HMC M8. Seulement 2 prototypes construits.
  • T82 Howitzer Motor Carriage. Canon autopropulsé avec le châssis M5A1. Obusier M3 de 105mm. Projet annulé en 1945.
  • T56 3in Gun Motor Carriage. Canon autopropulsé avec châssis M3A3. Compartiment moteur installé au centre de la caisse. Obusier de 3 pouces/inches L/50 de 76mm installé dans une casemate à l'arrière. Projet commencé en septembre 1942 puis abandonné en février 1943.
  • T57 3in Gun Motor Carriage. Sous-variante du T56 GMC avec moteur Continental radial du M3 Lee/Grant. projet également abandonné en février 1943.
  • T27/T27E1 81mm Mortar Motor Carriage. M5A1 avec la tourelle remplacée par une structure avec mortier de 81mm et une mitrailleuse Browning .50 M2HB de 12.7mm. Projet abandonné en avril 1944 en raison du peu de pratique pour les équipages et du manque d'espace pour stocker des munitions.
  • T29 4.2in Mortar Motor Carriage. Conception similaire au T27, avec un mortier 4.2 pouces/inches de 107mm. Projet abandonné pour les mêmes raisons.
  • T81 Chemical Mortar Carriage. (2) M5A1 avec mortier de 4.2in tirant des obus fumigènes.
  • M3 Maxson Turret. Variante AA développée en 1942. 4 mitrailleuses jumelées de DCA Browning M2HB cal .50 de 12.7mm montées dans une tourelle conçue par Maxson Corp. Projet abandonné en faveur du Half-Track M16 MGMC.
  • 40mm Gun Motor Carriage T65. Véhicule AA avec châssis du M5A1 rallongé. Armé d'un canon Bofor de 40mm. La production est ordonnée, mais sur le châssis du M24 Chaffee. Ce qui donne le M19 Gun Motor Carriage. (3)
  • 20mm Multiple Gun Motor Carriage T85. Véhicule AA avec châssis du M5A1 rallongé. Armé de quatre canons jumelés Oerlikon de 20mm.
  • M3/M5 Command Tank. M3/M5 de commandement BHQ ou CHQ, avec tourelle remplacée par un poste de mitrailleuse Browning M2 cal .50 de 12.7mm.
  • T8 Reconnaissance Vehicle. M5 avec tourelle remplacée par quatre mitrailleuses M2 de 12.7mm.
  • M3/M3A1 with Stan Flame Gun. Variante avec lance-flamme Ronson installé sur le canon. 20 exemplaires convertis pour l'US Marine Corps en 1943.
  • M5A1 with E5R1-M3 Flame Gun. Lance-flamme E5R1 installé à la place de la mitrailleuse avant (7.62mm) de caisse.
  • M5A1 with E5R2-M3 Flame Gun. Lance-flamme E5R2 installé à la place de la mitrailleuse avant (7.62mm) de caisse.
  • M5 Dozer. Sous-variante M5 du génie équipée d'une lame de bulldozer fixée à deux bras amovibles. Tourelle généralement démontée.
  • M5 with T39 Rocket Launcher. M5 avec lance-roquettes multiples Katiusha. 20 roquettes T39 de 7.2 pouces/inches (182mm). Projet non développé.
  • M5A1 with E7-7 Flame Gun. Lance-flamme E7-7 installé à la place du canon de tourelle.
  • M5A1 with E9-9 Flame-Throwing Equipment. Un seul prototype. Projet annulé.
  • M5A1 with E8 Flame Gun. Tourelle remplacée par une casemate équipée d'un lance-flamme E8. Un seul prototype. Projet annulé.


(1) Squadron: désignation typique dans la nomenclature employée par la cavalerie américaine. Equivalent du Bataillon d'infanterie. Troop est l'équivalent de la Compagnie d'infanterie.

(2) Dans la nomenclature de l'US Army, le mot Chemical désigne la capacité d'emport de munitions fumigènes ou lacrymogènes.

(3) Blogosphère Mara: Char léger M24 Chaffee



2° Variantes britanniques.

  • Stuart Recce. Véhicule de reconnaissance avec tourelle démontée.
  • Stuart Kangaroo. Véhicule IFV de transport blindé de troupes.

  • Stuart Command. Véhicule de commandement équipé de plusieurs postes radios.
  • Stuart Artillery Tractor. Véhicule similaire au Recce ou au Kangaroo, mais destiné à tracter des canons QF17-Pounder.


3° Variantes brésiliennes.

Au cours des années septantes, la firme brésilienne Bernardini développe une série de transformations radicales sur des Stuart en service dans l'armée de terre.

  • X1A. Basé sur le châssis M3A1. Equipé d'un nouveau moteur diesel Saab-Scania de 280 chevaux (210kW), d'une suspension améliorée, de nouvelles plaques de blindage, d'un système de contrôle de tir moderne et d'un canon DEFA de 90mm dans une tourelle redessinée. 80 exemplaires produits.
  • X1A1. Un X1A avec une suspension améliorée à trois boogies, au lieu de deux habituels. Projet non développé.
  • X1A2. Basé sur le X1A1, cette variante complètement "relookée" n'a plus rien de comparable avec le M3 d'origine. La caisse est redessinée et agrandie, sa masse passe à 17 tonnes, avec un équipage de trois hommes, un canon DEFA de 90mm et un moteur diesel Saab-Scania de 300 chevaux (220kW). 30 exemplaires sont construits.

    Photo ci-dessous: X1A2 brésilien.



Article rédigé le 15 décembre 2014.


Sources principales:
M3 Stuart (Wikipedia.org)


Char léger M24 Chaffee

Le "Light Tank M24" est un char léger américain qui a combattu au cours de la Seconde Guerre mondiale, à partir de novembre 1944 en Europe, et dans plusieurs conflits postérieurs, comme la Guerre de Corée, la Guerre d'Indochine, la Guerre d'Algérie et les guerres indo-pakistanaises. A l'origine, il est destiné à remplacer les vieux M3/M5 Stuart qui équipent encore les unités de reconnaissance blindées légères et de cavalerie de l'US Army. Ce sont les Britanniques, en premier, qui le baptisent du nom du major-général américain Adna R. Chaffee, Jr, un des pères fondateurs de l'arme blindée et de ses tactiques d'emploi aux Etats-Unis, au cours de l'entre-deux-guerres.

Au total, 4,731 exemplaires sont produits, entre avril 1944 et août 1945. Alors qu'il est retiré du service au sein des forces américaines et britanniques après la Guerre de Corée (1953), il reste en service dans plusieurs armées européennes, notamment la France, le Portugal, la Belgique et la Grèce, et dans de nombreux pays d'Amérique Latine ou du Tiers-Monde. Des Chaffee combattent pour la dernière fois au cours du troisième conflit indo-paskistanais (1971). Quelques chars M24 équipent encore les deux adversaires en lice lors de la Guerre Iran-Irak (1980-1988), mais ils ne prennent pas part aux opérations sur les champs de bataille.




Historique du développement et de la production.

Les enseignements tirés du combat au cours des premières années de la Seconde Guerre mondiale révèlent les défauts et les insuffisances du "Light Tank M3/M5" Stuart, spéciallement sa faible puissance de feu et son canon de 37mm. La conception du prototype T7 est perçue en tant que remplaçant du médiocre et décevant Medium Tank M7, dont le projet est abandonné en mars 1943. Cela pousse le Département de l'Equipement à émettre de nouvelles spécifications pour le développement d'un char léger, doté de la même puissance motrice que le Stuart, mais armé du canon de 75mm.

En avril 1943, le "Corps d'Equipement" de l'US Army (Ordnance Corps), travaillant en collaboration avec la Division Cadillac de General Motors, à Detroit dans le Michigan, entame la conception du projet "Light Tank T24". Les efforts sont concentrés sur le poids du véhicules, qui ne doit pas excéder 20 tonnes, avec une épaisseur maximale du blindage de seulement 25mm sur le glacis avant incliné verticalement de 60 degrés. Un nouveau canon léger M6 L/40 de 75mm est conçu, un dérivé du canon embarqué alors utilisé par les bombardiers B-25 Mitchell "Gunship". Ce canon a les mêmes caractéristiques ballistiques que le M3 du Sherman, tout en étant constitué d'un tube moins épais et d'un mécanisme de recul différent, plus compact. La conception mise également sur une largeur des chenilles de 16 pouces/inches (40cm) et une nouvelle suspension avec barres de torsion.


Le 15 octobre 1943, le prototype T24 est livré à l'US Army à des fins de tests d'évaluation au Aberdeen Proving Ground, dans le Michigan. Le modèle de série, redésigné M24, est ensuite produit sur deux sites: à partir d'avril 1944 dans l'usine Cadillac de Detroit, et à partir de juillet dans l'usine Massey-Harris de General Motors Canada, à Brantfort dans l'Ontario. Lorsque la production de ces deux usines prend fin en août 1945, 4,731 exemplaires sont sortis des chaînes de montage. Une grande partie d'entre-eux servent dans l'Armée britannique, qui le baptise du nom du major-général Adna Romanza Chaffee, Jr, un des pères fondateurs des doctrines d'emploi de l'arme blindée aux Etats-Unis, durant l'entre-deux-guerre.


Carrière opérationnelle du M24 Chaffee.

1° Seconde Guerre mondiale.

Le M24 est destiné à remplacer les M3/M5 Stuart, jugés obsolètes et qui sont utilisés dans des missions de soutien ou de reconnaissance. Les 34 premiers exemplaires du Chaffee arrivent en Europe en novembre 1944 et servent au sein du 2ème Groupe de Cavalerie (mécanisée) en France. Ils sont ensuite réaffectés à la Troop F (1) du 2ème Escadron de Cavalerie de Reconnaissance et à la Troop F du 42ème Escadron de Cavalerie de Reconnaissance, qui reçoivent chacun 17 chars. Au cours de la Bataille des Ardennes, ces deux unités opèrent dans le secteur sud du saillant allemand, au sein de la 3ème Armée américaine de Patton. En fin d'année, le M24 est présent en nombre significatif sur ce théâtre européen des opérations (ETO), mais il restera toujours présents en très petite quantité sur la ligne de front. A la fin des hostilités, le 8 mai 1945, la plupart des divisions blindées américaines ont conservé leurs vieux chars Stuart. Elles ne recevront leurs premiers Chaffee qu'après la capitulation nazie.

Les rapports et les commentaires provenant des rares unités blindées les ayant utilisés jusqu'à la fin des hostilités sont globalement positifs. Les équipages des M24 apprécient en particulier leurs performances de vitesse hors-route, leurs petites dimensions idéales pour se dissimuler dans le décors, et leur puissance de feu qui leur laissait de bonnes chances de se soustraire à un engagement, en cas de nécessité. Cependant, le blindage léger du Chaffee le rend très vulnérable à tous les types de chars moyens ou lourds allemands, et en particulier aux armes antichars individuelles Panzerfaust et au tristement célèbre canon PaK de 88mm. La contribution du M24 dans la victoire alliée en Europe, étant donné la faible quantité d'exemplaires disponibles sur le front en mai 1945, a été insignifiante, comparée au M3/M5 Stuart et surtout au M4 Sherman.

Photo ci-dessous: char Chaffee de la 3ème Armée américaine près de Salzbourg, en Autriche, en mai 1945.



2° Période post-2GM.

Au cours de la Guerre de Corée (1950-1953), le M24 est le premier type de chars alliés à se mesurer aux T-34/85 nord-coréens, avec des résultats décevants. Les troupes d'occupation américaines au Japon sont inexpérimentées et sous-équipées, étant donnée la rapide démobilisation qui a suivit la fin de la Seconde Guerre mondiale. Face aux chars ennemis, le Chaffee est insuffisamment protégé et surclassé techniquement. Au cours de la Bataille du Périmètre de Pusan, il revient vite à son rôle traditionnel: la reconnaissance, laissant les combats antichars aux M4 Sherman, M26 Pershing et M46 Patton, mieux adaptés à ces missions. A partir de novembre 1950, le M24 commence à être remplacer dans les unités américaines par le nouveau M41 Walker Bulldog.

Photo ci-dessous: M24 américain utilisé lors de la Guerre de Corée.


La France utilise des M24 Chaffee en Indochine (1945-1954), en particulier lors de la Bataille de Dien Bien Phu, où dix chars de ce type sont démontés, transportés par avions cargo C-119 de la CIA et réassemblés sur place. Un peu plus tard, ils servent au cours de la Guerre d'Algérie (1954-1962) et lors des conflits de la décolonisation en Afrique.

Photo ci-dessous: Chaffee français lors de la Bataille de Dien Bien Phu, en mars 1954.


Au cours des premières années de la Guerre du Vietnam (1958-1965), l'armée de terre sud-vietnamienne (ARVN) utilise encore quelques M24 Chaffee aux cotés de M41 Walker Bulldog, son successeur dans l'Armée américaine, dans sa lutte contre le Vietcong communiste.

Photo ci-dessous: M41 Walker Bulldog de l'armée sud-vietnamienne, une version modernisée du Chaffee, en 1964.


Le Chaffee est encore utilisé dans des conflits régionaux en Asie, en Afrique et surtout en Amérique Latine. Notamment lors de la Révolution Cubaine (1953-1959), au Chili et en Argentine. Egalement au sein de l'Armée portugaise lors de la Guerre civile en Angola (1961-1974). Lors des trois conflits indo-pakistanais (1947, 1965 et 1971), il est employé par les deux belligérants. Ceux du Pakistan aux cotés de M4 Sherman, M26 Pershing et M48 Patton. Ceux de l'inde avec ses T-34, T-55 et T-60. En décembre 1971, au Cachemire, il est utilisé au combat pour la dernière fois par le Pakistan. Une décennie plus tard, quelques exemplaires sont présents dans la Guerre Iran-Irak (1980-1988) mais ceux-ci ne prennent part à aucun engagement sur la ligne de front. En Europe, quelques pays membres de l'OTAN (Belgique, Grèce, Norvège, Portugal, Italie, Grande-Bretagne) l'ont employé jusqu'au début des années septantes.


(1) Troop: équivalent de la Compagnie dans l'infanterie, terme utilisé dans la nomenclature de la cavalerie américaine. Le "Squadron" (Escadron) de cavalerie est pour sa part l'équivalent du Bataillon d'infanterie.


Récapitulatif des variantes et sous-variantes produites.

  • Light Tank T24. Désignation du prototype.
  • M24 Chaffee. Version de série. 4,731 exemplaires produits.
  • Light Tank T24E1. Prototype rééquipé avec un moteur radial Continental R975 et une transmission avec barres de torsion Spicer. Testé en octobre 1944, mais projet abandonné en raison de problèmes de fiabilité de la transmission.
  • M19 Gun Motor Carriage. Canon automoteur. Propulsion déplacé au centre du châssis. Version équipée d'un canon double AA de 40mm alimentés avec 336 obus, installé à l'arrière. 904 exemplaires commandés, mais seulement 285 livrés jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
  • M37 105mm Howitzer Motor Carriage. Equipé d'un obusier M4 de 105mm alimenté avec 126 obus. Destiné à remplacer le M7 Priest. 448 exemplaires commandés, 316 livrés.
  • M41 155mm Howitzer Motor Carriage. Baptisé Gorilla ("Le Gorille"). Equipé d'un obusier M1 de 155mm monté à l'arrière du châssis. 250 exemplaires commandés, 60 livrés.
  • T77 Multiple Gun Motor Carriage. Prototype équipé de six mitrailleuses de calibre 12.7mm installées dans une tourelle redessinée.
  • T9, T13. Véhicules utilitaires.
  • T22E1, T23E1, T33. Véhicules de transport cargo/frêt.
  • T42, T43. Versions "Tractor" destinées au dépannage. Le T43 est une variante plus légère du T42.
  • T9. Variante équipée d'une lame de bulldozer.
  • T6E1 Tank Recovery Vehicle. Véhicule de dépannage, de levage ou de récupération de chars.
  • M38 Wolfhound. Auto-mitrailleuse à roues équipée de la tourelle du M24 et d'un canon de 37mm. Projet annulé après la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Photos ci-dessous. 1° M19 Gun Motor Carriage (GMC). 2° M37 Howitzer Motor Carriage espagnol. 3° M41 Howitzer Motor Carriage exposé au Musée de l'Equipement de l'US Army, à Fort Lee (Pittsburg), en Virginie.







Article rédigé le 12 décembre 2014.


Sources principales:
M24 Chaffee (Wikipedia.org, en anglais)
M24 Chaffee (Wikipedia.org, en français)

Char moyen M4 Sherman: la bonne à tout faire des Alliés

Le "Medium Tank M4" est le principal et le plus célèbre char de combat utilisé par les Etats-Unis durant la Seconde Guerre mondiale. D'autres pays alliés l'ont également employé durant cette période, comme la Grande-Bretagne et les membres du Commonwealth, la France, la Chine et l'Union Soviétique, grâce au Lend Lease Act (Loi Pret-Bail). Bien qu'inférieur aux chars lourds allemands qui lui seront opposés en Italie et sur le front Ouest, il démontre de grandes performances de vitesse et de déploiement sur le théâtre euro-méditerranéen. Il est baptisé en l'honneur d'un des plus célèbres généraux de la Guerre de Sécession, William Tecumseh Sherman, et est largement inspiré de son prédécesseur, le M3 Grant ou Lee. Il est en outre doté d'un canon court de 75mm et d'un gyrostabilisateur qui lui permettent de tirer en mouvement. Dès le début de sa conception, les ingénieurs américains ont misé sur une grande facilité de production et de maintenance, sur ses incroyables capacités d'adaptation, sa rusticité, sa masse ne dépassant pas 34 tonnes, ses performances de vitesse et ses petites dimensions, le calibre standard universel (75mm) et l'interchangeabilité de ses munitions. Sa fabuleuse carrière opérationnelle commence en Afrique du Nord au sein de la 8ème Armée britannique, lors de la "Campagne du Désert" en septembre 1942.

Lorsqu'il apparait sur les champs de bataille, à El Alamein le mois suivant, il affronte le Panzer PzKw III, armé d'un canon de 50mm, et le Panzer PzKw IV, armé d'un canon de 75mm. Pour cette raison, ses concepteurs pensent que le Sherman leur est supérieur et parfaitement adapté à la guerre blindée de mouvements. Dès lors, ils ne se pressent pas pour adapter de nouvelles variantes plus lourdes, mieux armées et protégées, et s'estiment très satisfaits de ses performances. Il faut dire que l'insuffisance de routes, de ports ou de ponts dans cette région convient très bien à un char moyen (34 tonnes), rapide et de petites dimensions. L'introduction de chars plus lourds poserait d'énormes problèmes techniques et logistiques.

Des bataillons indépendants de "Chasseurs de Chars" utilisent également des blindés basés sur le châssis du M4, comme par exemples les M10 et M36 Tank Destroyers (TD), équipé d'une tourelle ouverte, d'un blindage renforcé et d'un canon long et plus puissant. A partir de septembre 1943, cependant, les unités blindées de M4 Sherman, et même celles de M10/M36 TD, sont surclassés en Italie par les chars lourds Panther PzKw V (45 tonnes), Tiger PzKw VI (56 tonnes), et plus tardivement, en juillet/août 1944 en France, par le Tiger II ou Koenig Tiger ("Tigre Royal") PzKw VII (68 tonnes). Ces mastodontes, grâce à leur excellent canon de 88mm, causent des pertes importantes dans les rangs alliés. Cependant, cette infériorité matériel et stratégique est compensée par les capacités de mobilité et d'entretien/réparation, le grand nombre de Sherman en service, et surtout grâce à la supériorité écrasante de l'aviation tactique alliée.

Le Sherman combat sur tous les théâtres d'opérations de la Seconde Guerre mondiale: en Afrique du Nord, en Méditerranée, sur le Front Ouest, sur le Front de l'Est, en Extrême-Orient, et bien sûr dans le Pacifique. Son successeur, le M26 Pershing, n'entre en service que durant les dernières semaines de la guerre en Europe. Au total, toutes variantes et dérivés confondus, 49,234 exemplaires ont été construits jusqu'à la fin des hostilités. Après le T-34 russe, c'est le blindé de combat le plus prolifique de ce conflit. Sa carrière se poursuivra jusqu'au début des années septantes, au Moyen Orient, Israel employant encore ses chars Sherman pendant la Guerre du Kipour, en octobre 1973. En passant par la Guerre de Corée (1950-1953) et le conflit indo-pakistanais (1965), où il est employé par les deux belligérants.




Historique de la conception et prototypes.

Le Département du Matériel de l'US Army désigne le Medium Tank ("Char Moyen") M4 comme successeur du Medium Tank M3 Lee ou Grant. Le M3 est une version plus puissante et mieux armée du Medium Tank M2 datant de 1939, ce dernier étant lui-même un dérivé du Light Tank M2 de 1935. Le principal défaut du M3 est son canon de 75mm installé sur rotule dans une casemate, sur le côté droit de la caisse, qui laisse un important angle mort sur tout le côté opposé.

Photo ci-dessous: char moyen M3 Grant, l'ancêtre du Sherman, à Fort Knox (Maine) en juin 1942.


Les exigences du cahier des charges du M4 sont soumises par le Département du Matériel le 31 août 1940, mais le développement d'un prototype est retardé au profit de la production en série du M3. Le 18 avril 1941, des cinq projets en lice, les forces armées américaines sélectionnent le plus simple. Désigné T6, un M3 est modifié et équipé d'une nouveau châssis supérieur et d'une nouvelle grande tourelle électrique surélevée, entièrement rotative sur 360°. Ainsi nait le M4, qui sera rapidement baptisé du nom d'un célèbre général de la Guerre de Sécession, William Tecumseh Sherman. Dès que le M4 commence à être présent à grand nombre en Afrique du Nord, le M3 est bien vite remplacé, les derniers exemplaires de la 8ème Armée britannique disparaissant lors de la bataille d'El Alamein, en octobre 1942.

Le Sherman bénéficie d'une série d'innovation apparues après la conception du M2, en 1935. Comme par exemple une nouvelle suspension VVSS (Vertical Volute Spring Suspension), des chenilles équipés de patins en caoutchouc, d'un moteur radial à cylindres Continental R975C monté à l'arrière et refroidi par air, avec pignon de chaine à l'avant.

Photo ci-dessous: la suspension VVSS, qui caractérise le M4 Sherman. Chaque suspension est un boogie équipé d'un ressort à lames en forme de cône (d'où le nom "Volute") et de deux roues.


Tirant les enseignements de la Guerre Eclair sur le Front Ouest en mai-juin 1940, le but de cette conception est de produire rapidement et en grande quantité un char capable d'assurer l'appui de l'infanterie, avec des capacités de percée du front ennemi, et capable de se mesurer aux chars de l'Axe existants alors, les Panzer III et Panzer IV. A partir de septembre 1943, cependant, lors de la campagne d'Italie, le Sherman est grandement surclassé par de nouveaux modèles de chars lourds allemands: les Panther PzKw V et Tiger PzKw VI. Puis plus tard, en France, par le Koening Tiger PzKw VII. Le prototype T6 est terminé et livré le 2 septembre 1941. Désigné M4, il est équipé d'un châssis moulé aux bords arrondis, qui sera sur les variantes suivantes remplacé par un châssis aux arrêtes à angles, et donc plus facile à produire et encore plus rapide à assembler.

Photos ci-dessous: 1° Le châssis "moulé" aux bords arrondis qui caractérise les Sherman des deux premières variantes. Ici un M4A1(76)W avec canon long M1 de 76mm. 2° Coupe de la place du conducteur du Sherman, avec la transmission, Musée canadien de la Guerre, Ottawa, Ontario.







Doctrines d'emploi.

Dans les mois qui précèdent l'entrée en guerre des Etats-Unis, la doctrine d'emploi de l'arme blindée est définie par le "Field Manual FM 100-5, Operation", le manuel de campagne de l'Armée de Terre américaine, publié en mai 1941, c'est-à-dire le mois suivant la sélection du prototype T6. Ce manuel stipule: "La division blindée est d'abord organisée pour remplir des missions de grande mobilité et de grande puissance de feu. Les chars conduisent des missions décisives, et doivent être capable de s'engager dans tous les types de combat, mais leur rôle principal est de mener des opérations de percées et d'engager l'ennemi sur ses arrières." (1)

A l'origine, le M4 n'est cependant pas destiné au rôle de soutien de l'infanterie. Dans les faits, les spécifications du FM 100-5 indiquent le contraire. Il place les chars à l'échellon d'attaque de la division blindée, et l'infanterie à l'échellon de soutien. Le Manuel de campagne couvrant l'utilisation du Sherman (2) ne consacre qu'une seule page, sur 142, et quatre diagrammes explicatifs pour les actions de combat antichars (char contre char). Cette doctrine de l'arme blindée est grandement inspirée des enseignements de la Blitzkrieg ("Guerre Eclair") allemande en Pologne et en France. A l'époque où les Sherman interviennent en nombre de plus en plus important, les demandes du champ de bataille pour les missions de soutien d'infanterie et de lutte antichars sont beaucoup plus nombreuses que les opportunités des missions d'exploitation de l'échelon arrière.

Dans la doctrine d'emploi américaine des blindés, les combats antichars sont principalement confiés aux Tank Destroyers ("Chasseurs de chars"), ou "Gun Motor Carriage" (GMC). La vitesse est essentielle pour permettre aux Tank Destroyers de détruire les chars de l'adversaire. En pratique, cette doctrine ne sera pas entièrement respectée, du fait du temps de réactivité des TD placés en échelon arrière, qui place la division blindée en position de vulnérabilité. De toute évidence, cela rendrait plus difficile la percée du front ennemi, si l'adversaire lui oppose ses propres chars. Il est également plus facile pour une force blindée ennemie de réaliser une percée contre un bataillon de chars américain, si celui-ci ne dispose d'aucune défense antichars en position avancée.

Cette doctrine des Tank Destroyers conduit les concepteurs du Sherman à choisir un canon court de 75mm, qui convient pour les missions d'appui d'infanterie, mais qui se révèlera rapidement insuffisant pour se mesurer aux chars lourds allemands à partir de septembre 1943.

Photos ci-dessous: 1° M4A3(75)W sur la Grand-Place de Bastogne, Belgique, en 2014. 2° TD M10 Wolverine américain, équipé d'un canon long M7 de 76.2mm (3" ou pouces/inches), en France en août 1944. On distingue le Hedgerow Cuter ("Coupeur de haies") soudé à l'avant. Le canon M7 dispose d'une capacité de perçage de blindage accrue, par rapport au canon court M3 de 75mm du M4 Sherman.





(1) "The armored division is organized primarily to perform missions that require great mobility and firepower. It is given decisive missions. It is capable of engaging in all forms of combat, but its primary role is in offensive operations against hostile rear areas." War Department (22 May 1941). FM 100–5, Field Service Regulations, Operations (reprint). Washington, DC: GPO. OCLC 49969146. Retrieved 5 September 2013.

(2) PDF: FM 17-33, "The Tank Battalion, Light and Medium" of September 1942.


Historique de production aux Etats-Unis.

La première production en grande série commence dans l'usine "Lima Locomotive Works" à Lima, dans l'Ohio. Dans l'usine reconvertie, la chaine de production assemble des chars d'abord destinés à la Grande-Bretagne. Le tout premier Sherman de série assemblé, un M4A1, est cependant réceptionné par l'US Army à Aberdeen, dans le Maryland, à des fins d'évaluation. Le second exemplaire M4A1 est quant à lui envoyé à Londres pour être également testé. Baptisé "Michael", en l'honneur du chef de la mission commerciale britannique à Washington, DC, ce Sherman est aujourd'hui exposé dans le Musée de chars de Bovington, dans le sud-ouest de l'Angleterre. (3)

Photo ci-dessous: Sherman de la variante initiale "M4A1" exposée à Bayeux, en Normandie (2014).


Au cours de la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis créent pour les besoins de l'US Army 16 divisions blindées complètes et 70 bataillons indépendants de chars. L'US Marine Corps, de son côté, forme 6 bataillons de chars Sherman. Un tier des bataillons indépendants de l'Armée de terre américaine ainsi que les 6 bataillons de chars du Corps des Marines seront déployés sur le Théâtre d'opérations du Pacifique. En septembre 1942, le président Franklin D. Roosevelt annonce un ambitieux programme de production portant sur 120,000 chars destinés à l'effort de guerre non seulement des Etats-Unis, mais également des autres pays Alliés (Grande-Bretagne, Union Soviétique, France, Chine nationaliste, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Brésil, etc). Les pays alliés pourront ainsi créer 61 nouvelles divisions blindées. Bien que l'énorme potentiel industriel des Etats-Unis n'est pas affecté par les bombardements ou l'activité sous-marine de l'Allemagne et du Japon, une importante quantité d'acier destiné à la production des chars, est détournée pour la construction de navires de guerre: porte-avions, cuirassés, croiseurs, destroyers, Liberty Ship. Cet acier utilisé dans la construction navale, entre 1942 et 1945, représentera l'équivalent d'environ 67,000 chars. En conséquences, seuls 53,000 chars sont construits par les Etats-Unis en 1942 et 1943.

L'US Army utilise au cours de ce conflit sept appellations pour distinguer les variantes produites du Sherman: M4, M4A1, M4A2, M4A3, M4A4, M4A5 et M4A6. Ces désignations n'indiquent pas nécessairement une linéarité des performances ou de la chronologie, mais plutôt des variations standardisées de la production. Les variantes diffèrent principalement par la propulsion et l'armement: par exemple, le M4A4 n'est pas supérieur au M4A3. Le M4 et le M4A1 sont caractérisés, comme je l'ai indiqué, par un châssis moulé aux bords arrondis. Le M4A2 est équipé d'un moteur diesel GM 6046 (ou GMC 6-71), à la place du moteur radial à essence Continental des M4 et M4A1. Le M4A3E2 Assaut Tank, surnommé "Jumbo", est doté d'une épaisseur de blindage supplémentaire et d'un canon long M3 de 76mm, d'une tourelle redessinée et plus spacieuse, d'un magasin de munitions agrandi. Le M4A4, en raison de son moteur essence Chrysler A57 et de sa transmission, nécessite un allongement de la longueur du châssis. Une sous-variante du M4A4 est le Sherman Firefly. Equipé d'un canon long 17-pounder de 76.2mm (3 pouces/inches), il est employé exclusivement par le Royaume-Uni. Des variantes destinées à des usages "spéciaux", essentiellement les Hubart's Funnies ("Farces et Attrapes de Hubart") seront déployées sur les plages normandes en juin 1944, par la 79ème Division blindée britannique. Le M4A3E8, surnommé affectueusement "Easy Eight", est une sous-variante équipée d'une nouvelle suspension Horizontal Volute Spring Suspension (HVSS), d'un canon long M1 de 76mm ou M7B1 de 105mm, avec frein de bouche, il est produit en série en août et septembre 1944 (cf le film "Fury"). Le M4A5 est utilisé exclusivement par le Canada, sous le nom de "Grizzly I". Le M4A6 est l'ultime version, à châssis allongé à l'instar du M4A4. Il n'est produit qu'à 75 exemplaires.

Photo et vidéo ci-desous: 1° M4A3E8 équipé d'une suspension horizontale HVSS. 2° Bande-annonce du film "Fury" (2014).




Alors que la plupart des Sherman sont équipés d'un moteur essence, le M4A2 et le M4A6 ont un moteur diesel: le M4A2 un GMC 6-71, le M4A6 un Caterpillar RD1820 radial. Le M4A4, qui utilise un Chrysler A57 Multibank, nécessite une transmission plus importante et un allongement de la longueur du châssis, et est fournit abondamment aux autres pas alliés, en vertu de la Loi Prêt-Bail (Lend-Lease Act). La désignation "M4" peut se référer à la variante initiale, propulsée par un Continental radial R-975, mais plus généralement, elle désigne l'ensemble de la famille des Sherman. La plupart des spécifications techniques évolueront au fil du temps et au cours de la production, sans pour autant changer complètement le modèle de base. Les Sherman fournit à la Grande-Bretagne diffèrent en certains points, notamment par le système électrique et l'armement, et seront catalogués par une nomenclature typiquement anglaise.


Sherman - Tableau récapitulatif des variantes et sous-variantes produites
Désignation Armement principal Châssis Moteur Production
M4 Tourelle T19,
canon M3 75mm
Composite: moulé à l'avant,
soudé sur les côtés
Continental R975 radial,
essence
6,784
Juil 1942 – Jan 1944
M4(105) Tourelle T19,
canon M7B1 105mm
Soudé Continental R975 radial,
essence
800
Fév 1944 – Mars 1945
M4A1 Canon M3 75mm, plus tard:
tourelle T23 et canon M1 76mm
Moulé Continental R975 radial,
essence
6,281
Fév 1942 – Déc 1943
M4A1(76)W Tourelle T23,
canon M1 76mm
Moulé Continental R975 radial,
essence
3,246
Jan 1944 – Juil 1945
M4A2 Canon M3 75mm, plus tard:
tourelle T23 et canon M1 76mm
Soudé General Motor 6046,
diesel
8,053
Avr 1942 – Mai 1944
M4A2(76)W HVSS Canon M1 76mm Soudé,
suspension HVSS
General Motor 6046,
diesel
2,915
Avr 1944 – Mai 1945
M4A3 Canon M3 75mm, plus tard:
tourelle T23 et canon M1 76mm
Soudé Ford GAA V8,
essence
1,690
Juin 1942 – Sept 1943
M4A3(75)W Canon M3 75mm Soudé Ford GAA V8,
essence
2,420
Fév 1944 – Déc 1944
M4A3(75)W HVSS Canon M3 75mm Soudé,
suspension HVSS
Ford GAA V8,
essence
651
Jan 1945 – Mars 1945
M4A3(76)W Canon M1 76mm Soudé Ford GAA V8,
essence
1,400
Mars 1944 – Avr 1945
M4A3E2 "Jumbo" Canon M1 76mm Soudé,
blindage+
Ford GAA V8,
essence
254
Juin 1944 – Juil 1944
M4A3E8(76)
"Easy Eight"
Canon M1 76mm Soudé,
suspension HVSS
Ford GAA V8,
essence
3,142
Août 1944
M4A3E8(105)
"Easy Eight"
Canon M7B1 105mm Soudé,
suspension HVSS
Ford GAA V8, essence 2,539
Sept 1944
M4A4 Canon M3 de 75mm Soudé,
châssis allongé
Chrysler A57 Multibank,
essence
7,499
Juil 1942 – Nov 1943
M4A4 "Firefly"
Grande-Bretagne
Canon 17-Pounder 76.2mm Soudé,
châssis allongé
Chrysler A57 Multibank,
essence
~2,200 conversions
Jan 1944 – Mai 1945
M4A5 "Grizzly"
Canada
Canon M3 75mm Soudé Continental R975 radial,
essence
188 (Montréal)
Sep 1943 – Déc 1943
M4A6 Canon M3 75mm Moulé à l'avant,
Soudé à l'arrière,
Châssis allongé
Caterpillar D200A radial,
diesel
75
Oct 1943 – Fév 1944
M10 TD
"Wolverine"
Canon M7 76.2mm Blindage renforcé,
flancs aux parois inclinés
General Motor 6046,
diesel
6,706
Sep 1942 - Déc 1943
M36 TD Canon M7 90mm Châssis allongé M10,
blindage renforcé,
flancs aux parois inclinés
Ford GAA V8,
essence
2,298
Juin 1944 - Mai 1945
M36B1 TD Canon M7 90mm Châssis basé sur le M4A3,
blindage renforcé,
flancs aux parois inclinés
Ford GAA V8,
essence
187 convertions
M36B2 TD Canon M7 90mm Châssis basé sur le M4A2,
blindage renforcé,
flancs aux parois inclinés
Ford GAA V8,
essence
287 convertions

Photos ci-dessous: 1° M4A3(75)W de la 2ème Division blindée française. 2° M4A4 Firefly britannique dans la région de Namur, en Belgique, septembre 1944.




Les Sherman de début de production sont équipés du canon standard M3 de 75mm, très utilisé et très répandu à cette époque. Bien que le Département du Matériel commence à travailler sur un possible successeur, le Medium Tank T20, en définitive l'US Army décide de se concentrer sur la production du Sherman, en incorporant divers éléments provenant d'autres types de chars. Plus tard, les variantes M4A1, M4A2 et M4A3 reçoivent une tourelle T23 redessinée et agrandie, permettant l'installation du canon M1 de 76mm et un emport de munitions plus important. Des M4 et M4A3 seront par la suite équipés d'un canon plus puissant encore, le M7B1 de 105mm, à partir de février 1944.

Photo ci-dessous: un M4(105)W du 21ème Bataillon de chars de la 10ème Division blindée, équipé d'un canon M7B1 de 105mm.


En juin et juillet 1944, l'US Army accepte la production limitée de 254 M4A3E2 "Jumbo", équipés d'une plaque de blindage supplémentaire sur le glacis incliné avant et sur les flancs du châssis, ainsi que d'un canon M3 de 75mm dans une nouvelle tourelle T23. Le M4A3 est la première variante à expérimenter la suspension horizontale HVSS, qui permet de mieux répartir la masse du chars. La sous-variante M4A3E8, surnommée "Easy Eight", est dotée de cette nouvelle suspension. Les Américains et les Britanniques développent et testent des modèles de Sherman destinés à des usages plus spécialisés, comme des chars-bulldozers du génie, des chars amphibies (Duplex-Drive ou DD) équipés de "jupes" de flottaison, très utile lors des opérations de débarquement en Normandie, en Provence et dans les îles du Pacifique. D'autres Sherman sont équipés de lance-flammes R3 et baptisés "Zippo". Des Sherman T34 Calliope sont équipés de lance-roquettes Katioucha fixés sur la tourelle. Les engins spéciaux britanniques, comprenant des chars-fléaux, équipés d'un tambour rotatif et de chaines qui permettent le déminage des plages de débarquement, sont regroupés au sein de la 79ème Division blindée commandée par le major-général Percy Hubbart. Ce sont les célèbres Hubbart's Funnies ("Farces et Attrapes de Hubbart") qui seront employés lors du Jour-J en Normandie, le 6 juin 1944.

Photo ci-dessous: un Sherman T34 Calliope équipé d'un lance-roquettes multiple Katioucha en France, en 1944.


Le châssis de base du Sherman est utilisé pour mettre en oeuvre les Gun Motor Carriage (GMC), plus communément appelés Tank Destroyers (TD) ou "Chasseurs de chars". Ce type de blindés inclut les M10 et M36. Les M10 TD Wolverine américains sont équipés de canons d'origine anglaise de 3 pouces/inches (3"), d'un calibre de 76.2mm. Ceux réceptionnés par la Grande-Bretagne reçoivent un 17-Pounder (même calibre) et sont baptisés Achilles. Les M36 TD sont pour leur part équipé d'un canon M3 de 90mm.

Photos ci-dessous: 1° M10 TD Achilles britannique, équipé d'un canon 17-Pounder de 76.2mm. La Roche-en-Ardennes, Belgique, 2013. 2° Char M36 TD (canon de 90mm) du 705ème Bataillon de Tank-Destroyer en route vers Bastogne, le 17 décembre 1944.




Les M7, M12, M40 et M43 sont des véhicules à châssis Sherman transformés en obusiers automoteurs. Le plus répandu d'entre-eux est le M7B1 Priest ("Prêtre"). Le M32 et le M74 sont des engins du génie destinés au dépannage, au levage ou au tractage de véhicules immobilisés.

Photos ci-dessous: Des dérivés du Sherman. 1° Obusier automoteur M7B1 Priest (canon de 105mm) de la 2ème Division blindée américaine, Normandie, juillet 1944. 2° Dépanneuse M74, Technikmuseum, Sinsheim, Allemagne, 2014.





(3) Bovington: Welcome to the Tank Museum - M4A1 Tank Medium (E1955.32).



Carrière opérationnelle du M4 Sherman.

1° Répartition globale.

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, 12,247 Sherman sont utilisés par l'US Army et 1,114 par l'US Marine Corps. Les Etats-Unis fournissent également 17,184 exemplaires à la Grande-Bretagne, une partie de ceux-ci étant redistribués à la France Libre, à la Pologne et aux membres du Commonwealth (Canada, Australie, Inde, Afrique du Sud, Nouvelle-Zélande, etc.), 4,102 exemplaires à l'Union Soviétique, et 812 à la Chine nationaliste. L'US Marine Corps utilise le M4A2 (à moteur diesel), le M4A1 et le M4A4 (à moteur essence) dans le Pacifique. Les M4A2 et M4A4 sont destinés principalement à l'exportation, en vertu de la Loi Pret-Bail, vers la Grande-Bretagne, les pays du Commonwealth et l'Union Soviétique.

Photos ci-dessous: 1° M4A2 Sherman de l'Armée Rouge, rééquipé d'une nouvelle tourelle T23 et d'un canon de 76mm, avec un T-34/76 aux pieds des Alpes en Autriche, en avril 1945. 2° M4A4 britannique (canon de 75mm) exposé au Musée Impérial de la Guerre à Londres, 2005.





2° Afrique du Nord et Europe.

Les M4A1 Sherman équipent encore très peu quantitativement les divisions blindées américaines, lorsque la Guerre du Désert prend un tournant décisif. Les forces de l'Axe ont capturé Tobrouk, en Libye. Elle franchissent maintenant la frontière égyptienne, à la poursuite de la 8ème Armée britannique en retraite précipitée, et menace directement Alexandrie et le Canal de Suez. Pour aider les Britanniques à rétablir la situation, l'état-major de l'US Army prévoit de regrouper tous les Sherman disponibles au sein de la nouvelle 2ème Division blindée, commandée par le major-général George Patton, et de l'envoyer le plus vite possible en Egypte. Mais au lieu de cela, les Américains décident finalement, ce qui est encore plus rapide, d'envoyer directement les chars à la 8ème Armée britannique. 300 d'entre-eux débarquent à Alexandrie en septembre 1942, juste à temps pour participer à la Seconde Bataille d'El Alamein, leur baptême du feu, le mois suivant.

En novembre 1942, avec le déclenchement de l'Opération Torch en Algérie et au Maroc, les premiers Sherman américains font leur apparition sur les champ de bataille en Algérie (1ère DB US) et au Maroc (2ème DB US), puis en Tunisie. En général, ils sont capables de se mesurer aux chars ennemis que leur oppose l'Axe, essentiellement les Panzer PzKw III et Panzer PzKw IV engagés à un portée supérieure à 1800m. Au début de l'année suivante, les M4 et M4A1 ont remplacé tous les M3 Grant et Lee présents en Afrique du Nord. Ils jouent un rôle déterminant dans la défaite finale de la Deutsch Afrika Korps (DAK) en mai 1943. Cependant, cette campagne d'Afrique du Nord révèle deux défauts majeurs du Sherman: son blindage insuffisant et sa propension à prendre feu, en raison de son moteur à essence. Ce qui lui vaudra les surnoms peu flatteurs de "Ronson" (une marque de briquet aux Etats-Unis) de la part des Alliés, et de "Tommy Cooker" par les Allemands.

Photo ci-dessous: un M4A1 de la 7ème Armée américaine (George Patton) lors de l'opération Husky, le débarquement en Sicile en juillet 1943.


En Europe, les M4 et M4A1 resteront les principaux chars de combat américains jusqu'à la fin de l'année 1944, lorsque l'US Army commence à les remplacer par des M4A3, équipé d'un moteur Ford de 500 chevaux (370kW), plus puissant, et d'un canon long M1 de 76mm. Les M4 et M4A1 resteront cependant en service jusqu'à la fin des hostilités, en mai 1945. Ce n'est que dans les dernières semaines de la guerre qu'apparait le successeur du Sherman, le M26 Pershing.

Photos ci-dessous: 1° Sherman DD du Régiment Royal des Hussards 13th/18th dans la région de Ranville, en France, le 10 juin 1944. 2° M4A3(75)W et M4A3E8(76)W HVSS Sherman américains en Allemagne en 1945.





Dans la nomenclature britannique, la plupart des Sherman I (M4) et Sherman IV (M4A4) sont convertis en Sherman Firefly, équipé d'un canon 17-Pounder de 76.2mm.

Comparé au T-34, les Sherman soviétiques, surnommés "Emcha", ont moins tendance à s'enflammer ou à exploser sous l'effet des tirs ennemis, mais en raison de leur centre de gravité élevé, ils enregistrent un taux de collisions et d'acccidents supérieur. Ce qui n'empêche pourtant pas leurs équipages d'apprécier leur rusticité et leur vitesse. Un total de 4,102 M4A2 sont fournis à l'URSS au titre de la Loi Prêt-Bail: 2,007 équipés d'un canon M3 de 75mm, et 2,095 avec un canon de 76mm. Le total des Sherman soviétiques représente 18.6% du total des Sherman Prêt-Bail.

Les premiers M4A2 Sherman avec tourelle T23 et canon de 76mm arrivent en Union Soviétique par le port de Mourmansk au printemps 1944. Ils participent à toutes les grandes campagnes de l'Armée Rouge qui suivent: l'Opération Bagration (juin-août 1944), la campagne de Pologne (février-mars 1945), la campagne d'Autriche et la Bataille de Vienne (mars-avril 1945), et enfin la Bataille de Berlin (avril-mai 1945).

Photos ci-dessous: 1° Sherman mis hors de combat dans la région de Smolensk, lors de l'Opération Bagration, en juillet 1944. 2° M4A2 Sherman russes lors de la Bataille de Berlin, fin avril 1945.




3° Pacifique et Extrême-Orient.

Si les combats de chars sur le théâtre d'opération européen (ETO) ont une importance cruciale, sur le théâtre d'opération du Pacifique (PTO), où prédomine la guerre aéronavale et les combats de jungle, ils sont relégués au second plan, tant du côté allié que du côté japonais. Aucune des seize divisions blindées américaines n'y sera envoyée, et seuls un tier des septante bataillons indépendants de chars de l'US Army, ainsi que les bataillons de chars de l'US Marine Corps, sont employés sur ce théâtre d'opérations.

Photo ci-dessous: char M4A1 Sherman des Marines utilisés pendant l'opération Dexterity (Décembre 1943 - Avril 1944), dans la jungle de Nouvelle-Bretagne.


Pendant la première année de guerre (1942), spécialement aux Philippines et à Guadalcanal, les chars légers M2A4 (canon de 37mm) se mesurent sur un pied d'égalité avec le char léger japonais Type 95 Ha-Go, équipé d'un canon de même calibre, mais sont surclassés par le Type 97 Chi-Ha (canon de 57mm). En 1943, l'apparition des M4A1 Sherman de l'USMC et de l'US Army marque une très nette amélioration du rapport de force des blindés américains sur leurs homologues japonais. Pour contre-balancer cela, le Japon met en service, à partir du second semestre 1944, les nouveaux Type 3 Chi-Nu et Type 4 Chi-To, tous deux armés d'un canon de 75mm. Mais seuls 166 Type 3 et 2 Type 4 sont construits. Ils restent stationnés en métropole jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale, et ne participeront donc à aucun combat.

Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l'Inde et la Chine utilisent également des chars Sherman en Asie du Sud-Est et en Extrême-Orient. 812 M4A2 et M4A4 sont livrés à la Chine nationaliste de Chang Kai-chek, une centaine d'entre-eux employés sur le front d'Inde-Birmanie. L'inde emploie des M4A2 et M4A4 au sein de la 254ème Brigade Blindée, notamment lors de la Bataille d'Imphal et de Kohima (mars-juillet 1944), et lors de la reconquête de la Birmanie, à Mandalay, Meiktila et sur la Route de Rangoon (janvier-mars 1945).

Photo ci-dessous: M4A4 indien près de Meiktila, en Birmanie, 1945.



4° Guerre de Corée (1950-1953).

Après la Seconde Guerre, les M4A3E8 "Easy Eight" restent en service au sein de l'US Army, équipés soit d'un canon M1 de 76mm, soit d'un M7 de 105mm. Ces Sherman combattent pendant la Guerre de Corée, aux côtés des M26 Pershing et M46 Patton, et se mesurent notamment aux T-34/85 chinois, qu'ils surclassent grâce à leur mobilité et leur suspension HVSS.

Photo ci-dessous: M4A3E8 "Easy Eight" au cours de la Guerre de Corée. C'est la dernière version d'un Sherman américain employé au cours d'un conflit.



5° Guerres israélo-arabes (1956-1973).

Au cours des années cinquantes, le jeune Etat d'Israel s'équipe d'armes et de chars aux surplus militaires à bas prix, principalement en Grande-Bretagne, en Allemagne de l'Ouest, en France et aux Etats-Unis. Les Forces de Défense Israéliennes (Tsahal) acquièrent notamment des M-50 Continental, surnommés aussi Isherman ("Israeli Sherman") ou Super Sherman, une copie modernisée du M4A4 Sherman Firefly britannique, équipée du moteur essence Continental R-975, d'une suspension HVSS et d'un canon haute-vélocité CN 75-50 de 75mm, inspiré du KwK 42 L/70 qui équipait le Panther PzKw V allemand. Une sous-variante remotorisée avec un diesel Cummins V-8 de 460 chevaux (340kW) est désignée M-50 Cummins.

Photo ci-dessous: M-50 Cummins.


Au cours des années soixantes, 180 Super-Sherman sont modernisés et rééquipés avec le canon français Modèle F1 de 105mm, une nouvelle tourelle redessinée capable de le recevoir. Basés sur le châssis moulé M4A1 aux bords arrondis, ils sont désignés M-51.

Photo ci-dessous: M-51 Super Sherman.

Les M-50 et M-51 israéliens combattent pour la première fois en 1956 dans le désert du Sinai, lors de la crise du Canal de Suez, contre l'armée égyptienne. Au cours de la Guerre des Six Jours (5-10 juin 1967), lors de la Bataille d'Abu-Agheila dans le Sinai, ils affrontent des T-34/85 égyptiens. Ils font également face aux T-34, T-55 et T-62 syriens sur le plateaux du Golan. Sur ces deux théâtres d'opérations, ils se révèlent supérieurs aux chars ennemis. Au début des années septantes, les Isherman commencent à être remplacés par des M-60 Patton fournis par les Etats-Unis. Certains M50/M51 sont encore en service lorsqu'éclate la Guerre du Yom Kippur (octobre 1973), où ils combattent pour la dernière fois. En 1982, pendant l'intervention israélienne au Sud Liban, Tsahal cède 75 M50 aux milices chrétiennes libanaises et aux Forces Régulatoires du Kataeb (FRK).


6° Seconde Guerre indo-pakistanaise (1965).

Depuis la partition en 1947 des Indes britanniques en deux entités, l'Inde et le Pakistan, ces pays se disputent (en 1947, 1965 et 1971) le contrôle de la région du Kashmir. En août et septembre 1965, éclate la "Seconde Guerre Indo-pakistanaise". Chacun des deux belligérants alligne des chars Sherman. Les quelques 200 Sherman du Pakistan, employés en collaboration avec d'autres types de chars (M48 Patton, M26 Pershing, M24 Chaffee) et équipés de canon de 90mm, se révèlent supérieurs techniquement à leurs homologues indiens, équipés d'un canon M3 de 75mm.

Photo ci-dessous: M4 Sherman du 18ème Régiment de cavalerie indien en 1965.



Article modifié le 2 décembre 2014.


Sources principales:
M4 Sherman (Wikipedia.org)
Lend-Lease Sherman (Wikipedia.org)
M4 Sherman variants (Wikipedia.org)
Super Sherman (Wikipedia.org)