16 décembre 1944 - 25 janvier 1945 - Bataille des Ardennes: l'épreuve de force

La bataille des Ardennes est la plus grande, la plus éprouvante et la plus sanglante bataille livrée par l'armée américaine durant la Seconde Guerre mondiale, en incluant le théâtre du Pacifique. Elle voit finalement, en janvier 1945, l'affrontement de plus d'un million d'hommes, 840,000 GIs contre 500,000 Allemands. Dans la mémoire collective américaine, c'est même la plus grande bataille de l'histoire militaire des Etats-Unis depuis leur fondation.

C'est l'engagement le plus intense livré par l'US Army et la Wehrmacht en 1944-1945, la bataille la plus décisive et la plus coûteuse pour les deux adversaires. Une terrible bataille dans la boue, la neige, le froid et le sang, qui illustre de manière la plus sensationnelle qui soit la force, la résistance et la qualité du combattant américain. Elle est inscrite de manière indélébile dans la mémoire collective tant des Américains que de la population ardennaise, et restera à jamais gravé dans leur esprit comme une longue période de souffrance.


Bastogne-Memorial-2015

La bataille des Ardennes (16 décembre 1944 - 25 janvier 1945) est une offensive allemande lancée à travers le massif forrestier et encaissé des Ardennes belgo-luxembourgeoises, sur le front occidental. Elle est désignée officiellement par l'US Army "Campagne Ardennes-Alsace", mais aux Etats-Unis elle est connue plus généralement sous l'appellation de Battle of the Bulge, ou "Bataille du Saillant" en français.

Le plan général d'Adolf Hitler consiste à percer et couper le front occidental des Alliés en deux, d'isoler les Anglais et les Canadiens, au nord, des Américains et des Français, au sud, et de reprendre le port d'Anvers, vital pour assurer le ravitaillement des armées alliées. Puis d'encercler et de détruire au moins quatre d'entre-elles, forçant ainsi les Occidentaux à négocier un traité de paix séparé, pour pouvoir ensuite retourner toutes ses forces contre l'Armée Rouge à l'Est.

L'attaque allemande est minutieusement préparée, dans le plus grand secret, la Wehrmacht réussissant à masser trois armées, dont deux blindées, sur un front large de cent kilomètres, de Monschau au nord à Echternach au sud, à l'insu des Alliés qui considèrent ce secteur comme "calme". C'est l'échec le plus retentissant de leurs services de renseigenement. Pour les Boys envoyés au "repos" dans ce secteur, la surprise est totale!

Désignée Opération Wacht am Rhein (Garde sur le Rhin), l'offensive échoue finalement après dix jours de combat. L'objectif intermédiaire, la Meuse, à 100km des positions de départ, n'est même pas atteint. Une grande partie des unités vétérantes allemandes qui ont participé à l'attaque initiale disparaissent dans le "Chaudron des Ardennes", et les survivants regagnent péniblement la protection de la Ligne Siegfried, à la fin du mois de janvier 1945.

840,000 Américains ont combattu dans les Ardennes, ainsi que plus d'un demi-million d'Allemands. L'US Army enregistre en six semaines environ 90,000 hommes hors de combat (1), soit 19,200 tués, 47,500 blessés et 23,000 prisonniers ou disparus, 800 chars et environ un millier d'avions détruits. La Wehrmacht perd, de son côté, de 80,000 à 100,000 tués, blessés, prisonniers ou disparus, et 700 chars. La Luftwaffe à peu près le même nombre d'avions que les Alliés. Environ 3,000 civils belges trouvent également la mort au cours de cette gigantesque bataille, la plus grande de la guerre en Europe, et certainement de la Seconde Guerre mondiale en général, tous théâtres d'opérations confondus.

Ci-dessous: soldats de la Compagnie I, 3ème Bataillon, 16ème Régiment de la 1ère Division d'infanterie, transportés sur un char Sherman, durant la traversée du village de Schopen, en Belgique. 21 janvier 1945.



(1) A titre de comparaison, lors de la bataille de Verdun (février-décembre 1916), l'armée française a perdu en dix mois 384,000 hommes, dont 163,000 tués. Les Allemands, 330,000 hommes, dont 143,000 tués.


Situation générale des Alliés à l'Ouest.

Après l'opération Cobra lancée le 25 juillet 1944 et la percée finale en Normandie, suivies du débarquement dans le Midi, le 15 août, les Alliés occidentaux libèrent le reste de la France et la Belgique en un temps record, bouleversant ainsi les prévisions les plus optimistes et avançant beaucoup plus vite que prévu, si bien que le ravitaillement n'arrivant plus à suivre ce rythme, l'avance alliée s'essoufle. Bien que les Britanniques s'emparent du port d'Anvers au début de septembre, il faudra attendre fin novembre pour que l'estuaire de l'Escaut soit débarassé des mines allemandes et que le port belge devienne exploitable.

La priorité du général Dwight D. Eisenhower donnée à l'opération britannique Market-Garden en Hollande, au détriment de l'avance du général George Patton en Alsace-Lorraine, amplifie encore la pénurie générale des Alliés en carburant et en munitions. De plus, les Allemands contrôlent toujours la plupart des grands ports de l'Atlantique et de la Manche: Royan, La Rochelle, Saint-Nazaire, Lorient et Dunkerque.

Pour palier, en partie, à ces pénuries, les Américains mettent au point, à la fin d'août 1944, le système Red Ball Express, des milliers de camions apportant directement le ravitaillement des plages normandes aux unités de première ligne sur le front. Mais tous ces véhicules consomment eux-mêmes une bonne partie du carburant allié. Au début du mois d'octobre 1944, les Alliés doivent suspendre presque toutes leurs opérations offensives, pour reconstituer leurs dépôts de ravitaillement.

Carte ci-dessous: poursuite de l'armée allemande en retraite.


La situation des Alliés s'améliore grandement début novembre 1944, quand la 1ère Armée canadienne libère les rives de l'estuaire de l'Escaut, les îles hollandaises de Zuid Bevelen et de Walcheren, rendant ainsi possible le nettoyage de l'estuaire des mines et l'exploitation du port d'Anvers, un des plus grand d'Europe.

En automne, le maréchal Gerd von Rundstedt, commandant en chef des forces allemandes sur le front occidental (OB-West), profite largement de ce répit inespéré pour réorganiser et renforcer ses défenses de la Ligne Siegfried, disposée tout le long de la frontière allemande.

Pendant ce temps, sur le front Est, les Soviétiques lancent l'Opération Bagration le 22 juin 1944, détruisent une grande partie du Heeresgruppe Centre, libèrent la Biélorussie, l'Ukraine, la Crimée et la moitié de la Pologne, avançant jusqu'aux portes de Varsovie, où ils s'arrêtent cependant. En novembre 1944, l'Armée Rouge prépare sa grande offensive d'hiver.

A la fin de 1944, l'offensive aérienne stratégique contre le potentiel industriel nazi bat son plein. Les Alliés bombardent l'Allemagne sans interruption, 24h/24, les Américains le jour et les Anglo-Canadiens la nuit. Les bombardiers lourds B-17 Flying Fortress et B-24 Liberator sont maintenant puissamment escortés sur tout le trajet, à l'aller et au retour. Malgré ses propres pertes, 4,800 avions perdus au cours de l'année écoulée, l'aviation alliée a saigné à blanc la Luftwaffe et s'est adjugée la maîtrise aérienne absolue.


Décision d'Hitler et préparatifs allemands.

Au mois d'octobre 1944, le front de l'Est est globalement stabilisé. Au terme de l'Opération Bagration (22 juin - 19 août), Adolf Hitler estime qu'après une percée aussi profonde et spectaculaire, l'Armée Rouge, dont les lignes d'approvisionnement sont étirées au maximum, est essoufflée et qu'elle restera sur ses positions au moins jusqu'en février 1945. Et il ne se trompe pas.

Sur le front méridional, en Italie, les Alliés sont bloqués sur la Ligne Gothic, et le maréchal Albert Kesselring, commandant en chef des forces allemandes dans la péninsule, s'installe en défensive sur une ligne courte et solide pour l'hiver.

Sur la frontière occidentale allemande, la Ligne Siegfried, qui s'étend du nord de la Hollande jusqu'à la frontière suisse sur plus de 1,300km, est également fermement tenue. Malgré les bombardements alliés continuels, grâce au génie d'organisation d'un ingénieur civil de 39 ans, Albert Speer, vieux compagnon du Führer depuis les premières heures du NSDAP, la production de guerre nazie atteint des sommets. Toutefois, selon Speer, si la situation ne s'améliore pas, il est plus que probable que la poursuite de cette guerre d'usure deviendra impossible.

La production annuelle de chars lourds, en particulier des Panther et Tiger, a été décuplée par rapport à 1943. Un nouveau mastodonte de 68 tonnes, le Tiger II, ou Koenig Tiger (Tigre Royal), commence à sortir régulièrement des chaînes de montage.


Dès le 31 juillet 1944, l'idée d'Hitler est de lancer une puissante contre-offensive sur le front Ouest, de manière à reprendre l'initiative et à contraindre les Occidentaux à une paix séparée d'avec l'Union Soviétique, pour pouvoir ensuite bien sûr regrouper toutes ses forces et ses ressources à l'Est contre l'Armée Rouge.

Le 2 septembre 1944, le Führer fait part au ministre de la propagande nazie, Joseph Goebbels, de son désir de constituer 25 nouvelles divisions pour reformer la 5ème Panzerarmee (Armée blindée). On mobilise à cette occasion les vétérans de plus de 60 ans de la Volksturm, la milice populaire, et les jeunes de 16 à 18 ans. Pour réorganiser la Wehrmacht, Hitler rappelle le vieux maréchal Gerd von Rundstedt, qu'il avait limogé pendant la bataille de Normandie, à la tête des forces allemandes sur le front occidental (OB-West).

Le 16 septembre 1944, une conférence est donnée dans le QG avancé d'Hitler à la Wolfschanze, la "Tanière du Loup" dans la forêt près de Rastenburg, en Prusse-Orientale. Son idée générale est de rééditer l'exploit de mai 1940, et de frapper à l'endroit même où ses blindés avaient déferler quatre ans et demi plus tôt: dans le massif des Ardennes belgo-luxembourgeoises. Dans le plus grand secret, le général Alfred Jodl, Chef des Opérations de l'OKW, le commandement suprême de la Wehrmacht, se met au travail et prépare plusieurs plans d'attaque qu'il soumet à Hitler, et que celui-ci accepte ou écarte selon ses désirs.

Une trentaine de nouvelles divisions, dont dix de panzers ou de panzergrenadiers, sont prévues. Jusqu'au 24 octobre 1944, Gerd von Rundstedt et Walter Model, commandant du Heeresgruppe B responsable de cette partie du front, pourtant les deux principaux interessés dans cette histoire, ignorent tout des plans et des intentions d'Hitler. Au début de ce mois, les préparatifs vont bon train, afin de fluidifier au maximum les premiers jours de l'offensive. Les ponts et les réseaux routiers et ferroviaires sont renforcés, des dépôts reconstitués le long du Rhin, de manière à emmagasiner un maximum de carburant, de munitions et de ravitaillement.

Le 9 octobre 1944, Jodl annonce à Hitler que les trente nouvelles divisions demandées sont disponibles, parmi lesquelles dix de panzers ou de panzergrenadiers. Le maréchal Wilhelm Keitel, commandant suprême de l'OKW et supérieur direct de Jodl, annonce pour sa part la disponibilité de dix-sept millions de litres de carburant et de cinquante trains de munitions nécessaires à la réussite de cette offensive.

Le 11 octobre 1944, le plan définitif, la "Grande Solution" d'Hitler, est accepté, ou plutôt imposé par celui-ci. Objectif principal: la prise du port d'Anvers, de manière à couper le front allié en deux en isolant tout le XXIème Groupe d'Armées du maréchal Bernard Montgomery et la 9ème Armée américaine au nord, du reste du XIIème Groupe d'Armées du général Omar Bradley, au sud, contraindre les Occidentaux à un "Nouveau Dunkerque" et à des négociations de paix séparées d'avec les Soviétiques. L'objectif intermédiaire, la Meuse, située à une centaine de kilomètres des positions de départ, devra être atteint au plus tard le quatrième jour de l'attaque (Jour J+3).

Le 24 octobre 1944, Jodl donne les détails du plan d'Hitler aux généraux Heinz Westphall et Hans Krebs, respectivement chefs d'état-major de von Rundstedt et de Model. Le nom de code d'"opération Wacht am Rhein", "Garde sur le Rhin" en français, est adopté, le caractère défensif du nom devant en principe induire en erreur les services de renseignement alliés.

Ci-dessous, les principaux responsables de l'offensive des Ardennes. De gauche à droite, le maréchal Wilhelm Keitel, commandant de l'armée allemande (OKW), le général Alfred Jodl, Chef des Opérations de l'OKW, le maréchal Gerd von Rundstedt, commandant des troupes allemandes sur le front Ouest (OB-West), et le maréchal Walther Model, commandant du Groupe d'armées B.



"Grande Solution" d'Hitler.

Sur un front large de cent kilomètres, le long des frontières belge et luxembourgeoise, de Monschau au nord à Echternach au sud, trois armées allemandes, dont deux blindées, avec un effectif de 240,000 hommes, devront percer le front américain des Ardennes, faiblement défendues par cinq divisions des V et VIII Corps, soit 68,000 GIs, atteindre la Meuse au plus tard à J+3, puis foncer vers Bruxelles et Anvers. L'offensive a reçu le nom de code Wacht am Rhein, "Garde sur le Rhin", de manière à tromper les Alliés, ce nom donnant plus l'impression d'une manoeuvre défensive le long du Rhin plutôt qu'une attaque de grande ampleur dans les Ardennes.

Ci-dessous: les principaux chefs alliés impliqués dans la bataille des Ardennes. De gauche à droite, le général Dwight D. Eisenhower, commandant les "Forces Expéditionnaires alliées en Europe" (SHAEF), le lieutenant-général Omar Bradley, commandant du XIIème Groupe d'armées alliées, le maréchal Bernard Montgomery, commandant du XXIème Groupe d'armées alliées, le lieutenant-général Courtney Hodge, commandant de la 1ère Armée américaine, et le lieutenant-général George Patton, commandant de la 3ème Armée américaine.


Le "Jour J" est initialement fixé le 27 novembre 1944, mais il est une première fois repoussé au 10 décembre 1944, certaines divisions n'ayant pas encore rejoint leur position de départ, des unités de génie pontonniers n'ayant pas reçu tout leur matériel pour franchir l'Our, et les dépôts d'essence avancés disposés près du front n'ayant pas tous été approvisionnés. On le reporte une seconde fois au 15 décembre 1944, pour les mêmes raisons. Enfin, quelques jour avant l'offensive, la date est reculée de vingt-quatre heures pour permettre de légères modifications de dernière minute, et définitivement fixée le 16 décembre 1944.

L'objectif initial allemand est de réaliser une percée dans le dispositif de la 1ère Armée américaine le long de la frontière belgo-allemande et de la Ligne Siegfried, sur un front large d'environ cent kilomètres. Ce secteur, réputé "calme", est en effet peu garni: au total cinq divisions et 68,000 Américains. L'objectif intermédiaire, la Meuse, devra être atteint au plus tard le quatrième jour, soit le 19 décembre 1944. Et l'objectif final est la capture du port d'Anvers.


La réussite de ce plan, la "Grande Solution" imposée par Adolf Hitler, dépend de quatre conditions:
  1. L'attaque doit bénéficier d'une totale surprise.
  2. Les conditions météorologiques doivent être mauvaises, pour clouer l'aviation alliée au sol et limiter son intervention contre les unités d'assaut et les lignes de ravitaillement à l'arrière du front.
  3. L'attaque doit être rapide et brutale. D'après le maréchal Walter Model, si la Meuse n'est pas franchie le 19 décembre (Jour J+3), l'offensive n'aura plus aucune chance de succès.
  4. Les dépôts de carburant américains, et en particulier celui de Francorchamp, devront être capturés intacts, car l'état-major de l'OKW estime que les réserves allemandes d'essence ne suffiront pas pour permettre de couvrir toute la distance jusqu'à Anvers en situation de combat.

Le choix d'Hitler entre une offensive à l'Ouest et une offensive à l'Est s'est fait de manière logique. La perte de trente divisions d'Eisenhower rendrait à coup sûr la situation de l'Américain intenable, tandis que la perte de trente divisions soviétiques serait presque immédiatement comblée par le réservoir humain "inépuisable" de Joseph Staline.

Ainsi, il est décidé (ou plutôt imposé) par Hitler que:
  1. La 6ème Panzerarmee SS de l'Oberstgruppenführer Joseph "Sepp" Dietrich sera chargée de l'effort principal au nord. Elle devra se diriger vers la Meuse, s'emparer de Malmédy, Spa, Verviers et Liège, puis foncer vers Anvers le long du Canal Albert.
  2. La 5ème Panzerarmee du général Hasso-Eckard von Manteuffel progressera parallèlement et au même niveau que Sepp Dietrich, mais plus au sud. Elle sera chargée de prendre Saint-Vith, Houffalize, Bastogne et Wiltz, d'atteindre la Meuse entre Givet et Huy, puis de bifurquer au nord-ouest vers Bruxelles et Liège, tout en bloquant les attaques éventuelles des Alliés sur les arrières et le flanc gauche de la 6ème Armée blindée SS.
  3. La 7ème Armée allemande du général Erich Brandenberger, la moins fournie des trois, attaquera entre Vianden et Wasserbillig et sera chargée de prendre Luxembourg-Ville. Sa tâche sera de couvrir de manière générale tout le flanc sud de l'offensive allemande principale, en rejoignant la Semois et la Meuse entre Givet et Sedan.

A cela, imaginée par Hitler lui-même, vient s'ajouter la création de deux forces spéciales, Stösser et Greif, dans le but de provoquer un maximum de confusion, de désorganisation et de sabotage derrière les lignes américaines.

La première opération, désignée Stösser, originalement programmée pour le 16 décembre 1944, sera finalement repoussée de vingt-quatre heures en raison de problèmes de ravitaillement en carburant et de (trop) mauvaises conditions météorologiques. Juste après minuit, le 17 décembre, une centaine d'avions de transport Ju-52/3m devront larguer dans la région au nord de Malmédy 1,300 parachutistes commandés par le colonel baron Friedrich von der Heydte. Son objectif sera de s'emparer du carrefour de la Baraque-Michel et d'aider la progression des unités SS de Sepp Dietrich.

La seconde opération, baptisée Greif, ou "Griffon" en français, sera dirigée par le SS-Obersturmbanführer Otto Skorzeny, le spécialiste des opérations commandos allemandes, qui a à son actif la libération spectaculaire de Benito Mussolini et le kidnapping du fils du régent hongrois Miklos Horty. L'effectif alloué à cette opération sera de 2,000 à 3,000 hommes, y compris un groupe spécial de 300 Allemands parlant couramment anglais, et revêtus d'uniforme américains. Cette force Griffon devra passer à travers les lignes ennemies, désorganiser les arrières, et tentera, si elle en a la possibilité, de s'emparer de ponts intacts sur la Meuse ou de dépôts de ravitaillement en carburants américains.

Ci-dessous, les principaux exécutants de l'offensive allemande des Ardennes. De gauche à droite, le SS-Oberstgruppenführer Joseph "Sepp" Dietrich, commandant de la 6ème Armée blindée SS (au nord), le général Hasso Eckard von Manteuffel, commandant de la 5ème Armée blindée, le général Erich Brandenberger, commandant de la 7ème Armée, le colonel baron Friedrich von der Heydte, commandant des troupes parachutistes allemandes, et le SS-Obersturmbanführer Otto Skorzeny, commandant des Opérations Spéciales.


Pour compléter ce tableau, une quatrième formation, la 15ème Armée allemande du général Gustav von Zangen, avec l'équivalent de quatorze divisions, devra déclencher sa propre attaque (de diversion) dans la région d'Aix-la-Chapelle et du bassin de la Roer, contre le VII Corps américain, dans l'intention d'empêcher les Américains d'amasser des renforts et de contre-attaquer le saillant des Ardennes. Mais cette offensive-là ne se concrétisera jamais.

En face de cette formidable concentration de troupes allemandes, le rapport de force est totalement disproportionné et édifiant. Car ce secteur du front, réputé calme et tranquille, n'est en effet occupé que par cinq divisions, quatre d'infanterie et une blindée, des V et VIII Corps américains, avec un effectif total d'environ 68,000 hommes, 265 chars et 276 pièces d'artillerie. Les GIs, qu'Hitler qualifie de "Armée de nègres, de youpins et de ritals", vont devoir se battre à un contre quatre.

Ironie cruelle: ce secteur "calme" est destiné aux unités de "bleus" ou des Rookies qui n'ont pas encore l'expérience du feu, telles les 99ème et 106ème Divisions d'infanterie qui viennent juste d'arriver en Europe en début décembre, ou des unités décimées lors des combats récents autour d'Aix-la-Chapelle et de la Foret de Hurtgen, telles la 28ème Division d'infanterie, qui y a perdu 5,000 tués et blessés, et la 4ème Division d'infanterie. Les Allemands vont leur réserver une surprise de Noel et de fin d'année inoubliable!


Ordre de bataille et disposition des forces allemandes.

En décembre 1944, les forces terrestres allemandes présentes sur le Front Ouest sont organisées en quatre Heeresgruppen, ou Groupes d'Armées. Trois d'entre-eux (H, B et G) sont sous le commandement du maréchal Gerd von Rundstedt, et le quatrième (Oberrhein, ou "Rhin Supérieur") sous l'autorité d'Heinrich Himmler.

Le Heeresgruppe H, comprenant les 25ème Armée et 1ère Armée de parachutistes, est commandé par le général d'aviation Kurt Student et disposé grosso modo dans le nord des Pays-Bas, le long du Rhin inférieur, face aux 1ère Armée canadienne et 2ème Armée britannique.

Le Heeresgruppe B du maréchal Walter Model, directement concerné par l'opération Wacht am Rhein, comprenant du nord au sud les 15ème Armée, 6ème Panzerarmee-SS, 5ème Panzerarmee et 7ème Armée allemande, est disposé dans l'Eifel (prolongation des Ardennes en Allemagne) face aux 9ème et 1ère Armée américaines, de la région au nord de Maastricht jusqu'à Trier (Trèves).

Le flanc sud de Model, dans le bassin industriel de la Sarre et le Palatinat, est protégé par le Heeresgruppe G, commandé par le général Hermann Balck et comprenant la 1ère Armée allemande. Il fait face à la 3ème Armée américaine.

Pour finir, le Heeresgruppe Oberrhein, comprenant la 19ème Armée allemande, est disposé dans la poche de Colmar et sur la rive droite du Rhin supérieur, entre Bale, sur la frontière suisse, jusqu'au nord-est de Strasbourg. Il fait face au VIème Groupe d'Armées alliées, composé de la 7ème Armée américaine et de la 1ère Armée française.


Dans les derniers jours précédant son offensive dans les Ardennes, Walter Model a rassemblé, le long de la frontière entre Monschau et Echternach, trois armées et une trentaine de divisions, dont dix de panzers ou de panzergrenadiers, ainsi que plusieurs brigades ou Kampfgruppen indépendants. 240,000 hommes, 1,800 chars et 2,000 pièces d'artillerie, dont de nombreux lance-roquettes multiples Nebelwerfer. Model peut également compter sur 1,500 avions de la Luftwaffe, sur les 3,000 promis par Hermann Goering.

Blogosphère Mara, "16 décembre 1944 - Bataille des Ardennes: ordres de bataille"


Offensive allemande (16-26 décembre 1944).

1° Assaut initial (16 décembre 1944).

Samedi 16 décembre 1944. 5h30 du matin. Le long de la Ligne Siegfried, sur un front large d'une centaine de kilomètres allant de Monschau au nord à Echternach au sud, dans le secteur des Ardennes belgo-luxembourgeoises, l'artillerie allemande ouvre un feu nourri contre les positions des V et VIII Corps américains. La durée de ce bombardement varie selon les endroits de 20 à 90 minutes. Les postes avancés américains sont complètement surpris et, presque partout, lâchent pied. Les GIs et le haut-commandement du général Dwight Eisenhower étaient habitués, depuis la Normandie, à mener des opérations offensives.



Blogosphère Mara, "16 décembre 1944 - Bataille des Ardennes: assaut initial allemand"


2° Opération Stösser (17-23 décembre 1944).

Initialement programmé pour la nuit du 15 au 16 décembre 1944, l'opération Stösser est reportée de vingt-quatre heures en raison de difficultés techniques et de trop mauvaises conditions météorologiques. Le nouveau parachutage est fixé à 3h du matin le 17 décembre, la zone de largage située à 11km au nord de Malmédy, l'objectif étant le contrôle du carrefour de la Baraque-Michel.

Le colonel von der Heydte, un vétéran des troupes de Fallschirmjägers de la Luftwaffe, et ses 1,300 hommes doivent tenir cette position pendant au moins une journée en attendant l'arrivée de la 12ème Division panzer-SS Hitlerjugend, tout en empêchant les Américains d'amener des renforts par cette route.

Juste après minuit, le 17 décembre 1944, les 112 Ju-52/3m assurant le transport des 1,300 parachutistes allemands sont dispersés par une tempête de neige. En outre, un ciel couvert et des nuages bas couvrent la zone de largage, si bien qu'une grande partie des avions la dépassent, et les hommes de von der Heydte se retrouvent dispersés sur une large zone dans un rayon de douze kilomètres autour de la DZ.

A midi, seul un petit groupe d'environ 300 Allemands est parvenu à se regrouper, mais cette force est trop petite pour véritablement menacer les Américains. Par contre, ceux-ci, en raison de la grande dispersion du largage ennemi, surestiment grandement leur effectif, croyant avoir affaire à une division complète, et la menace. Il en résulte beaucoup de confusions et de problèmes pour les localiser.

Le 19 décembre 1944, conscient de l'impossibilité des panzer-SS de percer et d'arriver jusqu'à lui, von der Heydte décide d'abandonner sa mission et tente de regagner les lignes allemandes. Il fait disperser ses hommes par petits groupes pour avoir plus de chances de réussite.

Le 22 décembre 1944, il arrive dans la région de Monschau. Le lendemain, souffrant d'un bras cassé et de gelures, après s'être réfugiés dans une maison, lui et son groupe sont finalement capturés par las Américains.

Le colonel baron Friedrich von der Heydte finira la guerre dans un camp de prisonniers en Angleterre et sera libéré le 12 juillet 1947. Il finira sa carrière militaire dans la Bundeswehr, l'armée de terre de l'Allemagne fédérale, en 1962 avec le grade de général de brigade.


3° Opération Griffon (16-23 décembre 1944).

Pour l'opération Griffon, l'Obersturmbannführer Otto Skorzeny réussit à infiltrer de petites équipes de son unité spéciale, parlant couramment l'anglais et revêtus de l'uniforme américain, derrière les lignes de la 1ère Armée US. Bien que finalement, ils échouent à prendre les ponts sur la Meuse ou les dépôts de carburant américains, ils provoquent beaucoup de confusion et une belle pagaille, les rumeurs les plus folles ne tardent pas à circuler un peu partout.

Comme parade, les Américains dressent des centaines de checkpoints ou de points de contrôle sur les routes et les carrefours, et imaginent une méthode originale pour les confondre. Les sentinelles et les policiers militaires posent en effet des questions typiquement "américaines", sur le mode de vie, le sport ou la société américaine, des questions dont en principe seul un véritable Américain est capable de répondre: "Qui est Dick Tracy?", "Qui est la fiancée de Mickey?", "Quel est le nom de l'équipe de baseball de New-York?", "Qui est Rintintin?", "Quel est le nom de la capitale de l'Illinois?", etc. Tout le monde doit être questionné sans exception, et même les officiers généraux comme Eisenhower, Bradley ou Montgomery n'y échappent pas.

Ses mesures inattendues permettent d'arrêter plusieurs Allemands. Au cours de leur interrogatoire, ceux-ci continueront à semer la confusion et induire les services de renseignement alliés sur leur véritable objectif, en prétendant que leur but est de tuer ou de kidnapper Eisenhower et son état-major dans le GQG du SHAEF à Versailles, près de Paris. Capturés sous l'uniforme américain le 17 décembre 1944, par des soldats de la 106ème Division d'infanterie près d'Heckhuscheid, selon les lois de la guerre en vigueur, trois d'entre-eux sont condamnés à mort et fusillés six jours plus tard à Henri-Chapelle: Günter Billing, Manfred Pernass et Wilhelm Schmidt.


4° Massacre de Baugnez et crimes de guerre allemands (17-19 décembre 1944).

Le 17 décembre 1944, à l'extrémité nord du dispositif allemand, toutes les attaques du I Panzerkorps-SS vers Monschau et Eupen sont maintenant brisées par la résistance des 2ème et 99ème Divisions d'infanterie, solidement retranchées sur les hauteurs d'Elsenborn. Mais dans les autres secteurs du front ardennais, la désintégration des 106ème et 28ème Divisions d'infanterie se poursuit.

Le SS-standartenführer Joachim Peiper décide de contourner cet obstacle avec son 1er Régiment de panzer-SS. Inscrit à l'ordre du jour dans le journal de l'unité: "C'est l'heure décisive du peuple allemand. Cette bataille doit être menée dans un climat de terreur et d'épouvante sans inhibitions humanitaires..."

Le Kampfgruppe Peiper, avec environ 600 véhicules et 4,800 hommes, débute son équipée sanglante vers 4h du matin à Lanzerath. L'unité de pointe de la 1ère Division panzer-SS Leibstandarte AH évite le plateau d'Elsenborn et, après s'être emparé d'un dépôt de carburant de la 99ème Division à Bullingen, avance vers Malmédy, Stavelot et Trois-Ponts, pour tenter de traverser l'Amblève. Mais tous les ponts, minés au préalable par le génie américain, sautent l'un après l'autre au nez des panzers-SS. Par dépit, ceux-ci se vengent ici et là sur des groupes de prisonniers de guerre américains ou des civils belges.


19 GIs du 394ème Régiment d'infanterie à Honsfeld dans la matinée du 17 décembre par le Kampfgruppe Peiper. 59 GIs du dépôts de carburant de Bullingen un peu tard, par la même unités. 11 prisonniers Afro-américains du 333ème Bataillon d'artillerie de la 106ème Division d'infanterie à Wereth, au nord-est de Saint-Vith, par le 1er Régiment de panzergrenadiers-SS du SS-standartenführer Max Hansen ("Kampfgruppe Hansen"). Vers 14h, dans une prairie près du carrefour de Baugnez, sur les hauteurs de Malmédy, 86 prisonniers désarmés du 285ème Bataillon d'observation d'artillerie de la 7ème Division blindée, par la 1ère Compagnie panzer-SS du commandant Werner Poetshke. Huit autres du 1111th Engineer Combat Group (Génie de combat) à midi le 18 décembre, à Trois-Ponts, lorsque les deux ouvrages sur l'Amblève sautent au nez du Kampfgruppe Peiper. Au total, environ 350 prisonniers américains sont massacrés pendant la bataille des Ardennes.


Lorsque l'offensive de la 6ème Panzerarmee-SS est définitivement bloquée par les Américains, le 19 décembre, l'unité du SS-Sturmbannführer Gustav Knittel (Kampfgruppe Knittel) se venge alors sur la population civile dans les villages de Ster, Parfondry et Renarmont, sur les hauteurs de Stavelot.


Blogosphère Mara, "17-19 décembre 1944 - Bataille des Ardennes: massacre de Baugnez et crimes de guerre allemands"



5° Guerre contre le Kampfgruppe Peiper (18-23 décembre 1944).

Peiper s'empare de Stavelot à l'aube du 18 décembre 1944, et capture un pont intact sur l'Amblève dont les charges de démolition n'ont pas fonctionné. Articulé en deux colonnes, une sur chaque rive, le Kampfgruppe Peiper se dirige ensuite vers Trois-Ponts. Mais une unité de génie de la 7ème Division blindée américaine parvient à détruire les trois ouvrages de la localité juste au nez des panzers-SS.

Les deux colonnes doivent faire demi-tour. Celle au sud se dirige vers Wanne pour rejoindre la Leibstandarte AH, celle du nord, avec Peiper, prend la direction de Coo, La Gleize et Stoumont, cherchant désespérément un point de passage sur la rivière.

Pour couronner le tout, dans l'après-midi, un autre régiment de la 30ème Division d'infanterie américaine reprend Stavelot à la petite unité d'arrière-garde que Peiper avait laissé sur place, le coupant ainsi de ses lignes de ravitaillement et du reste de la 1ère Division panzer-SS. L'unité allemande, encerclée et pilonnée par l'artillerie des 30ème Division d'infanterie et 82ème Division aéroportée, est dès lors condamnée. Dans la nuit du 23 au 24 décembre 1944, c'est la fin: retranchés dans La Gleize, à court de carburant et de vivres, les 800 survivants, sur un effectif initial de 4,800 hommes une semaine plus tôt, abandonnent leur matériel et regagnent les lignes allemandes, après avoir retraverser l'Amblève et la Salm, de nuit et à la nage.

Blogosphère Mara, "18-25 décembre 1944 - Bataille des Ardennes: guerre contre le Kampfgruppe Peiper"

Kampfgruppe_Peiper's_Troops_on_the_road_To_Malmedy


6° Chute de Saint-Vith (17-23 décembre 1944).

Saint-Vith représente, avec le noeuds routier de Bastogne, un des deux plus importants carrefours dans les Ardennes. Située à la limites des 6ème et 5ème Panzerarmees, la ville est défendue par la 7ème Division blindée, ainsi que par un Combat Command de la 9ème Division blindée et les restes de la 106ème Division d'infanterie. Les unités américaines sont placées sous le commandement du général Bruce C. Clarke. Les GIs résistent avec succès jusqu'au 23 décembre 1944. Leurs positions devenues intenables et menacés de débordement sur les deux côtés, ils reçoivent l'ordre d'abandonner la ville et de se retirer vers la Salm. Selon le planning établit par les Allemands, Saint-Vith devait tomber dans la soirée du 17 décembre. Les défenseurs ont tenu bon pendant six jours.

Blogosphère Mara, "17-23 décembre 1944 - Bataille des Ardennes: défense et chute de Saint-Vith"



7° "Nuts!", le siège de Bastogne (19-26 décembre 1944).

le 19 décembre 1944, Bastogne est menacée au nord et au sud par deux divisions panzers et une division de volksgrenadiers de la 5ème Panzerarmee. La ville, qui représente le plus important noeud de communication des Ardennes, est défendue par des unités des 28ème Division d'infanterie et 9ème Division blindée, un Combat Command de la 10ème Division blindée, détâchée du front de la Sarre, et la 101ème Division aéroportée, arrivée directement de Mourmelon par camions. Le 22 décembre, les Allemands présentent à la garnison encerclée une demande de reddition. La réponse du commandant américain, le brigadier-général Anthony McAuliffe, le fait entrer dans la légende: "Nuts!" Le 26 décembre, une avant-garde de la 4ème Division blindée de la 3ème Armée américaine, venue secourir les assiégés, brise l'encerclement allemand.

Blogosphère Mara, "19-26 décembre 1944 - Bataille des Ardennes: Nuts!, le siège de Bastogne"



8° Combats pour les carrefours d'Hotton et de Manhay (20-25 décembre 1944).

Le 17 décembre 1944, lorsque la 116ème Division panzer et la 560ème Division de volksgrenadiers du LVIII Panzerkorps, commandé par le général Walter Krüger, percent le front du 112ème Régiment de la 28ème Division d'infanterie, elles se retrouvent devant un vide créé par le repli du 110ème Régiment vers l'ouest et Bastogne, et celui du 112ème Régiment vers le nord et Saint-Vith.

Les seules troupes alliées encore présentes entre les Allemands et l'Ourthe sont la 9ème Compagnie forestière canadienne, deux bataillons du génie de combat, en train de reconstruire des ponts à La Roche et en aval sur la branche occidentale de l'Ourthe, et quelques unités de soutien logistique et administratif de la 7ème Division blindée. Le LVIII Panzerkorps s'interesse particulièrement à un carrefour routier situé à 17km au nord-ouest de La Roche: Hotton.

Blogosphère Mara, "20-25 décembre 1944 - Bataille des Ardennes: Hotton et Manhay, combats devant l'Ourthe"



Contre-offensive américaine (23 décembre 1944 - 25 janvier 1945).

Le 23 décembre 1944, au sud du saillant allemand, la 3ème Armée du général George Patton, rappelée d'urgence du secteur de la Sarre, entame sa contre-offensive pour dégager Bastogne.

Le 26 décembre 1944, A Assenois, la 4ème Division blindée (III Corps) établit le contact avec les défenseurs de Bastogne.

Les deux jours précédents, le gros des unités de la 5ème Panzerarmee avait poursuivit son avance vers l'ouest et la Meuse. Au nord, la 116ème Division panzer franchit l'Ourthe près de Hotton, où elle est stopée par la 84ème Division d'infanterie. Au sud, la Panzerlehr atteint Ciergnon, à une vingtaine de km de Dinant. La 2ème Division panzer occupe, le 24 décembre, la petite localité de Foy-Notre-Dame, à environ 4km de la Meuse.

Ce sera le point culminant de l'avancée allemande. Et là, à 100km de leur ligne de départ et à 4km de la Meuse, les Allemands sont essouflés et à court de carburant. Le grand rêve de Hitler part en fûmée et la Meuse, l'objectif intermédiaire qui devait être franchie au plus tard pour J+4, ne sera jamais atteinte.

Pour les colonnes de blindés et de véhicules allemands immobilisés, la violence de la réaction alliée est impressionnante et va être terrible!

Sur les flancs nord et sud du saillant allemand, les 1ère et 3ème Armée américaines des généraux Hodges et Patton entament leurs contre-offensive.

Les bombardements aériens américains sèment la confusion et la mort à l'arrière des troupes allemandes, interrompant toute communication entre les unités. Les divisions panzers, paralysées par le manque de carburant, sont décimées par l'aviation et anéanties les unes après les autres par les unités américaines.

Le même jour, la 2ème Division panzer, qui s'était aventurée à quelques kilomètres de la Meuse, est entièrement détruite par le 30ème Corps britannique et la 2ème Division blindée américaine.

Les Allemands entament alors un lent, mais inexorable, repli. En fait, depuis le 22 décembre, Gerd von Rundstedt, avec le plein accord de Walter Model et sans l'autorisation du Führer, avait déjà ordonner un retrait partiel. Le général Heinz Guderian, chef d'état-major de l'Oberkommando der Wehrmacht (OKW), a bien demandé à Hitler un recul général des troupes allemandes derrière la ligne Siegfried, sur les positions qu'elles occupaient le 15 décembre 1944. Mais le Führer, comme d'habitude, s'y oppose formellement.

Et ainsi, comme le relatera le général Hasso von Manteuffel, "grâce au génie d'Hitler, au lieu d'un repli bien ordonné, nous fûmes condamnés à une douleureuse retraite pied à pied, sous la pression des Alliés, subissant d'inutiles pertes... Pour nous, la politique hitlérienne d'aucun repli a entrainé notre ruine, dans la mesure où nous ne pouvions nous permettre de pareilles pertes."

Après l'échec de la tentative allemande des 3 et 4 janvier 1945 pour réencercler Bastogne, les contre-offensives des 1ère et 3ème Armées américaines se font de plus en plus incisives et imposent une nette accélération du repli allemand.

Le 20 janvier 1945, les armées allemandes se retrouvent sur leurs positions de départ le long de la ligne Siegfried.

Le 25 janvier 1945, les Américains ont éliminé les derniers foyers de résistance allemands.



Conclusion et bilan de la bataille des Ardennes.

En trente-huit jours de combat, la Wehmacht a perdu 84,834 hommes: 15,652 tués, 41,600 blessés, 27,582 prisonniers ou disparus.

Du côté allié, les Américains enregistrent la perte de 84,423 hommes: 19,276 tués, prisonniers ou disparus, 41,493 blessés, et 23,554 prisonniers ou disparus. Les Britanniques 200 tués et 1,200 blessés.

Le nombre des pertes en blindés est à peu près le même des deux côtés: 850 chars détruits. Les Allemands ont également perdu plus de 1,200 avions. La Luftwaffe sort pratiquement anéantie de la Bataille des Ardennes. Mais surtout, ils ont perdu leurs dernières réserves de blindés et de carburant.

Si les pertes américaines seront compensées dans les semaines suivantes, les pertes allemandes en hommes et en matériel sont irréparables et irremplaçables, joueront un rôle déterminant dans la conquête de l'Allemagne en accélérant la fin du conflit européen.

Comme l'écrit Winston Churchill, l'offensive allemande dans les Ardennes a différé d'un mois l'invasion de l'Allemagne, mais en revanche elle nous a offert des atouts inespérés: "Puisque les Allemands ne pourront plus combler leurs pertes, nos combats sur le Rhin, même acharnés, s'en trouveront facilités..."



Allocution célèbre de Winston Churchill sur le soldat américain (18 janvier 1945).

Le 18 janvier 1945, le premier ministre britannique Winston Churchill fait remarquer à la tribune du Parlement, à Londres, dans une allocution devenue célèbre, que la bataille des Ardennes a été essentiellement "une bataille américaine". Il rend ainsi hommage aux sacrifices des soldats américains dans les Ardennes belgo-luxembourgeoises.

"Les Américains ont engagé trente ou quarante hommes pour chaque soldat que nous avons engagé, perdu soixante à quatre-vingt hommes pour chaque homme que nous perdions." Ce fut, poursuivit Churchill, "la plus grande et la plus héroïque bataille américaine de la guerre. Et elle le restera éternellement..."

Cette allocution historique met définitivement fin aux rêves d'Hitler concernant un "divorce politique" entre les puissances alliées. La discorde entre, d'une part, le maréchal britannique sir Bernard Montgomery, et d'autre part, les généraux américains Omar Bradley et Dwight Eisenhower, n'a finalement pas menacé l'"alliance anglo-américaine".

Au début du mois de janvier 1945, Hitler donne l'ordre de retirer du front ardennais la 6ème Panzerarmee SS, et à la 5ème Panzerarmee de von Manteuffel celui de combler le vide laissé par les Panzers-SS de Joseph "Sepp" Dietrich, la responsabilité de la défense de ce qui reste alors du saillant allemand. Aux yeux de Gerd von Rundstedt, commandant de l'OB West, l'ensemble des forces allemandes de l'Ouest, cela indique qu'Hitler affronte enfin la réalité de ce qui se passe dans les Ardennes.

Le 16 janvier 1945, le vieux maréchal saisit l'occasion pour demander, non seulement le repli immédiat derrière Houffalize, mais également l'autorisation de se replier par étapes jusqu'au Rhin, dont le large fossé constituait selon lui le seul espoir d'arrêter les armées alliées occidentales.

Le Führer autorise bien un repli, mais sous certaines conditions: ses troupes doivent reculer uniquement sous la pression des Américains, jusqu'au Westwall, la ligne Siegfried, c'est-à-dire la ligne de front que les Allemands avaient occupé le 15 décembre 1944, la veille de leur offensive. C'est là, dit-il, que les armées allemandes devraient y résister.

Au front, les soldats de Hasso von Manteuffel ressentent cruellement le départ de la 6ème Panzerarmee-SS. Néammoins, ils continuent à résister avec un acharnement qui, aux yeux des soldats américains, reste inexplicable.

Au fil des jours de ce mois de janvier, von Manteuffel et ses chefs d'unités se mettent à outrepasser les ordres d'Hitler. Parfois, ils autorisent un repli même sans pression américaine. Quand cela se produit, les GIs avancent d'un coup pendant une heure, parfois même une demi-journée, sans qu'un seul coup de feu ne soit tiré contre eux. La plupart des divisions américaines qui ont encaissé le choc initial allemand participent à la contre-offensive générale de Bernard Montgomery, au nord, et de George Patton, au sud.

Au nord, la 1ère Armée américaine, avec les 1ère, 30ème, 75ème et 84ème Divisions d'infanterie, la 82ème Division aéroportée, ce qu'il reste des 2ème, 99ème et 106ème Divisions d'infanterie. Avec les renforts des 2ème et 3ème Divisions blindées et du 517ème Régiment de parachutistes indépendant. Au sud, la 3ème Armée américaine, avec les 4ème, 5ème, 26ème, 35ème, 80ème et 87ème Divisions d'infanterie, 101ème Division aéroportée, 4ème, 6ème et 11ème Divisions blindée. Les divisions récemment arrivées, plus tard, se joignirent à elles: 83ème et 90ème Divisions d'infanterie, 17ème Division aéroportée, 6ème Groupe de cavalerie.

Les combats de janvier 1945 se déroulent dans des endroits de sinistre mémoire: à Baugnez, où la 30ème Division d'infanterie découvre les corps gelés des GIs, ensevelis sous la neige, de la colonne d'artillerie de la 7ème Division blindée massacrée le 17 décembre. Lorsque les Sreaming Eagles ("Aigles Hurlants") de la 101ème Division aéroportée reconquièrent Foy et Noville, les 1er et 3 janvier, ils découvrent les carcasses calcinées et les cadavres gelés du Team Desobry, anéanti par la 2ème Division panzer le 19 décembre, aux heures les plus sombre du siège de Bastogne. Vielsalm, Salmchateau, Saint-Vith, où le commandant de la 7ème Division blindée, le général Robert Hasbrouk, réserve au général Bruce Clarke, le commandant du CCB de cette division, l'honneur de reprendre les ruines de la ville qu'il a si héroïquement et magnifiquement défendue. Et tant d'autres lieux-dit où les GIs se sont illustrés: le carrefour du café Schumann, Wiltz, Clervaux, Consthum, Marnach, Diekirch, Fouhren, etc.

Dans son dernier coup de poker, Hitler n'a pas réussi à atteindre Anvers, dont ses généraux n'ont d'ailleurs jamais espéré pouvoir s'en emparer. Il n'a même pas réussit à atteindre son objectif intermédiaire à 100km des positions de départ, la Meuse, que ses généraux considéraient comme un but raisonnablement réaliste. Tout ce qu'il réussit, c'est d'accélérer l'écroulement final des ses armées, d'assurer, en dégarnissant ses meilleures divisions du front de l'Est pour les jeter dans le Chaudron ardennais, rendant du coup possible le succès de l'offensive de l'Armée Rouge, le 12 janvier 1945.

860,000 soldats américains sont impliqués dans la bataille du saillant du 16 décembre au 25 janvier, venant de 29 divisions, 6 groupes de cavalerie mécanisées et 3 régiments indépendants. Leurs pertes s'élèvent à 81,000 hommes dont 19,000 tués et 23,500 prisonniers, soit environ 10% des effectifs engagés. 55,000 Anglo-Canadiens du XXX Corps britannique y participent également. Leurs pertes s'élèvent fin janvier à 1,400 tués et plus de 200 blessés.

Les Allemands ont jeté dans cette formidable bataille, la plus grande d'Europe et certainement de la Seconde Guerre mondiale, plus d'un demi-million d'hommes, formant 28 divisions et 3 brigades. Leurs pertes s'élevent à 100,000 tués, blessés et prisonniers. Les deux adversaires perdent un nombre à peu près équivallent de blindés (850 chars) et un millier d'avions. Mais les Américains peuvent combler leurs pertes en quelques semaines, alors que les Allemands sont incapables de remplacer les leurs.

Le combativité soldat allemand dans les Ardennes a tout de même surprit son adversaire. Manquant de carburant, d'artillerie, de transport, son pays au bord de l'asphixie et de la défaite, il s'est battut avec tant de courage et de détermination que les Américains l'ont considéré comme fanatique.

Mais la victoire finale est incontestablement celle du simple soldat américain. Ceux-là même qu'Hitler a surnommés "Armée de Nègres, de Ritals et de Youpins" se sont battut avec héroïsme! Dans le froid, la boue, la neige et le brouillard, cinq divisions américaines ont encaissé le formidable choc de trois armées allemandes, dont deux blindées. Les Allemands ont mortellement sous-estimé la valeur combattive et la détermination du GIs.

Le public européen a crû longtemps qu'au début de l'attaque, quelques troupes américaines s'enfuirent en désordre. Dans un livre publié lors du quarantième anniversaire de la bataille, un historien fait remarquer qu'"au cours des premiers engagements, des unités américaines furent prises de panique et s'enfuirent vers l'arrière." Cette légende est absolument fausse! Il y eut bien quelques désertions ici et là, une dizaine de GIs qui s'étaient enfuit vers Liège et Dinant furent repris par la police militaire et condamnés à des peines de prison.

Sauf peut-être pour la troupe disparatre du dépôt d'essence de Bullingen et du personnel administratif capturée à Honsfeld par Peiper, à l'aube du 17 décembre, aucune unité américaine ne s'est replié sans combattre! Après de durs combats, à courts de munitions, submergés par des chars, quelques éléments du CCR de la 9ème Division blindée se sont retirés en désordre vers Longvilly, créant un début de panique. Mais il n'y eut pas de suite.

Quiconque sait ce que cela représente d'affronter un ennemi très supérieur en nombre qui vous submerge, doit reconnaitre que les circonstances étaient particulièrement éprouvantes.

Beaucoup d'Américains et de civils belges ont vu des unités logistiques qui se repliaient rapidement. Mais, dans la grande majorité des cas, ces unités en avaient reçu l'autorisation. Pourquoi exposer à l'anéantissement ou à la capture des pièces d'artillerie de corps, des unités de défenses anti-aérienne, des dépôts de carburant et de munitions, des hôpitaux?

Quiconque éprouve des difficultés à faire la différence entre une retraite hâtive et désordonnée, et la panique devrait lire "L'adieu aux Armes", d'Ernest Hemingway". A l'exception de quelques individus, le soldat américain a tenu bon. Surpris, abasourdi, incrédule, ne comprenant pas ce qui lui arrivait, il résistera jusqu'à ce que ses officiers ordonnent la retraite ou jusqu'à ce qu'il soit submergé. Cela se produit dans chaque bataille de chaque guerre! D'un côté comme de l'autre!

Hitler a considéré le soldat américain comme un maillon faible de l'alliance occidentale, le produit d'une société décadente, trop hétérogène pour en faire une force combattante efficace. Dans ce domaine, Il s'est lourdement trompé.

Il y a des Bouck, des Crawford, des Tsakanikas, des Moore, des Umanoff, des Reid, des Devereaux, des O'Brien, des Jones, des Deschaineaux, des Garcia, des Goldstein, des Russo, des McKinley, des Mandichak, des Leinbaum, des Espinoza, des Wieszcyk, des Nawrocki, des Barcellona, des Lavigne, des Kennedy, des Lindemann, des Hogan, ...

Il y a des Noirs à Krinkelt-Rocherath, à Dom Butchenbach, dans la trouée de Losheim, dans le Schnee Eifel, sur la route des Crêtes ("Skyline Drive"), à Saint-Vith, au Parc Hôtel, à Malmédy, Marnach, Stavelot, Stoumont, Bastogne, Verdenne, Baraque Fraiture, Wiltz, Echternach, La Roche, Hotton, La Gleize, Noville, Elsenborn, ...

Il y a également les Amérindiens de la 2ème Division d'infanterie Indian Head qui s'accrochèrent désespérément au plateau d'Elsenborn: des Lebeau Cheyennes, Eaglehorn Cherokee, Bruguier Sioux, Whiteshirt Arapahoes, ...

Le soldat américain, quelle que soit son origine ethnique ou sociale, a démentit de la manière la plus formidable qui soit les théories raciales d'Hitler. La bataille des Ardennes est et demeurera le fait d'armes le plus extraordinaire et le plus célèbre de l'histoire de l'armée américaine. Et Churchill finira de conclure: cette "Bataille du soldat américain" doit être racontée au son des trompettes...

Photos ci-dessous: 1° et 2° Monument du Mardasson à Bastogne (2007). 3° et 4° Cérémonie du Bastogne Mémorial et Festival nocturne du Mardasson, en décembre 2014.





Bastogne-Memorial-2015

Bastogne-Mardasson-2015


Série documentaire "Grandes Batailles de la Seconde Guerre mondiale"
(Henri de Turenne et Daniel Costelle) - Vidéo Youtube.


"Les Grandes Batailles" est une série d'émissions télévisées historiques de Daniel Costelle, Jean-Louis Guillaud et Henri de Turenne diffusée à la télévision française dans les années 1960 et 1970, qui décrit les principales batailles de la Seconde Guerre mondiale ainsi que le procès de Nuremberg. Les émissions donnent la parole aux officiers ayant participé à ces batailles ainsi qu'à des historiens. Ces interventions alternent avec des extraits de reportages. Les commentaires sont d'Henri de Turenne.

La campagne d'Allemagne 1945 - 1° Le dernier sursaut d'Hitler.













Article modifié le 3 octobre 2019.


Sources principales:
Battle of the Bulge (Wikipedia.org)
• Charles B. MacDonald: Noel 1944: la Bataille d'Ardenne. Editions Luc Pire (2006). ISBN 2-87415-468/7.
Banques d'images de l'European Center of Military History (eucmh.com).

1 comment:

Pascal Boulerie said...

> La Wehrmacht perd, de son côté, de 800000 à 100000 tués.

80 000, pas 800 000 !

PS C'est mieux de séparer les centaines des milliers par un espace.