"Guerres yougoslaves" est le terme générique pour désigner une série de campagnes militaires menées dans l'ancienne République Socialiste Fédérale de Yougoslavie entre 1991 et 1999. Les causes sont complexes, ayant globalement pour origine le nationalisme et les différences ethniques et religieuses des peuples de l'ex-Yougoslavie, les Serbes orthodoxes (avec les Monténégrins) d'un côté, les Croates catholiques et Bosniaques musulmans (et dans une moindre mesure, les Slovènes) de l'autre. Les Bosniaques et les Croates se sont également battus entre-eux pendant une certaine période.
Les guerres de l'ex-Yougoslavie sont, en Europe, les affrontements les plus longs et sanglants depuis la Seconde Guerre mondiale. De nombreux crimes et massacres ont été commis des deux côtés, mais l'immense majorité des responsables sont Serbes, et la plupart des victimes des Bosniaques ou des Croates. Tout au long de ces conflits, les Serbes ont pratiqué le nettoyage et l'épuration ethnique, c'est-à-dire l'expulsion (et parfois le meurtre ou le massacre) des populations non-serbes, dans les territoires conquis.
Pour la première fois depuis le procès des dirigents nazis à Nuremberg, un Tribunal Pénal international s'est réunit à La Haye, aux Pays-Bas, pour poursuivre en justice les responsables de ces atrocités, quelle que soit leur origine ethnique ou religieuse. Les trois principaux responsables sont Serbes: Slobodan Milosevic, président yougoslave (fédération yougoslave qui réunit alors la Serbie et le Monténégro), Radovan Karadzic, président de la Republica Serpska, c'est à dire la République des Serbes de Bosnie, et enfin Radko Mladic, son chef militaire.
L'élément déclencheur de la désintégration yougoslave se déroule le 25 janvier 1990 à Belgrade, lors du 14ème Congrès extraordinaire de la Ligue Communiste de Yougoslavie. L'assemblée s'est réunie pour discuter de proposition visant à abolir le système du parti unique et pour entreprendre des réformes. Cependant, Milosevic, qui représente le Parti communiste serbe, use de son influence pour bloquer ou discréditer les propositions des délégués slovènes et croates. Ceux-ci, furieux, décident de quitter l'Assemblée et de faire sécession du Comité yougoslave. Dès lors, le processus de dissolution de la Fédération yougoslave est entamé, et plus rien ne pourra l'arrêter.
Selon le Centre International pour la Justice Transitionnelle, une ONG fondé en 2001, les conflits yougoslaves ont provoqué la mort d'au moins 140,000 prersonnes. D'après le Centre de Droit Humanitaire (ou Humanitarian Law Center, HLC), une autre ONG internationale ayant des antennes locales à Belgrade et Pristina, le nombre des victimes s'élève à 130,000 morts: plus de 20,000 Croates, 64,000 Bosniaques et 32,000 Serbes. Les guerres de Yougoslavie se distinguent en trois conflits majeurs: la guerre de Croatie (1991-1995), la guerre de Bosnie-Herzégovine (1992-1995), et la guerre du Kosovo (1998-1999).
Photo ci-dessous: un char T-72 de l'Armée Fédérale Yougoslave (JNA) détruit lors de la Bataille de Vukovar, le 29 novembre 1991.
Processus de désintégration de la Yougoslavie.
Avant même la Seconde Guerre mondiale, les tensions communautaires qui secouent la Yougoslavie ont pour origine les différences ethnico-religieuses des peuples qui la composent. Les Croates (1) militent pour un modèle fédéral où ils disposeraient d'une plus grande autonomie, et les Serbes veulent l'inverse: un pouvoir hypercentralisé (dirigé par eux, bien entendu).
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, ces tensions et ces divergences sont exploitées par les Nazis. Ils établissent un gouvernement fantoche, lequel proclame l'"Etat Indépendant de Croatie" (Nezavisna Drzava Hrvatska, NDH) dirigé par Ante Pavelic, dans ce qui représente aujourd'hui la Croatie et la Bosnie-Herzégovine. Les Oustachis pratiquent une politique de persécutions envers les Juifs et la minorité serbo-croate. Un tier de ces derniers sont tués, un tier expulsés vers la Serbie, et les autres forcés de se convertir au catholicisme. Simultanément à cela, les Chetniks serbes, dirigés par Draza Mihailovic, pratiquent leur propre campagne de nettoyage ethnique, contre les Croates catholiques et les Bosniaques musulmans.
Pour lutter contre les Chetniks et les partisans de Tito, les Allemands recrutent au sein de la Waffen-SS des Croates, des Musulmans et des Serbes. En Serbie même, les pro-nazis se ralient au Corps de volontaires Serbes (SDK) de Dimitri Lyotic. Les Allemands y installent un gouvernement collaborationniste, désigné "Gouvernement de Salut National" (Vlada Nacionalnog Spasa, VNS) et dirigé par Milan Nedic. La principale préoccupation de Nedic est de faire la chasse aux Juifs et aux Chetniks de Mihailovic.
Le gouvernement yougoslave de l'après-guerre estime que durant cette occupation nazie, plus de 1.7 million de personnes ont péri, dont 330,000 à 390,000 Serbes.
En dépit de la structure fédérale de l'Etat yougoslave instituée par Josip "Tito" Broz après les hostilités, les tensions persistent entre Croates-Slovènes, qui désirent plus d'autonomie et un pouvoir fédéral diminué, et les Serbes qui veulent une Yougoslavie serbe. La constitution yougoslave de 1974 tente de résoudre toutes ces divergences d'opinions.
Après la disparition de Tito, en 1980, les tensions qu'il était parvenu à canaliser ressurgissent de plus belles. Dans les années qui précèdent l'éclatement final yougoslave, la Fédération se compose de six Républiques et de deux provinces autonomes. Et quand il devient clair qu'aucune solution n'est envisageable pour résoudre ce véritable "casse-tête", la Slovénie et la Croatie décident de prendre leur destin en mains à la première occasion qui se présentera. Celle-ci survient lors du 14ème Congrès Communiste yougoslave, à Belgrade, le 25 janvier 1990. Les Croates et les Slovènes, furieux de voir leurs amendements rejettés en bloc par la délégation serbe, quittent l'Assemblée et veulent faire sécession.
Carte ci-dessous: les Six Républiques fédérales yougoslaves (Croatie, Bosnie-Herzégovine, Slovénie, Monténégro, Serbie et Macédoine), plus les deux provinces autonomes (Kosovo et Voivodine).
(1) La Croatie de cette époque, appelée "Etat des Slovènes, Croates et Serbes" et fondée en 1918 par la dissolution de l'Empire Austro-Hongrois, regroupait la Croatie, la Bosnie-Herzégovine et la Slovénie actuelles.
1° Constitution yougoslave de 1974.
Le 21 février 1974, la nouvelle constitution yougoslave entre en application. Le Bureau du Président de la Yougoslavie est remplacé par une "Présidence Collégiale Yougoslave", avec huit membres représentant les six Républiques fédérales et les deux provinces serbes "autonomes" depuis 1945, le Kosovo et la Voivodine. Avec cette réforme, l'influence du gouvernement central serbe sur ces deux provinces est grandement diminué. En Serbie, cela provoque un certain mécontentement populaire, les nationalistes y voyant la volonté de la présidence fédérale de "diviser la Serbie".
2° Mort de Tito.
Le Croate Jozip "Tito" Broz tombe malade en 1979. Les 7 et 11 janvier 1980, il est hospitalisé d'urgence à deux reprises, à l'Hopital de Ljubjana, avec de graves complications circulatoires et artériels, et droit être amputé de la jambe gauche. Il meurt de la gangrène le 4 mai 1980, trois jours avant son 88ème anniversaire.
Photo ci-dessous: le maréchal Tito, en compagnie de Richard Nixon, photographié en 1972.
Sa disparition provoque un regain des divisions ethniques et nationalistes dans les six Républiques fédérales, mais surtout en Serbie, et particulièrement dans sa province du Kosovo. En septembre 1986, l'Académie Serbe des Sciences et Arts (SANU), dirigé par Kosta Mihailovic, contribue grandement à la montée des sentiments nationalistes dans le pays, avec la publication d'un Mémorandum controversé et rédigé par quatorze des seize membres. Ce mémorandum est un véritable appel à la rebellion contre le gouvernement fédéral yougoslave. Ses thèmes principaux sont la décentralisation du pouvoir (qui va mener à la désintégration yougoslave) et les "discriminations" dont sont victimes les Serbes, par la Constitution de 1974.
3° Slobodan Milosevic.
Slobodan Milosevic commence à s'intéresser à la politique en 1959, pendant ses études à la Faculté de droit de l'Université de Belgrade, et rejoint la branche estudiantine de la Ligue des Communistes de Yougoslavie. Durant cette période universitaire, il fait la connaissance et devient un des plus proches amis d'Ivan Stambolic, dont son oncle Petar occupe le poste de Premier ministre communiste de Serbie.
En 1964, il termine ses études de droit. Il travaille d'abord dans l'industrie Technogaz, où Stambolic est également employé, et devient le président de cette société en 1973. Avant de se spécialiser dans la finance, où il exerce de 1978 jusqu'en 1983 la fonction de directeur de la Beogradska Banka (ou Beobanka), la "Banque de Belgrade".
Milosevic entame sa carrière politique le 16 avril 1984 lorsqu'il est élu pour un mandant de deux ans président du Commité du Parti Communiste de Belgrade. Il fomente un coup d'Etat, évince et remplace deux ans plus tard, le 28 mai 1986, son ami de longue date Stambolic, à la tête du Comité Central du Parti Communiste de Serbie. Il sera réelu à ce même poste en 1988.
En 1987, Milosevic est envoyé au Kosovo pour calmer les troubles nationalistes de la minorité serbe qui secouent la province. En tant que communiste, il rejette toute forme de séparatisme et de nationalisme, et condamne publiquement le Mémorandum SANU. Cependant, l'"autonomie" kosovare étant très impopulaire dans la société serbe, il assure, lors d'un meeting public face à des mineurs serbes, qu'il va se battre pour faire cesser les violences ethniques dont ils sont "victimes", commises par la population albanophone. Milosevic entreprend alors un virage radical à 180° et entame une campagne *contre* le le président du parti communiste serbe, son ami de longue date Ivan Stambolic. Il demande une réduction de l'autonomie du Kosovo et de la Voivodine. Ces actions le rendent extrêmement populaire en Serbie mais surtout des Serbes du Kosovo, ce qui va grandement contribuer à sa montée en puissance et à sa célébrité par la suite.
Le 8 mai 1989, Milosevic est élu Président de Serbie et avance ses idées prônant un nationalisme ethnique. Il décide de "mettre au pas" le Kosovo en annulant toute les mesures autonomistes prises par Tito depuis 1945. Le Communisme étant en déliquescence dans tous les pays de l'Europe de l'Est, il transforme en 1989 le Parti communiste de Serbie en Parti socialiste. Il préside également au changement de la Constitution qui lui permet de se donner des pouvoirs accrus.
Dans l'opposition serbe et y compris dans son propre parti, certaines voix commencent à s'élever contre la menace nationaliste (2), mais le 20 décembre 1992, il est réélu à la présidence serbe, cette fois au suffrage universel direct.
Ci-dessous: de gauche à droite, Slobodan Milosevic, président de Serbie, Franjo Tudjman, président de Croatie, Alija Izetbegovic, président de Bosnie-Herzégovine, et Radovan Karadzic, leader des Serbes de Bosnie.
(2) Cercle de Belgrade, ou Beogradski Krug. ONG indépendante composée d'intellectuels serbes (philosophes, sociologues, historiens, etc.) défenseurs des Droits de l'homme, opposés au nationalisme et à la politique de Slobodan Milosevic, et fondée en 1991. Le Cercle de Belgrade a publié la revue Republika, organisé des colloques, réunions et prises de positions publiques, édité des ouvrages collectifs dont L'autre Serbie. Certains de ses membres, menacés par la police de Milosevic, ont du s'exiler et ont obtenu l'asile politique à l'étranger, notament en France, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.
Vers la sécession.
1° Dissolution de la Ligue Communiste de Yougoslavie.
Le 25 janvier 1990, s'ouvre à Belgrade le 14ème Congrès extraordinaire de la Ligue Communiste de Yougoslavie, ou Savez Komunista Jugoslavije (SKJ). Des délégations venant des six Républiques se réunissent pour discuter du futur du Parti Communiste yougoslave. La délégation serbe est menée par Slobodan Milosevic. Celui-ci insiste sur la politique du "une personne, un vote". Sa représentation étant la plus nombreuse, le vote proportionnel lui assure à tous les coups de s'imposer aux autres.
Les délégués croates et slovènes, de leur côté, veulent des réformes pour donner plus de pouvoir aux Républiques, mais leurs amendements sont sans cesse rejettés en bloc par les motions serbes. Furieux, ceux-ci finissent par quitter le Congrès. Ce qui entraine par la suite la dissolution du PCY moribond, et l'adoption d'un nouveau système multipartisme.
Les six Républiques fédérales yougoslaves (Slovénie, Croatie, Serbie, Monténégro, Macédoine et Bosnie-Herégovine) organisent donc de nouvelles élections, multipartistes, en 1990, et les communistes sont battus partout. Les grands vainqueurs sont les partis nationalistes, qui prônent la sécession et la fin de la Fédération des Républiques Socialistes Yougoslaves. Dès lors, la Slovénie, suivie par la Croatie et la Macédoine, entament leur marche irréversible vers l'indépendance. Le Monténégro élit un pro-Milosevic, et Milosevic est président de Serbie depuis le 8 mai 1989.
Milosevic, désormais libre d'agir comme il l'entend, annule toutes les mesures autonomistes du Kosovo que Tito avait prise depuis 1945.
2° Tensions ethniques en Croatie.
En Croatie, c'est le nationaliste Franjo Tudjman, leader de l'Union Démocratique Croate, ou Hrvatska Demokratska Zajednica (HDZ), qui remporte les élections. Il promet de "protéger la Croatie de Milosevic", et se fait le champion des "droits historiques de l'Etat croate". Il fait modifier la constitution pour faire passer le status des Serbes de Croatie de "Nation constitutionnelle" à "Minorité nationale".
Les Serbes de Croatie, de leur côté, prennent leurs distances avec le gouvernement nationaliste de Tudjman. En 1990, les nationalistes serbes décident de former à Knin, dans le sud de la Croatie, une entité séparatiste baptisée Krajina, et demandent de rester attachés à la Fédération yougoslave si la Croatie fait sécession.
Le président de Serbie, Milosevic, qui compare la Croatie à l'état fantoche pro-nazi et aux Oustachis de la Seconde Guerre mondiale, soutient activement cette rebellion serbo-croate.
A Knin, les Serbes de Croatie, dirigés par Milan Martic, commencent à s'armer et à mener des actions de protestation contre le gouvernement croate. Parmis les politiciens serbo-croate locaux, il y a Borislav Jovic, le maire de Knin. Celui-ci prend la tête, pour une durée d'un an, de la présidence tournante yougoslave, le 15 mai, et pousse le Conseil yougoslave à prendre des "mesures sévères" pour empêcher la Croatie de se séparer de la Fédération.
Le 17 août 1990, les Serbo-Croates entament leur Révolution des Rondins (Balvan Revolucija) en dressant, à l'aide de troncs d'arbres, des barrages de contrôle sur les routes de Knin. Dans le documentaire de la BBC Suicide of Yugoslavia diffusé à cette époque, les médias croates assimilent les séparatistes serbes à des alcooliques tirant sur tout ce qui bouge, pour tenter de discréditer leur rebellion.
Le gouvernement croate refuse de négocier avec eux, et décide de faire cesser cette rebellion par la force. Il envoit des hélicoptères de transport et des forces spéciales pour lever les barrages routiers. La Force aérienne yougoslave intervient alors, et les pilotes croates, menacés d'être interceptés, doivent retourner à leur base à Zagreb. Pour le gouvernement de Tudjman, il ne fait plus aucun doute que l'Armée Populaire Yougoslave (JNA) est entièrement sous le contrôle des Serbes.
La Krajina se déclare officiellement "entitée séparatiste" le 21 décembre 1990, au cours du meeting du Conseil National Serbe de Croatie, présidé par Milan Babic. Au même moment, en Slovénie, lors du référandum sur l'indépendance, 93.2% des Slovènes prennent part au vote, et 88.5% y sont favorables.
Carte ci-dessous: diverses entitées de l'ex-Yougoslavie en 1993.
Début des conflits.
1° Sécessions et riposte.
En janvier 1991, le service de contre-espionnage yougoslave (KOS) remet au gouvernement fédéral une cassette vidéo montrant une réunion secrète entre le ministre de la Défense croate, Martin Spegelj, avec deux autres personnes. L'une d'entre-elles est en fait un agent du KOS travaillant sous couverture et se faisant passer pour un marchand d'armes. Au cours de cette entrevue, Spegejl annonce son intention d'armer les Croates et de les préparer à faire sécession. Ce sont ce que l'on surnommera par la suite les Bandes Spegelj.
L'Armée Fédérale Yougoslave (Jugoslovenska Narodna Armija, JNA) réagit en condamnant Spegelf, un ancien officier de la JNA, pour haute trahison et traffic illégal d'armes en provenance principalement de Hongrie. La découverte de ce traffic d'armes croate, combinée avec la crise des Serbes de Knin, les manifestations indépendantistes bosniaques, croates, slovènes et macédoniens, montrent que la Yougoslavie et maintenant en pleine désintégration.
Le 12 mars 1991, à Belgrade, des officiers haut-gradés de la JNA rencontrent les membres de la présidence yougoslave pour la convaincre qu'il est temps de déclarer l'état d'urgence, ce qui permettrait du coup à l'armée de prendre le contrôle du pays. Le commandant en chef de la JNA, le général Veeljko Kadijevic, annonce qu'il existe un complot visant à détruire la Yougoslavie: "Un plan insidieux se déroule maintenant, visant à détruire la Yougoslavie. La phase I de ce plan est la guerre civile. La Phase II est l'intervention des puissances étrangères. Des régimes fantoches sont en train de naître au sein de la Fédération."
Cette déclaration sous-entend que les nouveaux Etats indépendants bénéfécieront de l'aide militaire (et secrète) des Occidentaux. Le délégué croate s'emporte contre ses paroles, accusant Jovic et Kadijevic de chercher à utiliser l'armée fédérale pour créer une "Grande Serbie". Celui-ci déclare: "Cela signifie la guerre!".
Jovic et Kadijevic appellent ensuite les délégués de chaque République à voter ou non la loi martiale, et les mettent en garde que si elle n'est pas votée, la Yougoslavie sera bientôt démembrée en plusieurs pays. L'établissement de cette loi martiale permettrait de fait à la JNA d'intervenir dans la crise croate et d'appuyer militairement la minorité serbo-croate. Ce vote est cependant rejetté par une voix contre, celle du délégué serbe de Bosnie, Bogic Bogicevic, qui croit encore que la diplomatie peut régler cette crise. Le Conseil d'Etat abandonne donc cette solution peu-après.
Le 15 mai 1991, après que le mandat d'un an de Jovic s'achève, à la présidence tournante yougoslave. Milosevic refuse d'accepter le candidat croate, Stjepan Mesic, et bloquera sa nomination jusqu'au 30 juin. En attendant, c'est Sejdo Bajramovic, un pro-Milosevic inconditionnel, qui est choisit à sa place, comme "Coordinateur de la présidence".
Le 19 mai 1991, en Croatie, un référandum est soumis à la population, sur le droit de faire sécession ou non d'avec la Fédération yougoslave. 83.56% des Croates participent au vote, mais la minorité serbo-croate le boycotte. 94.17% des votants, soit 78.69% de la population, sont favorables à la sécession, et 1.2% se prononcent contre.
En Slovénie, un référandum sur l'indépendance du pays a eu lieu le 23 décembre précédent, 95% des votants y étant favorables. La Croatie et la Slovénie déclarent leur indépendance le même jour, le 25 juin 1991. Le Lendemain, le Conseil Exécutif fédéral ordonne à la JNA, contrôlée en grande partie par les Serbes, de "reprendre le contrôle des frontières telles qu'elles étaient reconnues internationalement avant la crise".
Les troupes yougoslaves dispersées dans les casernes en Slovénie et en Croatie essaient de se rassembler en une force homogène. Cependant, les fausses informations communiquées aux jeunes appelés et miliciens, combinées au fait que la majorité de ceux-ci ne veulent pas se battre contre leur patrie, font que les "Forces de Défense Territoriales" slovènes prennent le contrôles des casernes et des dépôts de la JNA sur leur territoire, avec un minimum de pertes des deux côtés. C'est ce qu'on appelle la "Guerre des Dix Jours" (27 juin - 6 juillet 1991).
Photo ci-dessous: une colonne de chars T-55 de la JNA pénètre en Slovénie, durant la Guerre des Dix Jours.
Un cessez-le-feu est rapidement déclaré et respecté par les deux camps. Le 7 juillet 1991 ont lieu les Accords de Brijune, sous l'égide de la Communauté internationale, qui réunissent des représentants croates, slovènes et de la Fédération yougoslave (Serbie et Monténégro). Un moratoire de trois mois sur l'indépendance de la Croatie et de la Slovénie est accepté par les parties en présence. Cela met fin au conflit en Slovénie, et durant ces trois mois, la JNA se retire complètement du pays.
Le 7 septembre 1991, s'ouvre une conférence à La Haye, aux Pays-Bas, réunissant des diplomates européens et yougoslaves. La Conférence est présidée par l'Anglais Lord Peter Carington. Ces négociations n'aboutissent cependant à rien et prennent rapidement fin. Carington, réalisant que la fin de la Yougoslavie est inéluctable, propose un plan où "chaque République accepterait les déclarations d'indépendance, inévitable, des autres, avec leur promesse que les droits des minorités serbes y vivant seraient respectés". Le président serbe, Slobodan Milosevic, rejette cette proposition, déclarant que l'Union Européenne n'a aucun droit pour démembrer la Yougoslavie, et que son plan ne sert aucunement les intérêts des Serbes présents dans les quatre Républiques (Serbie, Monténégro, Bosnie-Herzégovine et Croatie).
Carington propose alors de soumettre son plan aux votes des représentants de chaque république, y compris le monténégrin Momir Bulatovic. Celui-ci est d'abord favorable au plan de l'Anglais, mais sous la forte pression des présidents serbe et monténégrin, il change de position et s'oppose à la dissolution de la Yougoslavie.
2° Offensive serbe en Croatie (septembre 1991).
Le 31 mars 1991, des policiers croates chargés d'expulser des indépendantistes serbes de la Krajina d'un parc national situé près des lacs de Plitvice, voyageant en bus, tombent dans une embuscade tendue par des serbo-croates et des paramilitaires venant de Serbie. Au cours de l'affrontement, deux personnes sont tuées, un policier croate et un serbo-croate, et vingt autres blessées. En outre, 29 paramilitaires serbes sont capturés par les forces de l'ordre croate par la suite, et parmi eux, Goran Hadzic, le future président de la République Serbe de Krajina (Republika Srpska Krajina, RSK).
Ci-dessous: mémorial érigé en la mémoire de Josip Jovic, considéré comme le premier mort de la Guerre de Croatie.
Après cet "incident", qui est considéré comme l'acte précurseur de la rebellion serbe en Croatie, les hostilités entre les forces gouvernementales croates et les Serbo-Croates commencent véritablement. Les seconds sont massivements soutenus par les forces de la JNA présentes dans le pays.
Le 1er avril 1991, la Krajina déclare officiellement sa sécession d'avec la Croatie. Immédiatement après cette déclaration, d'autres Serbo-Croates forment la Slavonie Occidentale et la Slavonie Orientale/Baranya/Syrmia occidentale, et demandent à rejoindre la Krajina.
Le 19 décembre 1991, les trois régions serbes séparatistes s'associent pour former la nouvelle République Serbe de Krajina, ou Republika Srpska Krajina (RSK). Milan Babic devient son premier président. Les Serbes contrôlent maintenant pratiquement un tier du territoire croate.
Le 7 octobre 1991, à l'expiration du moratoire des trois mois, Slobodan Milosevic ordonne de commencer les hostilités. L'Armée yougoslave (JNA), qu'il contrôle entièrement, envahit la croatie. L'artillerie serbe s'acharne particulièrement contre les grandes villes comme Split, Dubrovnik (pourtant classé comme monument historique de l'UNESCO), Split, Ploce, Brod et Zinkovci. Milosevic fait également attaquer par l'aviation le palais présidentiel de Zagreb, où sont présents les présidents croates et yougoslaves, Franjo Tudman et Stjep Mesic. Ceux-ci en réchappent de peu.
A Vukovar, les violences ethniques entre Croates et Serbes vont atteindre leur paroxysme. La ville, défendue par 1,800 à 2,200 miliciens croates, commandés par Blago Zadro et le Serbe Mile "Zastreb" (Le Faucon) Dedakovic, est assiégée et résiste pendant 87 jours à l'offensive des forces serbes, avant de succomber.
Cette sanglante bataille coûte en outre la vie à environ 3,000 civils. Au cours du siège (25 août - 18 novembre) se sont abattus plus de 600,000 obus de tous calibre, soit une moyenne journalière d'environ 6,900 projectiles, plus de 15,000 habitations ont été détruites. Les Serbes ont cependant payé chère leur victoire: 1,103 tués et 2,500 blessés, 110 véhicules blindés détruits. Vukovar est la première ville européenne entièrement détruite depuis la Seconde Guerre mondiale.
Mais le pire reste encore à venir. Commence alors ce que l'on nomme le massacre de Vukovar: les paramilitaires serbes, en particulier ceux de Vojislav Seselj et Mile Mrksic, réunissent 264 personnes, toutes non-serbes, dans un entrepôts à Ovcara, et les exécutent. Parmi elles, 220 blessés venant de l'Hopital municipal, dont un volontaire humanitaire français, Jean-Michel Nicoliers, et un journaliste reporter croate, Siniza Glavasevic. La plus jeune des victimes avait 16 ans, et la plus vieille, 77. 23 avaient plus de 49 ans, l'âge limite pour le service militaire en Croatie.
Ci-desous: l'entrepot d'Ovcara où fut perpétré le Massacre de Vukovar.
3° Bosnie et Macédoine.
De 1991 à 1992, les tensions ethniques en Bosnie-Herzégovine croissent également en nombre et en intensité. Le 14 octobre 1991, le nationaliste Radovan Karadzic, chef du Parti Démocratique Serbe de Bosnie, déclare à la tribune du Parlement bosniaque, à Sarajevo: "Quoi que vous allez faire, ce n'est pas bon. C'est le chemin que vous voulez prendre pour la Bosnie-Herzégovine, la même route de l'enfer et de la mort qu'ont pris la Slovénie et la Croatie. En cas de conflit, les Musulmans seront exterminés, car ils sont incapables de se défendre par eux-mêmes".
Le 27 août 1991, sous l'égide de la Communauté Européenne, s'ouvre la "Commission d'arbitrage pour la Paix en ex-Yougoslavie", présidée par le français Robert Badinter. Plus communément appelée "Commission Badinter", elle rend ses conclusions en janvier 1992, en quinze avis, sur les problèmes juridiquement qu'entrainent la sécession des Républiques de la Yougoslavie. Ces conclusion permettent de préciser certains points comme la reconnaissance internationale des nouveaux Etats, la définition des frontières, le respect des traités internationaux, etc.
En septembre 1991, la Macédoine déclare également son indépendance, après un référandum où 95.26% des votants ont donné un avis favorable. 500 soldats américains sont déployés, sous l'autorité des Nations Unies, à la frontière avec la Serbie. Mais dans ce cas, contrairement aux autres républiques séparatistes, l'"Etat de Macédoine" sera bientôt (avril 1992) reconnu par la Yougoslavie, qui se limite désormais à la Serbie et au Monténégro.
Se basant sur les travaux de la Commission Badinter, le 27 novembre 1991, le Conseil de Sécurité des Nations Unies adoptent à l'unanimité des quinze membres participants (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, Chine, Russie, Autriche, Belgique, Cote d'Ivoire, Cuba, Equateur, Inde, Roumanie, Yemen, République Démocratique du Congo, Zimbabwe) la Résolution 721, qui autorise le déploiement dans les Balkans d'une force de maintien de la Paix (Peacekeeping Force) pour faire cesser les hostilités et faire respecter les cessez-le-feu. Celle-ci est bientôt baptisée FORPRONU.
Carte ci-dessous: tracé des frontières des six nouveaux Etats de l'ex-Yougoslavie: Slovénie, Croatie, Bosnie-Herzégovine, Monténégro, Serbie et Macédoine.
En janvier 1992, la Croatie et la Yougoslavie (Serbie-Monténégro) signe un accord de cessez-le-feu sous la supervision des Nations Unies, et des négociations s'ouvrent entre les dirigents croates et serbes. La situation militaire n'évoluera plus de manière significative dans ce pays jusqu'en juin/juillet 1995.
Le 9 janvier 1992, l'Assemblée des Serbes de Bosnie proclame une République du Peuple Serbe de Bosnie et Herzégovine (SRBiH), un Etat séparé du reste de la Bosnie, qui sera d'ailleurs rebaptisé le 12 août Republika Srpska, et procède à la création des Régions Autonomes serbes (SAOs). La SRBiH fonde aussitôt la Vojska Republike Srpske (VRS), l'Armée des Serbes de Bosnie.
En février et mars 1992, l'Assemblée parlementaire bosniaque organise un référandum pour son indépendance. Ce référandum est boycotté par les Serbes de Bosnie. 67% de la population totale votent, et 98% d'entre-eux donnent un vote favorable.
En mars 1994, la signature des Accords de Washington entre les Bosniaques musulmans et les Croates catholiques de l'Herzégovine permet la création de la "Fédération de Bosnie et Herzégovine" et celle-ci se dote sans tarder d'une nouvelle armée, la Armija Republika Bosne i Hercegovine (ARBiH). L'ARBiH récupère quelques chars T-55 et T-72 (redésignés M-84), avions MiG-21 et hélicoptère Mi-8, pris aux Serbes, mais l'essentiel de son armement proviendra de l'extérieur: France (AMX-30B2), Allemagne (HK 33), et surtout des surplus militaires aux Etats-Unis (M60A3 Patton, Humvee, M16/AR-15, UH-1H).
Photo ci-dessous: un T-72/M-84 de la JNA capturé et remis en service par l'armée croato-bosniaque.
Yougoslavie, suicide d'une nation européenne.
Vidéos documentaire de la BBC en six parties datant de 1995 et en version française, très instructives. Elles retracent l'enchainement des évenements et l'histoire entre 1989 et 1995 sur les causes et les responsabilités des guerres en ex-Yougoslavie, des crimes de guerre et génocides planifiés par les Serbes en Bosnie et en Croatie. Les évenements de 1998-1999 au Kosovo n'y figurent cependant pas.
Article modifié le 25 octobre 2019.
Vous pouvez aussi visionner:
• Blogosphère Mara, Guerres en ex-Yougoslavie - Se souvenir de Vukovar, Srebrenica et Sarajevo
• Blogosphère Mara, Guerres en ex-Yougoslavie - Conflit en Croatie (1991-1995)
• Blogosphère Mara, Guerres en ex-Yougoslavie - Conflit en Bosnie-Herzégovine (1992-1995)
• Blogosphère Mara, Guerres en ex-Yougoslavie - Conflit au Kosovo (1998-1999)
Sources disponibles:
• Socialist Federal Republic of Yugoslavia (Wikipedia.org)
• Breakup of Yugoslavia (Wikipedia.org)
• Yugoslav Wars 1991-1995 (Wikipedia.org)
Les guerres de l'ex-Yougoslavie sont, en Europe, les affrontements les plus longs et sanglants depuis la Seconde Guerre mondiale. De nombreux crimes et massacres ont été commis des deux côtés, mais l'immense majorité des responsables sont Serbes, et la plupart des victimes des Bosniaques ou des Croates. Tout au long de ces conflits, les Serbes ont pratiqué le nettoyage et l'épuration ethnique, c'est-à-dire l'expulsion (et parfois le meurtre ou le massacre) des populations non-serbes, dans les territoires conquis.
Pour la première fois depuis le procès des dirigents nazis à Nuremberg, un Tribunal Pénal international s'est réunit à La Haye, aux Pays-Bas, pour poursuivre en justice les responsables de ces atrocités, quelle que soit leur origine ethnique ou religieuse. Les trois principaux responsables sont Serbes: Slobodan Milosevic, président yougoslave (fédération yougoslave qui réunit alors la Serbie et le Monténégro), Radovan Karadzic, président de la Republica Serpska, c'est à dire la République des Serbes de Bosnie, et enfin Radko Mladic, son chef militaire.
L'élément déclencheur de la désintégration yougoslave se déroule le 25 janvier 1990 à Belgrade, lors du 14ème Congrès extraordinaire de la Ligue Communiste de Yougoslavie. L'assemblée s'est réunie pour discuter de proposition visant à abolir le système du parti unique et pour entreprendre des réformes. Cependant, Milosevic, qui représente le Parti communiste serbe, use de son influence pour bloquer ou discréditer les propositions des délégués slovènes et croates. Ceux-ci, furieux, décident de quitter l'Assemblée et de faire sécession du Comité yougoslave. Dès lors, le processus de dissolution de la Fédération yougoslave est entamé, et plus rien ne pourra l'arrêter.
Selon le Centre International pour la Justice Transitionnelle, une ONG fondé en 2001, les conflits yougoslaves ont provoqué la mort d'au moins 140,000 prersonnes. D'après le Centre de Droit Humanitaire (ou Humanitarian Law Center, HLC), une autre ONG internationale ayant des antennes locales à Belgrade et Pristina, le nombre des victimes s'élève à 130,000 morts: plus de 20,000 Croates, 64,000 Bosniaques et 32,000 Serbes. Les guerres de Yougoslavie se distinguent en trois conflits majeurs: la guerre de Croatie (1991-1995), la guerre de Bosnie-Herzégovine (1992-1995), et la guerre du Kosovo (1998-1999).
Photo ci-dessous: un char T-72 de l'Armée Fédérale Yougoslave (JNA) détruit lors de la Bataille de Vukovar, le 29 novembre 1991.
Processus de désintégration de la Yougoslavie.
Avant même la Seconde Guerre mondiale, les tensions communautaires qui secouent la Yougoslavie ont pour origine les différences ethnico-religieuses des peuples qui la composent. Les Croates (1) militent pour un modèle fédéral où ils disposeraient d'une plus grande autonomie, et les Serbes veulent l'inverse: un pouvoir hypercentralisé (dirigé par eux, bien entendu).
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, ces tensions et ces divergences sont exploitées par les Nazis. Ils établissent un gouvernement fantoche, lequel proclame l'"Etat Indépendant de Croatie" (Nezavisna Drzava Hrvatska, NDH) dirigé par Ante Pavelic, dans ce qui représente aujourd'hui la Croatie et la Bosnie-Herzégovine. Les Oustachis pratiquent une politique de persécutions envers les Juifs et la minorité serbo-croate. Un tier de ces derniers sont tués, un tier expulsés vers la Serbie, et les autres forcés de se convertir au catholicisme. Simultanément à cela, les Chetniks serbes, dirigés par Draza Mihailovic, pratiquent leur propre campagne de nettoyage ethnique, contre les Croates catholiques et les Bosniaques musulmans.
Pour lutter contre les Chetniks et les partisans de Tito, les Allemands recrutent au sein de la Waffen-SS des Croates, des Musulmans et des Serbes. En Serbie même, les pro-nazis se ralient au Corps de volontaires Serbes (SDK) de Dimitri Lyotic. Les Allemands y installent un gouvernement collaborationniste, désigné "Gouvernement de Salut National" (Vlada Nacionalnog Spasa, VNS) et dirigé par Milan Nedic. La principale préoccupation de Nedic est de faire la chasse aux Juifs et aux Chetniks de Mihailovic.
Le gouvernement yougoslave de l'après-guerre estime que durant cette occupation nazie, plus de 1.7 million de personnes ont péri, dont 330,000 à 390,000 Serbes.
En dépit de la structure fédérale de l'Etat yougoslave instituée par Josip "Tito" Broz après les hostilités, les tensions persistent entre Croates-Slovènes, qui désirent plus d'autonomie et un pouvoir fédéral diminué, et les Serbes qui veulent une Yougoslavie serbe. La constitution yougoslave de 1974 tente de résoudre toutes ces divergences d'opinions.
Après la disparition de Tito, en 1980, les tensions qu'il était parvenu à canaliser ressurgissent de plus belles. Dans les années qui précèdent l'éclatement final yougoslave, la Fédération se compose de six Républiques et de deux provinces autonomes. Et quand il devient clair qu'aucune solution n'est envisageable pour résoudre ce véritable "casse-tête", la Slovénie et la Croatie décident de prendre leur destin en mains à la première occasion qui se présentera. Celle-ci survient lors du 14ème Congrès Communiste yougoslave, à Belgrade, le 25 janvier 1990. Les Croates et les Slovènes, furieux de voir leurs amendements rejettés en bloc par la délégation serbe, quittent l'Assemblée et veulent faire sécession.
Carte ci-dessous: les Six Républiques fédérales yougoslaves (Croatie, Bosnie-Herzégovine, Slovénie, Monténégro, Serbie et Macédoine), plus les deux provinces autonomes (Kosovo et Voivodine).
(1) La Croatie de cette époque, appelée "Etat des Slovènes, Croates et Serbes" et fondée en 1918 par la dissolution de l'Empire Austro-Hongrois, regroupait la Croatie, la Bosnie-Herzégovine et la Slovénie actuelles.
1° Constitution yougoslave de 1974.
Le 21 février 1974, la nouvelle constitution yougoslave entre en application. Le Bureau du Président de la Yougoslavie est remplacé par une "Présidence Collégiale Yougoslave", avec huit membres représentant les six Républiques fédérales et les deux provinces serbes "autonomes" depuis 1945, le Kosovo et la Voivodine. Avec cette réforme, l'influence du gouvernement central serbe sur ces deux provinces est grandement diminué. En Serbie, cela provoque un certain mécontentement populaire, les nationalistes y voyant la volonté de la présidence fédérale de "diviser la Serbie".
2° Mort de Tito.
Le Croate Jozip "Tito" Broz tombe malade en 1979. Les 7 et 11 janvier 1980, il est hospitalisé d'urgence à deux reprises, à l'Hopital de Ljubjana, avec de graves complications circulatoires et artériels, et droit être amputé de la jambe gauche. Il meurt de la gangrène le 4 mai 1980, trois jours avant son 88ème anniversaire.
Photo ci-dessous: le maréchal Tito, en compagnie de Richard Nixon, photographié en 1972.
Sa disparition provoque un regain des divisions ethniques et nationalistes dans les six Républiques fédérales, mais surtout en Serbie, et particulièrement dans sa province du Kosovo. En septembre 1986, l'Académie Serbe des Sciences et Arts (SANU), dirigé par Kosta Mihailovic, contribue grandement à la montée des sentiments nationalistes dans le pays, avec la publication d'un Mémorandum controversé et rédigé par quatorze des seize membres. Ce mémorandum est un véritable appel à la rebellion contre le gouvernement fédéral yougoslave. Ses thèmes principaux sont la décentralisation du pouvoir (qui va mener à la désintégration yougoslave) et les "discriminations" dont sont victimes les Serbes, par la Constitution de 1974.
3° Slobodan Milosevic.
Slobodan Milosevic commence à s'intéresser à la politique en 1959, pendant ses études à la Faculté de droit de l'Université de Belgrade, et rejoint la branche estudiantine de la Ligue des Communistes de Yougoslavie. Durant cette période universitaire, il fait la connaissance et devient un des plus proches amis d'Ivan Stambolic, dont son oncle Petar occupe le poste de Premier ministre communiste de Serbie.
En 1964, il termine ses études de droit. Il travaille d'abord dans l'industrie Technogaz, où Stambolic est également employé, et devient le président de cette société en 1973. Avant de se spécialiser dans la finance, où il exerce de 1978 jusqu'en 1983 la fonction de directeur de la Beogradska Banka (ou Beobanka), la "Banque de Belgrade".
Milosevic entame sa carrière politique le 16 avril 1984 lorsqu'il est élu pour un mandant de deux ans président du Commité du Parti Communiste de Belgrade. Il fomente un coup d'Etat, évince et remplace deux ans plus tard, le 28 mai 1986, son ami de longue date Stambolic, à la tête du Comité Central du Parti Communiste de Serbie. Il sera réelu à ce même poste en 1988.
En 1987, Milosevic est envoyé au Kosovo pour calmer les troubles nationalistes de la minorité serbe qui secouent la province. En tant que communiste, il rejette toute forme de séparatisme et de nationalisme, et condamne publiquement le Mémorandum SANU. Cependant, l'"autonomie" kosovare étant très impopulaire dans la société serbe, il assure, lors d'un meeting public face à des mineurs serbes, qu'il va se battre pour faire cesser les violences ethniques dont ils sont "victimes", commises par la population albanophone. Milosevic entreprend alors un virage radical à 180° et entame une campagne *contre* le le président du parti communiste serbe, son ami de longue date Ivan Stambolic. Il demande une réduction de l'autonomie du Kosovo et de la Voivodine. Ces actions le rendent extrêmement populaire en Serbie mais surtout des Serbes du Kosovo, ce qui va grandement contribuer à sa montée en puissance et à sa célébrité par la suite.
Le 8 mai 1989, Milosevic est élu Président de Serbie et avance ses idées prônant un nationalisme ethnique. Il décide de "mettre au pas" le Kosovo en annulant toute les mesures autonomistes prises par Tito depuis 1945. Le Communisme étant en déliquescence dans tous les pays de l'Europe de l'Est, il transforme en 1989 le Parti communiste de Serbie en Parti socialiste. Il préside également au changement de la Constitution qui lui permet de se donner des pouvoirs accrus.
Dans l'opposition serbe et y compris dans son propre parti, certaines voix commencent à s'élever contre la menace nationaliste (2), mais le 20 décembre 1992, il est réélu à la présidence serbe, cette fois au suffrage universel direct.
Ci-dessous: de gauche à droite, Slobodan Milosevic, président de Serbie, Franjo Tudjman, président de Croatie, Alija Izetbegovic, président de Bosnie-Herzégovine, et Radovan Karadzic, leader des Serbes de Bosnie.
(2) Cercle de Belgrade, ou Beogradski Krug. ONG indépendante composée d'intellectuels serbes (philosophes, sociologues, historiens, etc.) défenseurs des Droits de l'homme, opposés au nationalisme et à la politique de Slobodan Milosevic, et fondée en 1991. Le Cercle de Belgrade a publié la revue Republika, organisé des colloques, réunions et prises de positions publiques, édité des ouvrages collectifs dont L'autre Serbie. Certains de ses membres, menacés par la police de Milosevic, ont du s'exiler et ont obtenu l'asile politique à l'étranger, notament en France, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.
Vers la sécession.
1° Dissolution de la Ligue Communiste de Yougoslavie.
Le 25 janvier 1990, s'ouvre à Belgrade le 14ème Congrès extraordinaire de la Ligue Communiste de Yougoslavie, ou Savez Komunista Jugoslavije (SKJ). Des délégations venant des six Républiques se réunissent pour discuter du futur du Parti Communiste yougoslave. La délégation serbe est menée par Slobodan Milosevic. Celui-ci insiste sur la politique du "une personne, un vote". Sa représentation étant la plus nombreuse, le vote proportionnel lui assure à tous les coups de s'imposer aux autres.
Les délégués croates et slovènes, de leur côté, veulent des réformes pour donner plus de pouvoir aux Républiques, mais leurs amendements sont sans cesse rejettés en bloc par les motions serbes. Furieux, ceux-ci finissent par quitter le Congrès. Ce qui entraine par la suite la dissolution du PCY moribond, et l'adoption d'un nouveau système multipartisme.
Les six Républiques fédérales yougoslaves (Slovénie, Croatie, Serbie, Monténégro, Macédoine et Bosnie-Herégovine) organisent donc de nouvelles élections, multipartistes, en 1990, et les communistes sont battus partout. Les grands vainqueurs sont les partis nationalistes, qui prônent la sécession et la fin de la Fédération des Républiques Socialistes Yougoslaves. Dès lors, la Slovénie, suivie par la Croatie et la Macédoine, entament leur marche irréversible vers l'indépendance. Le Monténégro élit un pro-Milosevic, et Milosevic est président de Serbie depuis le 8 mai 1989.
Milosevic, désormais libre d'agir comme il l'entend, annule toutes les mesures autonomistes du Kosovo que Tito avait prise depuis 1945.
2° Tensions ethniques en Croatie.
En Croatie, c'est le nationaliste Franjo Tudjman, leader de l'Union Démocratique Croate, ou Hrvatska Demokratska Zajednica (HDZ), qui remporte les élections. Il promet de "protéger la Croatie de Milosevic", et se fait le champion des "droits historiques de l'Etat croate". Il fait modifier la constitution pour faire passer le status des Serbes de Croatie de "Nation constitutionnelle" à "Minorité nationale".
Les Serbes de Croatie, de leur côté, prennent leurs distances avec le gouvernement nationaliste de Tudjman. En 1990, les nationalistes serbes décident de former à Knin, dans le sud de la Croatie, une entité séparatiste baptisée Krajina, et demandent de rester attachés à la Fédération yougoslave si la Croatie fait sécession.
Le président de Serbie, Milosevic, qui compare la Croatie à l'état fantoche pro-nazi et aux Oustachis de la Seconde Guerre mondiale, soutient activement cette rebellion serbo-croate.
A Knin, les Serbes de Croatie, dirigés par Milan Martic, commencent à s'armer et à mener des actions de protestation contre le gouvernement croate. Parmis les politiciens serbo-croate locaux, il y a Borislav Jovic, le maire de Knin. Celui-ci prend la tête, pour une durée d'un an, de la présidence tournante yougoslave, le 15 mai, et pousse le Conseil yougoslave à prendre des "mesures sévères" pour empêcher la Croatie de se séparer de la Fédération.
Le 17 août 1990, les Serbo-Croates entament leur Révolution des Rondins (Balvan Revolucija) en dressant, à l'aide de troncs d'arbres, des barrages de contrôle sur les routes de Knin. Dans le documentaire de la BBC Suicide of Yugoslavia diffusé à cette époque, les médias croates assimilent les séparatistes serbes à des alcooliques tirant sur tout ce qui bouge, pour tenter de discréditer leur rebellion.
Le gouvernement croate refuse de négocier avec eux, et décide de faire cesser cette rebellion par la force. Il envoit des hélicoptères de transport et des forces spéciales pour lever les barrages routiers. La Force aérienne yougoslave intervient alors, et les pilotes croates, menacés d'être interceptés, doivent retourner à leur base à Zagreb. Pour le gouvernement de Tudjman, il ne fait plus aucun doute que l'Armée Populaire Yougoslave (JNA) est entièrement sous le contrôle des Serbes.
La Krajina se déclare officiellement "entitée séparatiste" le 21 décembre 1990, au cours du meeting du Conseil National Serbe de Croatie, présidé par Milan Babic. Au même moment, en Slovénie, lors du référandum sur l'indépendance, 93.2% des Slovènes prennent part au vote, et 88.5% y sont favorables.
Carte ci-dessous: diverses entitées de l'ex-Yougoslavie en 1993.
Début des conflits.
1° Sécessions et riposte.
En janvier 1991, le service de contre-espionnage yougoslave (KOS) remet au gouvernement fédéral une cassette vidéo montrant une réunion secrète entre le ministre de la Défense croate, Martin Spegelj, avec deux autres personnes. L'une d'entre-elles est en fait un agent du KOS travaillant sous couverture et se faisant passer pour un marchand d'armes. Au cours de cette entrevue, Spegejl annonce son intention d'armer les Croates et de les préparer à faire sécession. Ce sont ce que l'on surnommera par la suite les Bandes Spegelj.
L'Armée Fédérale Yougoslave (Jugoslovenska Narodna Armija, JNA) réagit en condamnant Spegelf, un ancien officier de la JNA, pour haute trahison et traffic illégal d'armes en provenance principalement de Hongrie. La découverte de ce traffic d'armes croate, combinée avec la crise des Serbes de Knin, les manifestations indépendantistes bosniaques, croates, slovènes et macédoniens, montrent que la Yougoslavie et maintenant en pleine désintégration.
Le 12 mars 1991, à Belgrade, des officiers haut-gradés de la JNA rencontrent les membres de la présidence yougoslave pour la convaincre qu'il est temps de déclarer l'état d'urgence, ce qui permettrait du coup à l'armée de prendre le contrôle du pays. Le commandant en chef de la JNA, le général Veeljko Kadijevic, annonce qu'il existe un complot visant à détruire la Yougoslavie: "Un plan insidieux se déroule maintenant, visant à détruire la Yougoslavie. La phase I de ce plan est la guerre civile. La Phase II est l'intervention des puissances étrangères. Des régimes fantoches sont en train de naître au sein de la Fédération."
Cette déclaration sous-entend que les nouveaux Etats indépendants bénéfécieront de l'aide militaire (et secrète) des Occidentaux. Le délégué croate s'emporte contre ses paroles, accusant Jovic et Kadijevic de chercher à utiliser l'armée fédérale pour créer une "Grande Serbie". Celui-ci déclare: "Cela signifie la guerre!".
Jovic et Kadijevic appellent ensuite les délégués de chaque République à voter ou non la loi martiale, et les mettent en garde que si elle n'est pas votée, la Yougoslavie sera bientôt démembrée en plusieurs pays. L'établissement de cette loi martiale permettrait de fait à la JNA d'intervenir dans la crise croate et d'appuyer militairement la minorité serbo-croate. Ce vote est cependant rejetté par une voix contre, celle du délégué serbe de Bosnie, Bogic Bogicevic, qui croit encore que la diplomatie peut régler cette crise. Le Conseil d'Etat abandonne donc cette solution peu-après.
Le 15 mai 1991, après que le mandat d'un an de Jovic s'achève, à la présidence tournante yougoslave. Milosevic refuse d'accepter le candidat croate, Stjepan Mesic, et bloquera sa nomination jusqu'au 30 juin. En attendant, c'est Sejdo Bajramovic, un pro-Milosevic inconditionnel, qui est choisit à sa place, comme "Coordinateur de la présidence".
Le 19 mai 1991, en Croatie, un référandum est soumis à la population, sur le droit de faire sécession ou non d'avec la Fédération yougoslave. 83.56% des Croates participent au vote, mais la minorité serbo-croate le boycotte. 94.17% des votants, soit 78.69% de la population, sont favorables à la sécession, et 1.2% se prononcent contre.
En Slovénie, un référandum sur l'indépendance du pays a eu lieu le 23 décembre précédent, 95% des votants y étant favorables. La Croatie et la Slovénie déclarent leur indépendance le même jour, le 25 juin 1991. Le Lendemain, le Conseil Exécutif fédéral ordonne à la JNA, contrôlée en grande partie par les Serbes, de "reprendre le contrôle des frontières telles qu'elles étaient reconnues internationalement avant la crise".
Les troupes yougoslaves dispersées dans les casernes en Slovénie et en Croatie essaient de se rassembler en une force homogène. Cependant, les fausses informations communiquées aux jeunes appelés et miliciens, combinées au fait que la majorité de ceux-ci ne veulent pas se battre contre leur patrie, font que les "Forces de Défense Territoriales" slovènes prennent le contrôles des casernes et des dépôts de la JNA sur leur territoire, avec un minimum de pertes des deux côtés. C'est ce qu'on appelle la "Guerre des Dix Jours" (27 juin - 6 juillet 1991).
Photo ci-dessous: une colonne de chars T-55 de la JNA pénètre en Slovénie, durant la Guerre des Dix Jours.
Un cessez-le-feu est rapidement déclaré et respecté par les deux camps. Le 7 juillet 1991 ont lieu les Accords de Brijune, sous l'égide de la Communauté internationale, qui réunissent des représentants croates, slovènes et de la Fédération yougoslave (Serbie et Monténégro). Un moratoire de trois mois sur l'indépendance de la Croatie et de la Slovénie est accepté par les parties en présence. Cela met fin au conflit en Slovénie, et durant ces trois mois, la JNA se retire complètement du pays.
Le 7 septembre 1991, s'ouvre une conférence à La Haye, aux Pays-Bas, réunissant des diplomates européens et yougoslaves. La Conférence est présidée par l'Anglais Lord Peter Carington. Ces négociations n'aboutissent cependant à rien et prennent rapidement fin. Carington, réalisant que la fin de la Yougoslavie est inéluctable, propose un plan où "chaque République accepterait les déclarations d'indépendance, inévitable, des autres, avec leur promesse que les droits des minorités serbes y vivant seraient respectés". Le président serbe, Slobodan Milosevic, rejette cette proposition, déclarant que l'Union Européenne n'a aucun droit pour démembrer la Yougoslavie, et que son plan ne sert aucunement les intérêts des Serbes présents dans les quatre Républiques (Serbie, Monténégro, Bosnie-Herzégovine et Croatie).
Carington propose alors de soumettre son plan aux votes des représentants de chaque république, y compris le monténégrin Momir Bulatovic. Celui-ci est d'abord favorable au plan de l'Anglais, mais sous la forte pression des présidents serbe et monténégrin, il change de position et s'oppose à la dissolution de la Yougoslavie.
2° Offensive serbe en Croatie (septembre 1991).
Le 31 mars 1991, des policiers croates chargés d'expulser des indépendantistes serbes de la Krajina d'un parc national situé près des lacs de Plitvice, voyageant en bus, tombent dans une embuscade tendue par des serbo-croates et des paramilitaires venant de Serbie. Au cours de l'affrontement, deux personnes sont tuées, un policier croate et un serbo-croate, et vingt autres blessées. En outre, 29 paramilitaires serbes sont capturés par les forces de l'ordre croate par la suite, et parmi eux, Goran Hadzic, le future président de la République Serbe de Krajina (Republika Srpska Krajina, RSK).
Ci-dessous: mémorial érigé en la mémoire de Josip Jovic, considéré comme le premier mort de la Guerre de Croatie.
Après cet "incident", qui est considéré comme l'acte précurseur de la rebellion serbe en Croatie, les hostilités entre les forces gouvernementales croates et les Serbo-Croates commencent véritablement. Les seconds sont massivements soutenus par les forces de la JNA présentes dans le pays.
Le 1er avril 1991, la Krajina déclare officiellement sa sécession d'avec la Croatie. Immédiatement après cette déclaration, d'autres Serbo-Croates forment la Slavonie Occidentale et la Slavonie Orientale/Baranya/Syrmia occidentale, et demandent à rejoindre la Krajina.
Le 19 décembre 1991, les trois régions serbes séparatistes s'associent pour former la nouvelle République Serbe de Krajina, ou Republika Srpska Krajina (RSK). Milan Babic devient son premier président. Les Serbes contrôlent maintenant pratiquement un tier du territoire croate.
Le 7 octobre 1991, à l'expiration du moratoire des trois mois, Slobodan Milosevic ordonne de commencer les hostilités. L'Armée yougoslave (JNA), qu'il contrôle entièrement, envahit la croatie. L'artillerie serbe s'acharne particulièrement contre les grandes villes comme Split, Dubrovnik (pourtant classé comme monument historique de l'UNESCO), Split, Ploce, Brod et Zinkovci. Milosevic fait également attaquer par l'aviation le palais présidentiel de Zagreb, où sont présents les présidents croates et yougoslaves, Franjo Tudman et Stjep Mesic. Ceux-ci en réchappent de peu.
A Vukovar, les violences ethniques entre Croates et Serbes vont atteindre leur paroxysme. La ville, défendue par 1,800 à 2,200 miliciens croates, commandés par Blago Zadro et le Serbe Mile "Zastreb" (Le Faucon) Dedakovic, est assiégée et résiste pendant 87 jours à l'offensive des forces serbes, avant de succomber.
Cette sanglante bataille coûte en outre la vie à environ 3,000 civils. Au cours du siège (25 août - 18 novembre) se sont abattus plus de 600,000 obus de tous calibre, soit une moyenne journalière d'environ 6,900 projectiles, plus de 15,000 habitations ont été détruites. Les Serbes ont cependant payé chère leur victoire: 1,103 tués et 2,500 blessés, 110 véhicules blindés détruits. Vukovar est la première ville européenne entièrement détruite depuis la Seconde Guerre mondiale.
Mais le pire reste encore à venir. Commence alors ce que l'on nomme le massacre de Vukovar: les paramilitaires serbes, en particulier ceux de Vojislav Seselj et Mile Mrksic, réunissent 264 personnes, toutes non-serbes, dans un entrepôts à Ovcara, et les exécutent. Parmi elles, 220 blessés venant de l'Hopital municipal, dont un volontaire humanitaire français, Jean-Michel Nicoliers, et un journaliste reporter croate, Siniza Glavasevic. La plus jeune des victimes avait 16 ans, et la plus vieille, 77. 23 avaient plus de 49 ans, l'âge limite pour le service militaire en Croatie.
Ci-desous: l'entrepot d'Ovcara où fut perpétré le Massacre de Vukovar.
3° Bosnie et Macédoine.
De 1991 à 1992, les tensions ethniques en Bosnie-Herzégovine croissent également en nombre et en intensité. Le 14 octobre 1991, le nationaliste Radovan Karadzic, chef du Parti Démocratique Serbe de Bosnie, déclare à la tribune du Parlement bosniaque, à Sarajevo: "Quoi que vous allez faire, ce n'est pas bon. C'est le chemin que vous voulez prendre pour la Bosnie-Herzégovine, la même route de l'enfer et de la mort qu'ont pris la Slovénie et la Croatie. En cas de conflit, les Musulmans seront exterminés, car ils sont incapables de se défendre par eux-mêmes".
Le 27 août 1991, sous l'égide de la Communauté Européenne, s'ouvre la "Commission d'arbitrage pour la Paix en ex-Yougoslavie", présidée par le français Robert Badinter. Plus communément appelée "Commission Badinter", elle rend ses conclusions en janvier 1992, en quinze avis, sur les problèmes juridiquement qu'entrainent la sécession des Républiques de la Yougoslavie. Ces conclusion permettent de préciser certains points comme la reconnaissance internationale des nouveaux Etats, la définition des frontières, le respect des traités internationaux, etc.
En septembre 1991, la Macédoine déclare également son indépendance, après un référandum où 95.26% des votants ont donné un avis favorable. 500 soldats américains sont déployés, sous l'autorité des Nations Unies, à la frontière avec la Serbie. Mais dans ce cas, contrairement aux autres républiques séparatistes, l'"Etat de Macédoine" sera bientôt (avril 1992) reconnu par la Yougoslavie, qui se limite désormais à la Serbie et au Monténégro.
Se basant sur les travaux de la Commission Badinter, le 27 novembre 1991, le Conseil de Sécurité des Nations Unies adoptent à l'unanimité des quinze membres participants (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, Chine, Russie, Autriche, Belgique, Cote d'Ivoire, Cuba, Equateur, Inde, Roumanie, Yemen, République Démocratique du Congo, Zimbabwe) la Résolution 721, qui autorise le déploiement dans les Balkans d'une force de maintien de la Paix (Peacekeeping Force) pour faire cesser les hostilités et faire respecter les cessez-le-feu. Celle-ci est bientôt baptisée FORPRONU.
Carte ci-dessous: tracé des frontières des six nouveaux Etats de l'ex-Yougoslavie: Slovénie, Croatie, Bosnie-Herzégovine, Monténégro, Serbie et Macédoine.
En janvier 1992, la Croatie et la Yougoslavie (Serbie-Monténégro) signe un accord de cessez-le-feu sous la supervision des Nations Unies, et des négociations s'ouvrent entre les dirigents croates et serbes. La situation militaire n'évoluera plus de manière significative dans ce pays jusqu'en juin/juillet 1995.
Le 9 janvier 1992, l'Assemblée des Serbes de Bosnie proclame une République du Peuple Serbe de Bosnie et Herzégovine (SRBiH), un Etat séparé du reste de la Bosnie, qui sera d'ailleurs rebaptisé le 12 août Republika Srpska, et procède à la création des Régions Autonomes serbes (SAOs). La SRBiH fonde aussitôt la Vojska Republike Srpske (VRS), l'Armée des Serbes de Bosnie.
En février et mars 1992, l'Assemblée parlementaire bosniaque organise un référandum pour son indépendance. Ce référandum est boycotté par les Serbes de Bosnie. 67% de la population totale votent, et 98% d'entre-eux donnent un vote favorable.
En mars 1994, la signature des Accords de Washington entre les Bosniaques musulmans et les Croates catholiques de l'Herzégovine permet la création de la "Fédération de Bosnie et Herzégovine" et celle-ci se dote sans tarder d'une nouvelle armée, la Armija Republika Bosne i Hercegovine (ARBiH). L'ARBiH récupère quelques chars T-55 et T-72 (redésignés M-84), avions MiG-21 et hélicoptère Mi-8, pris aux Serbes, mais l'essentiel de son armement proviendra de l'extérieur: France (AMX-30B2), Allemagne (HK 33), et surtout des surplus militaires aux Etats-Unis (M60A3 Patton, Humvee, M16/AR-15, UH-1H).
Photo ci-dessous: un T-72/M-84 de la JNA capturé et remis en service par l'armée croato-bosniaque.
Yougoslavie, suicide d'une nation européenne.
Vidéos documentaire de la BBC en six parties datant de 1995 et en version française, très instructives. Elles retracent l'enchainement des évenements et l'histoire entre 1989 et 1995 sur les causes et les responsabilités des guerres en ex-Yougoslavie, des crimes de guerre et génocides planifiés par les Serbes en Bosnie et en Croatie. Les évenements de 1998-1999 au Kosovo n'y figurent cependant pas.
Article modifié le 25 octobre 2019.
Vous pouvez aussi visionner:
• Blogosphère Mara, Guerres en ex-Yougoslavie - Se souvenir de Vukovar, Srebrenica et Sarajevo
• Blogosphère Mara, Guerres en ex-Yougoslavie - Conflit en Croatie (1991-1995)
• Blogosphère Mara, Guerres en ex-Yougoslavie - Conflit en Bosnie-Herzégovine (1992-1995)
• Blogosphère Mara, Guerres en ex-Yougoslavie - Conflit au Kosovo (1998-1999)
Sources disponibles:
• Socialist Federal Republic of Yugoslavia (Wikipedia.org)
• Breakup of Yugoslavia (Wikipedia.org)
• Yugoslav Wars 1991-1995 (Wikipedia.org)
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