La guerre de Croatie, ou guerre d'indépendance croate, se déroule entre août 1991 et novembre 1995, à l'issue de l'effondrement de la Fédération Yougoslave. Elle oppose l'Etat croate nouvellement indépendant, d'un côté, à l'Armée Fédérale Yougoslave (JNA), entièrement contrôlée par Slobodan Milosevic, et la République Serbe de Croatie (Krajina), de l'autre. Ce conflit a pour origine les tensions nationalistes et ethniques qui resurgissent après la mort de Tito.
Apparition des tensions nationalistes.
Après la mort de Jozip Broz "Tito", le 4 mai 1980, l'effondrement du communisme en Europe de l'Est en 1989, puis la dislocation de l'Union Soviétique en 1991, les tensions nationalistes et ethniques, longtemps contenues et canalisées par le pouvoir centralisé de la République Fédérale Socialiste de Yougoslavie (RFSY), s'accroissent dans les différentes républiques fédérées. Par ailleurs, la Croatie et la Slovénie ont une économie plus développée que les autres républiques, et répugnent à partager leurs richesses dans un cadre fédéral. En Serbie, Slobodan Milosevic accède au pouvoir en septembre 1987 en jouant sur les sentiments nationalistes tout en restant communiste. En Slovénie, l'indépendantiste Milan Kucan remporte des élections libres l'année suivante.
Ci-dessous: les drapeaux des bélligérants: 1° Croatie. 2° Serbes de la Krajina. 3° Armée yougoslave JNA.
En Croatie, c'est le leader du parti nationaliste HDZ, Franjo Tudjman, qui est élu en avril 1990. Les idées du nouveau pouvoir croate inquiètent une partie de la minorité serbe manipulée par Belgrade. Tudjman supprime l'étoile rouge du drapeau croate et adopte le traditionnel drapeau à damier, qui, selon les Serbes, renvoit aux Oustachis pro-nazis de la Seconde Guerre mondiale (1).
Certains éléments du pouvoir croate envisagent une extension de la Croatie vers l'Herzégovine (2) alors que le gouvernement de Tudjman sera un des premiers à reconnaitre l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine en avril 1992. Les éléments pro-communistes, dont une forte proportion de Serbo-Croates, sont purgés de l'administration de la république par le nouveau gouvernement.
L'Armée Fédérale Yougoslave (JNA) ayant, en mai 1990, volé les armes de sa Défense Territoriale, le gouvernement croate arme clandestinement un embryon d'armée, à partir des pays ayant accepté de lui vendre des armes, dont la Hongrie, désormais une alliée.
Les Serbes séparatistes de la Krajina (3), manipulés par le régime de Belgrade, se sentent lésés et persécutés. Contrairement aux Serbes de la capitale Zagreb, qui demandent des négociations et un compromis, les Serbes de la Krajina prennent la voie des armes. La République serbe de Krajina, dont la capitale est Knin, est unilatéralement proclamée le 28 février 1991 par le nationaliste serbe Milan Babic, et finit par s'étendre sur près d'un tier du territoire croate.
Le 31 mars 1991, des policiers croates chargés d'expulser des indépendantistes serbes de la Krajina d'un parc national situé près des lacs de Plitvice, voyageant en bus, tombent dans une embuscade tendue par des serbo-croates et des paramilitaires venant de Serbie. Au cours de l'affrontement, deux personnes sont tuées, un policier croate et un serbo-croate, et vingt autres blessées. En outre, 29 paramilitaires serbes sont capturés par les forces de l'ordre croate par la suite, et parmi eux, Goran Hadzic, le future président de la "République Serbe de Krajina".
Ci-dessous: mémorial érigé en la mémoire de Josip Jovic, considéré comme le premier mort de la Guerre de Croatie.
Le 2 mai 1991, une douzaine d'autres policiers connaissent un sort similaire à Borovo Selo, 2km au nord de Vukovar. Leurs cadavres seront retrouvés atrocement mutilés. La présence de l'armée yougoslave dans cette région s'accroit dans de notables proportions. Ces deux "incidents" contribuent fortement au déclenchement des hostilités.
Onze jours auparavant, le leader tchetnik, Vojislav Seselj, un parlementaire serbe, Milan Paroski, ainsi que le ministre des Serbes de l'étranger, Stanko Cvitan, se sont rendus à Jagodnjak, une localité croate voisine, peuplée à majorité de Serbes, pour assister à un meeting ultranationaliste. Vojislav Seselj y a appelé à la création d'une "Grande Serbie", dont les frontières occidentales seraient constituées par la ligne Karlobag-Ogulin-Karlovac-Virovitica, ce qui amputerait la Croatie des deux tiers. Milan Paroski, quant à lui, appela son auditoire "à tuer comme un chien quiconque déclare que cette terre n'est pas serbe".
Photos ci-dessous: 1° Char T-55 serbe de la JNA dans la région de Vukovar, 1991. 2° T-72 de la JNA détruit lors de la Bataille de Vukovar, le 29 novembre 1991.
Les autorités serbes de Belgrade ont armé et organisé les séparatistes avec la complicité de l'Etat-Major de la JNA, qui prend de plus en plus ouvertement le parti des rebelles serbes, ayant empêché une intervention de la police croate dès août 1990, notamment par l'emploi des forces aériennes yougoslaves.
(1) En réalité, le damier croate existe depuis le Moyen-Âge et est le symbole de la République Socialiste de Croatie.
(2) Région de la Bosnie-Herzégovine peuplée par la majorité croato-bosniaque.
(3) En 1991, les Serbes de Croatie représentent 12.2% de sa population totale.
Déclenchement de la guerre (août 1991).
Le 19 mai 1991, le référendum sur l'indépendance qui suit les élections est remporté à plus de 90%, mais a été boycotté par la communauté serbe de Croatie.
Le 25 juin 1991, la Slovénie et la Croatie déclarent leur indépendance. Celles-ci se réalisent sans conditions préalables, et Belgrade perd du même coup une grande partie des droits de douanes, qui représentent une part majoritaire du budget fédéral. Parallèlement, l'Allemagne et l'Autriche apportent leur soutien diplomatique et financier à la Slovénie et à la Croatie. Du 26 juin au 7 juillet 1991, l'Armée Fédérale Yougoslave (JNA), majoritairement composée de Serbes et Monténégrins, intervient en Slovénie, puis se retire rapidement après l'encerclement de ses unités dispersées.
Le 3 juillet 1991, les Etats-Unis et la Communauté Européenne proposent un embargo sur les livraisons d'armes à la Yougoslavie. Le 7 juillet 1991, un moratoire de trois mois sur les mesures de "dissociation" slovènes et croates est imposé par la Communauté Européenne. Les Serbes sont contraints d'accepter Stjepan Mesic à la tête de la Présidence tournante yougoslave. La JNA restera cependant fidèle à Milosevic et Mesic ne disposera d'aucun pouvoir réel. Malgré les craintes justifiées de Zagreb, la JNA obtient de la communauté internationale, le 18 juillet 1991, la possibilité d'évacuer tout son arsenal de Slovénie, à travers la Croatie, vers la Serbie, le Monténégro et la Bosnie-Herzégovine.
Le 7 juillet 1991, Un moratoire de trois mois sur l'indépendance de la Croatie et de la Slovénie est accepté par les parties en présence. Cela met fin au conflit en Slovénie, et durant ces trois mois, la JNA se retire complètement du pays.
Le 7 octobre 1991, à l'expiration du moratoire, Slobodan Milosevic envoie l'aviation yougoslave bombarder le palais présidentiel croate à Zagreb. Les présidents croate et yougoslave, Franjo Tudjman et Stjepan Mesic, ainsi que le Premier ministre fédéral, Ante Markovic, qui s'y trouvent alors, en réchappent de peu. Les hostilités commencent véritablement à partir de cette date. Un tier du territoire croate est déjà occupé par la JNA et les séparatistes serbes de la Krajina, dont la capitale est Knin.
Une véritable guerre s'étend désormais sur mille kilomètres de front où les forces serbes mènent, à l'aide de l'artillerie, des chars et de l'aviation, des attaques de grande envergure et d'une extrême violence contre les villes croates, notamment Osijek, Vinkovci, Zupanja, Brod, Pakrac, Sisak, Karlovac, Rijeka, Otocac, Gospic, Zadar, Sibenik, Sinj, Split, Ploce et Dubrovnik. La supériorité de la JNA face à une armée croate encore embryonnaire et mal équipée, est écrasante.
Photo ci-dessous: un milicien Croate et un volontaire Français visent des blindés serbes avec une arme antichar RPG, lors de la bataille du Plateau de Miljevci, au sud-ouest de Knin (21-23 juin 1992).
Carte ci-dessous: plans de conquête de la JNA en Croatie.
Le président Franjo Tudjman appelle à la mobilisation générale pour "lutter contre le projet de Grande Serbie" de Milosevic.
Siège et bataille de Vukovar (25 août - 18 novembre 1991).
Le 25 août 1991, la JNA et les forces paramilitaires de Vojislav Seselj, un membre du Parti Radical Serbe, entament le siège de Vukovar (4), défendue par 2,200 miliciens commandés par Blago Zadro et Mile Dedakovic (5). Pendant 87 jours, l'artillerie serbe tirera au total contre la ville 600,000 obus de tout calibre, soit une moyenne journalière d'environ 6,900 projectiles. Ce sera le "Stalingrad croate".
Carte ci-dessous: opérations militaires serbes en Slavonie Orientale et siège de Vukovar. Août-Novembre 1991.
Le 18 novembre 1991, les 1,500 combattants croates qui défendent encore la ville se rendent, laissant la population en proie aux exactions des Serbes de Seselj qui pénètrent dans une cité réduite à un champ de ruines et de cendres. Vukovar est la première ville européenne, à moins de deux heures de vol de Paris, entièrement détruite depuis la Seconde Guerre mondiale.
La population non-serbe est alors réunie dans le stade, les hommes en âge de se battre sont séparés des femmes, des enfants et des vieillards. On ne reverra jamais les premiers.
Un sort similaire attend les 420 blessés de l'hôpital où se trouvait un volontaire humanitaire français, Jean-Michel Nicoliers. Leurs dépouilles seront découverts dans le charnier d'Ovcara (6), un complexe agricole à 4km au sud-est de Vukovar. Quelques jours plus tard, lorsque la Croix-Rouge internationale arrive enfin sur les lieux, elle ne peut que constater les dégâts générés par une bataille qui se sera distinguée par sa violence inouïe.
Aujourd'hui encore les effets et les traces d'un des épisodes les plus sanglants du conflit yougoslave sont loin d'être effacés. Croates et Serbes cohabitent difficilement dans la ville de Vukovar reconstruite. Ils évitent de se fréquenter. Les écoliers des deux communautés continuent à suivre leurs enseignements dans des établissements séparés.
Ci-desous: 1° L'entrepot d'Ovcara où fut perpétré le Massacre de Vukovar, 4km au sud-est de la ville. 2° La rue principale de Vukovar, en 2008, porte encore les traces des combats de 1991.
(4) Recensement de population 1991: 84189 habitants.
Croates 43.8%, Serbes: 37.4%, Hongrois 1.6%, Yougoslaves 7.3%, autres nationalités/ethnies 9.9%.
[The International Criminal Tribunal for the Former Yougoslavia, Case No. IT-95-13/1-PT]
(5) Mile Dedakovic, surnommé Jastreb ("Faucon") ancien officier de l'aviation de la JNA, d'origine serbe, il commandait les forces croates défendant la ville de Vukovar assiégée par l'armée yougoslave et les paramilitaires serbes de Seselj.
(6) Massacre d'Ovcara. Selon l'acte d'accusation du TPI, le 20 novembre 1991, soit deux jours après la prise de Vukovar par la JNA, des soldats de la Brigade de la Garde, une unité de la JNA basée à Belgrade, et des paramilitaires serbes sous le commandement ou le contrôle du colonel Mile Mrksic, du capitaine Miroslav Radic et du major Veselin Sljivancanin, de la JNA, ont emmené 261 hommes non-serbes de l'hôpital de Vukovar et les ont conduits à la ferme d'Ovcara, où ils auraient subi des sévices durant plusieurs heures. Ensuite, ils ont été emmenés par groupes de dix à douze personnes à un endroit situé entre la ferme d'Ovcara et Grabovo, où des soldats de la JNA et des paramilitaires les auraient abattus.
Le procès des trois accusés a débuté à La Haye, aux Pays-Bas, le 11 octobre 2005.
Reconnaissance internationale de la Croatie (29 novembre 1991 - 7 avril 1992).
Le 29 novembre 1991, la Commission d'arbitrage présidée par Robert Badinter entérine la disparition de la RFY en confirmant que la Yougoslavie est "engagée dans un processus de dissolution". Le 8 décembre 1991, les présidents de Russie, d'Ukraine et de Biélorussie annoncent la mort de l'URSS. Alors que, Slovénie mise à part, la Lituanie, la Lettonie et l'Ukraine ont d'ores et déjà reconnu la Croatie, la Communauté Européenne invite, le 16 décembre 1991, toutes les Républiques yougoslaves à déclarer avant le 23 décembre si "elles souhaitent être reconnues en tant qu'Etats indépendants" et s’engage à ne pas reconnaître "des entités qui seraient le résultat d'une agression", allusion explicite à la "Krajina" des séparatistes serbes.
Le 3 janvier 1992, un seizième cessez-le-feu prend effet: l'armée yougoslave (JNA) ayant atteint ses objectifs, celui-ci sera enfin respecté. Le 7 janvier, des chasseurs serbes abattent en Croatie un hélicoptère de la CEE ayant à son bord cinq observateurs européens, dont un Français. Le 13 janvier, le Saint-Siège reconnaît l'indépendance de la Croatie. Le 14 janvier, 112 lauréats du Prix Nobel lancent un appel pour la paix en Croatie.
Le bilan humain de six mois d'agression serbe en Croatie s'élève à près de 13,000 morts, 30,000 blessés et un demi-million de personnes chassées de chez elles, à quoi il faut ajouter les considérables dommages matériels.
Le 15 janvier 1992, suivis d'une trentaine d'autre pays, les Douze Etats membres de la Communauté Européenne reconnaissent l'indépendance de la Croatie. Le 7 février, le parti nationaliste HDZ de Tudjman sort grand vainqueur des élections législatives croates. Le 21 février 1992, la résolution 743 du Conseil de Sécurité de l'ONU instaure la Force de Protection des Nations Unies (FORPRONU), forte de 14,000 Casques Bleus qui doivent être déployés dans les zones occupées par les Serbes en Croatie, jusqu'à l'aboutissement d'un règlement négocié. Le 7 avril, les Etats-Unis reconnaissent la Croatie et la Bosnie-Herzégovine. Le même jour le gouvernement croate reconnaît la Bosnie-Herzégovine comme Etat indépendant. Le 22 mai, la Croatie est admise aux Nations-Unies.
Alliance Croato-Musulmane (21 juillet et 23 septembre 1992).
Le 21 juillet et le 23 septembre 1992, Zagreb et Sarajevo signent deux accords prévoyant leur coopération militaire face à l'agression serbe. De fait, la Croatie constituera durant toute la guerre l'unique voie de ravitaillement en armes de la Bosnie-Herzégovine.
Les Croates de l'Herzégovine voisine instaurent un Conseil croate de défense (HVO), reconnu le 15 juin 1992 comme faisant partie intégrante des forces armées bosniaques (ARBiH). Ainsi les Croates parviennent-ils à préserver une grande partie des territoires où ils constituent la majorité de la population, notamment dans le Sud (Herzégovine), évitant que toute la Bosnie ne soit conquise, ce qui rendra possible la reconquête de 1995. Après trois mois de combats acharnés sur la Neretva, le HVO, composé d'autant de Bosniaques que de Croates, libère fin juin 1992 la rive est de Mostar et repousse les Serbes hors de la ville.
Photo ci-dessous: T-55 serbe détruit sur la route de Drnis. 21 juin 1992.
Au même moment, dans le sud de la Dalmatie, l'armée croate lance une offensive et parvient à désenclaver la ville de Dubrovnik, assiégée et pilonnée par l'artillerie serbe depuis août 1991.
Cessez-le-feu et période d'accalmie (1992-1995).
Les principaux combats cessent après la signature du cessez-le-feu le 3 janvier 1992. Des Casques Bleus belges s'interposent entre les deux forces belligérantes. La Krajina et la Slavonie orientale frontalière de la Serbie, restent aux mains des forces serbes.
Jusqu'en 1995, le conflit se résumera à quelques affrontements localisés, principalement destinés à dégager la menace de l'artillerie serbe autour de certaines villes croates (Dubrovnik, Sibenik, Zadar et Gospic). Ainsi, pendant le siège de Dubrovnik, entre octobre 1991 et mai 1992, plus de deux maisons sur trois ont été touchées par des explosions dans la vieille ville, ce qui fera l'objet d'un programme de restauration de l'UNESCO.
Listes d'engagements mineurs en 1992:
Ce répit permet à la Croatie de porter ses efforts sur la formation d'une armée plus puissante. La République de Croatie est officiellement reconnue comme un membre de l'ONU en mai 1992. L'attention de la communauté internationale se porte dès lors sur le conflit en Bosnie-Herzégovine. Cette accalmie permet aussi à la Croatie de lancer à son tour des opérations de nettoyage ethnique. A la mi-août 1992, dix villes et centre quatre-vingt-trois localités de Slavonie occidentale ont été complètement nettoyées sur le plan ethnique de leur population d'origine serbe, et quatre-vingt sept autres partiellement nettoyées.
Les autorités croates ne se contentent pas de chasser la population serbe, elles vont jusqu'à effacer, autant que possible, toute trace de leur présence et de leur culture dans cette région pendant des siècles. Une grande partie des églises et autres bâtiments culturels ou religieux orthodoxes sont endommagés ou détruits. En 1993, l'Armée croate lance quelques attaques limitées pour reconquérir le terrain perdu en 1991:
L'opération Medak Pocket provoque une réaction des pays ou de l'opinion publique pro-serbe ou anti-croate, et en particulier de la Russie, car des unités croates sont accusées d'avoir commis des crimes de guerre et des tortures contre des Serbes. La Cour Pénale Internationale de La Haye pour l'ex-Yougoslavie (CPIY), au Pays-Bas, ou la Justice militaire croate, poursuivent des officiers supérieurs de l'armée pour leur rôle dans le massacre de Gospic survenu durant cette operation (6).
(6) Trois militaires croates jugés par la Justice internationale:
Conflit croato-bosniaque (avril 1993 - mars 1994).
Les tensions nées de l'afflux massif de réfugiés en Bosnie-Herzégovine centrale, 750,000 Bosniaques et 200,000 Croates expulsés de chez eux par les forces serbes, et des divergences politiques quant à l'avenir de la Bosnie, exacerbent les passions jusqu'à créer un conflit armé croato-bosniaque en avril 1993, qu'avivent encore des atrocités et opérations de nettoyage ethnique commis de chaque côté.
Les forces musulmanes assiègent les enclaves croates en Bosnie-Herzégovine centrale: Zepce, Vitez-Busovaca, Kiseljak-Kresevo. Elles s'emparent de Vares. De son côté, en mai 1993, Mostar, une enclave musulmane, devient la cible de l'artillerie croate de Bosnie (HVO). Victimes de ce mini-conflit, 140,000 Croates et 60,000 Bosniaques sont expulsés de chez eux. En outre, aux quelques 103,000 victimes provoquées au total par l'agression serbe, viennent désormais s'ajouter les quelque 4,000 tués de cette petite "guerre dans la guerre".
Photo ci-dessous: panorama de la vieille ville de Mostar. 8 mai 2011.
En Croatie, après l'opération Medak Pocket (septembre 1993), les forces croates ne lancent plus d'opération offensive pendant presque un an.
Afin de mettre un terme au conflit croato-bosniaque et rétablir leur alliance rompue depuis onze mois, la Croatie conclut le 18 mars 1994, à Washington, un accord avec les représentants bosniaques et croates de Bosnie-Herzégovine prévoyant la mise en place, grâce à la médiation des Etats-Unis, d'une "Fédération croato-musulmane en Bosnie-Herzégovine" ou "Fédération de Bosnie et Herzégovine". Cet accord prévoit également l'instauration d'un état-major unifié associant de fait l'armée musulmane de Bosnie et l'armée croate d'Herzégovine (HVO).
Ainsi nait la nouvelle armée de la Fédération de Bosnie et Herzégovine, ou Armija Republika Bosne i Hercegovine (ARBiH). L'ARBiH récupère quelques chars T-55 et T-72 (redésignés M-84), avions MiG-21 et hélicoptère Mi-8, pris aux Serbes, mais l'essentiel de son armement proviendra de l'extérieur: France (AMX-30B2), Allemagne (HK 33), et surtout des surplus militaires aux Etats-Unis (M60A3 Patton, M16/AR-15, UH-1H). Cette nouvelle donne, qui rééquilibre les rapports de forces sur le terrain, constitue un tournant majeur en Bosnie-Herzégovine, à un moment où les Serbes de Radovan Karadzic contrôlent encore plus de 70% du territoire bosniaque.
Photo ci-dessous: un T-72/M-84 de la JNA capturé et mis en service par l'armée croato-bosniaque.
En juin 1994, les séparatistes serbes de Croatie rejettent une nouvelle fois les initiatives diplomatiques internationales en faveur d'une résolution pacifique du conflit.
Durant le second semestre de l'année 1994, avec le rétablissement de l'Alliance entre la Croatie et les Musulmans, l'armée croate de Zagreb (HV), conjointement avec les forces croato-musulmanes de l'Herzégovine (HVO), intervient maintenant directement contre les Serbes de Bosnie:
Carte ci-dessous: enclave croato-musulmane de Bihac en 1994.
(7) "Accords de Washington" (18 mars 1994).
Offensive finale croate, fin de la guerre et bilan humain (mai - décembre 1995).
Le 6 mars 1995, un accord de coopération militaire croato-musulman est conclu. Le 31 mars, le mandat de la FORPRONU, qui englobe jusqu'alors l'ensemble des missions de paix en ex-Yougoslavie (Croatie et Bosnie), est redéfini pour la Croatie (résolution 981) où la force internationale devient l'"Opération des Nations Unies pour la Restauration de la Confiance en Croatie" (ONURC).
Pour enrayer l'escalade de la violence déclenchée par les Serbes de la région de Pakrac, Zagreb lance le 1er mai 1995 l'opération Eclair ou Flash: en trente-six heures, toute la Slavonie occidentale est libérée, ce qui désenclave du même coup tout l'est de la Croatie. Le leader des Serbes de la Krajina (SVK), Milan Martic, ordonne en représaille, les 2 et 3 mai, un bombardement d'artillerie meurtrier sur le centre-ville de Zagreb.
En juillet 1995, le massacre de Srebrenica commis par Ratko Mladic en Bosnie-Herzégovine décide les puissances de l'OTAN, et en premier lieu les Etats-Unis, à intervenir directement en vue d'une défaite militaire de la République serbe de Bosnie (Republica Srpska, ou RS).
Ils apportent dès lors un soutien logistique aux armées croates qui reconquièrent la République Serbe de Krajina (SVK) en août 1995, lors d'une offensive foudroyante, l'Opération Tempête.
Le soutien par les Croates et l'OTAN de la Fédération croato-musulmane permet aussi à celle-ci de reconquérir simultanément une partie de la Bosnie-Herzégovine conquise par les Serbes en 1992.
Cependant, l'offensive croate contre la Krajina contraint entre 150,000 à 200,000 Serbes croates à l'exil. Ante Gotovina (8), responsable d'une partie de l'opération, a été transféré en 2005 devant le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY). Il est accusé de crimes contre l'humanité, dont des meurtres de civils commis sous son autorité.
Au cours de cette offensive finale, l'Armée croate de Zagreb (HV) intervient également en Bosnie-Herzégovine. Elle occupe Banja Luka, la seconde ville en importance après Sarajevo, capitale des Serbes de Bosnie, et libère les camps de concentration serbes de Manjaca, Trnopolje et Omarska (9).
Quelques mois plus tard, en novembre 1995, débutent sur la base aérienne de Wright-Patterson AFB, dans l'Ohio, les "Accords de paix de Dayton", entre les présidents croate Franjo Tudjman, bosniaque Alija Izetbegovic et serbe Slobodan Milosevic. Ils seront ratifiés à Paris le 14 décembre 1995, mettant ainsi un terme définitif à deux guerres qui auront ensanglanté les Balkans pendant quatre ans.
Photo ci-dessous: 1° L'artillerie croate-musulmane pilonne les positions serbes de Banja Luka, en Bosnie-Herzégovine, au début août 1995, au cours de l'opération Tempête. 2° signature des Accords de Paix de Dayton (Ohio), mettant fin définitivement aux guerres en ex-Yougoslavie, 21 novembre 1995.
La Croatie, qui a repris le contrôle de la Krajina, retrouve pratiquement ses frontières d'avant-guerre.
Le bilan humain du conflit croate est le suivant:
(8) Général croate Ante Gotovina. Ancien Légionnaire, il a obtenu également la nationalité française. Il a été accusé en 2001 par le TPIY de violation des lois et coutumes de la guerre et de crimes contre l'humanité pour ses actes et les actes commis sous son commandement en 1995 lors de l'Opération Tempête à la fin de la guerre d'indépendance croate. Après quatre ans de fuite, il est arrêté à Tenerife, le 7 décembre 2005, extradé et enfermé dans la prison internationale de Scheveningen, aux Pays-Bas. Son procès s'est ouvert le 11 mars 2008 à La Haye.
Le TPIY, dans un de ses réquisitoires contre les criminels de guerre croates, dresse une liste des actes de pillage et de destruction des biens serbes effectués par les forces croates en Krajina entre le 4 août et le 15 novembre 1995 dans les municipalités de Benkovac, Donji Lapac, Drnis, Gracac, Knin, Korenica, Obrovac, Sibenik, Sinj et Zadar et compte 12,230 habitations pillées ou détruites. En outre, l'acte d'accusation de Gotovina fait nommément état du meurtre de 32 personnes.
Au mois de juin 2006, au total 161 militaires croates auront été mis en examen dans le cadre du TPIY pour le nettoyage ethnique et les massacres de civils serbes en Krajina.
(9) Camp de concentration serbe d'Omarska, dans la région de Prijedor, où étaient détenus entre 5,000 et 6,000 prisonniers croato-bosniaques. La chambre de mise en accusion du TPIY a comparé ce camps aux camps de concentration nazis de la Seconde Guerre mondiale.
Période post-Tudjman (1999-Présent).
Franjo Tudjman décède le 10 décembre 1999, et en 2000 le parti nationaliste HDZ perd les élections législatives et est remplacé par une coalition de gauche menée par le Premier ministre Ivica Racan, du Parti croate social-démocrate. Au même moment, Stjepan "Stipe" Mesic, un socialiste, remporte les élections présidentielles.
Une des premières mesures prises par le nouveau gouvernement croate est le changement politique en profondeur d'un système présidentiel à un système parlementaire, et le transfert de certains pouvoirs présidentiels de l'Exécutif au Parlement et au Premier ministre. La plupart des réfugiers croates regagnent leur foyer. La Croatie devient un membre de l'Organisation Mondial du Commerce (OMC) le 30 novembre 2000, et demande son intégration dans l'Union Européenne en novembre. Le pays devient membre à part entière de l'UE en mars 2003.
Fin de l'année 2003, le parti HDZ réformé remporte les élections parlementaires et le 23 décembre, le catholique Ivo Sanader devient Premier ministre. Le nouveau gouvernement croate renforce ses liens avec les Etats-Unis et signe des accords permettant d'extrader des criminels de guerre croates au Tribunal Pénal International de La Haye.
La Croatie demande son adhésion à l'OTAN en octobre 2006 et bénéficie du "Plan d'action pour l'Adhésion" (MAP) depuis juin 2007.
Photo ci-dessous: le premier ministre croate Ivo Sanader et le Secrétaire d'Etat américain Condoleezza Rice. 17 octobre 2006.
Armée croate aujourd'hui.
L'Armée de terre croate telle que nous la conaissons aujourd'hui est créée le 23 novembre 1991, en reprenant à son compte les diverses unités de la Milice et de la Garde Nationale.
En 2012, ses effectifs comptent approximativement 12,500 hommes, et peuvent également compter sur 6,000 réservistes mobilisables en cas de crise. Les militaires croates utilisent encore du matériel capturé à l'armée serbe (JNA), mais le principal de ses équipements neufs proviennent de l'Union Européenne (Italie, France, Allemagne, Belgique), mais surtout des Etats-Unis.
Site Wikipedia (en anglais) sur l'Armée croate.
Photos ci-dessous: 1° Entrainement de soldats croates équipés du fusil d'assaut VHS produit par les industries nationales. 2° T-72 (désignation locale M-84) croate en 2011.
Yougoslavie, suicide d'une nation européenne.
Vidéos documentaire de la BBC en six parties datant de 1995 et en version française, très instructives. Elles retracent l'enchainement des évenements et l'histoire entre 1989 et 1995 sur les causes et les responsabilités des guerres en ex-Yougoslavie, des crimes de guerre et génocides planifiés par les Serbes en Bosnie et en Croatie. Les évenements de 1998-1999 au Kosovo n'y figurent cependant pas.
Article modifié le 25 octobre 2019.
Vous pouvez aussi visionner:
• Blogosphère Mara, Guerres en ex-Yougoslavie - Se souvenir de Vukovar, Srebrenica et Sarajevo
• Blogosphère Mara, Guerres en ex-Yougoslavie - Origine et causes
• Blogosphère Mara, Guerres en ex-Yougoslavie - Conflit en Bosnie-Herzégovine (1992-1995)
• Blogosphère Mara, Guerres en ex-Yougoslavie - Conflit au Kosovo (1998-1999)
Sources principales:
• Croatian War of Independence 1991-1995 (Wikipedia.org)
• Breakup of Yugoslavia (Wikipedia.org)
• Yugoslav Wars 1991-1995 (Wikipedia.org)
Apparition des tensions nationalistes.
Après la mort de Jozip Broz "Tito", le 4 mai 1980, l'effondrement du communisme en Europe de l'Est en 1989, puis la dislocation de l'Union Soviétique en 1991, les tensions nationalistes et ethniques, longtemps contenues et canalisées par le pouvoir centralisé de la République Fédérale Socialiste de Yougoslavie (RFSY), s'accroissent dans les différentes républiques fédérées. Par ailleurs, la Croatie et la Slovénie ont une économie plus développée que les autres républiques, et répugnent à partager leurs richesses dans un cadre fédéral. En Serbie, Slobodan Milosevic accède au pouvoir en septembre 1987 en jouant sur les sentiments nationalistes tout en restant communiste. En Slovénie, l'indépendantiste Milan Kucan remporte des élections libres l'année suivante.
Ci-dessous: les drapeaux des bélligérants: 1° Croatie. 2° Serbes de la Krajina. 3° Armée yougoslave JNA.
En Croatie, c'est le leader du parti nationaliste HDZ, Franjo Tudjman, qui est élu en avril 1990. Les idées du nouveau pouvoir croate inquiètent une partie de la minorité serbe manipulée par Belgrade. Tudjman supprime l'étoile rouge du drapeau croate et adopte le traditionnel drapeau à damier, qui, selon les Serbes, renvoit aux Oustachis pro-nazis de la Seconde Guerre mondiale (1).
Certains éléments du pouvoir croate envisagent une extension de la Croatie vers l'Herzégovine (2) alors que le gouvernement de Tudjman sera un des premiers à reconnaitre l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine en avril 1992. Les éléments pro-communistes, dont une forte proportion de Serbo-Croates, sont purgés de l'administration de la république par le nouveau gouvernement.
L'Armée Fédérale Yougoslave (JNA) ayant, en mai 1990, volé les armes de sa Défense Territoriale, le gouvernement croate arme clandestinement un embryon d'armée, à partir des pays ayant accepté de lui vendre des armes, dont la Hongrie, désormais une alliée.
Les Serbes séparatistes de la Krajina (3), manipulés par le régime de Belgrade, se sentent lésés et persécutés. Contrairement aux Serbes de la capitale Zagreb, qui demandent des négociations et un compromis, les Serbes de la Krajina prennent la voie des armes. La République serbe de Krajina, dont la capitale est Knin, est unilatéralement proclamée le 28 février 1991 par le nationaliste serbe Milan Babic, et finit par s'étendre sur près d'un tier du territoire croate.
Le 31 mars 1991, des policiers croates chargés d'expulser des indépendantistes serbes de la Krajina d'un parc national situé près des lacs de Plitvice, voyageant en bus, tombent dans une embuscade tendue par des serbo-croates et des paramilitaires venant de Serbie. Au cours de l'affrontement, deux personnes sont tuées, un policier croate et un serbo-croate, et vingt autres blessées. En outre, 29 paramilitaires serbes sont capturés par les forces de l'ordre croate par la suite, et parmi eux, Goran Hadzic, le future président de la "République Serbe de Krajina".
Ci-dessous: mémorial érigé en la mémoire de Josip Jovic, considéré comme le premier mort de la Guerre de Croatie.
Le 2 mai 1991, une douzaine d'autres policiers connaissent un sort similaire à Borovo Selo, 2km au nord de Vukovar. Leurs cadavres seront retrouvés atrocement mutilés. La présence de l'armée yougoslave dans cette région s'accroit dans de notables proportions. Ces deux "incidents" contribuent fortement au déclenchement des hostilités.
Onze jours auparavant, le leader tchetnik, Vojislav Seselj, un parlementaire serbe, Milan Paroski, ainsi que le ministre des Serbes de l'étranger, Stanko Cvitan, se sont rendus à Jagodnjak, une localité croate voisine, peuplée à majorité de Serbes, pour assister à un meeting ultranationaliste. Vojislav Seselj y a appelé à la création d'une "Grande Serbie", dont les frontières occidentales seraient constituées par la ligne Karlobag-Ogulin-Karlovac-Virovitica, ce qui amputerait la Croatie des deux tiers. Milan Paroski, quant à lui, appela son auditoire "à tuer comme un chien quiconque déclare que cette terre n'est pas serbe".
Photos ci-dessous: 1° Char T-55 serbe de la JNA dans la région de Vukovar, 1991. 2° T-72 de la JNA détruit lors de la Bataille de Vukovar, le 29 novembre 1991.
Les autorités serbes de Belgrade ont armé et organisé les séparatistes avec la complicité de l'Etat-Major de la JNA, qui prend de plus en plus ouvertement le parti des rebelles serbes, ayant empêché une intervention de la police croate dès août 1990, notamment par l'emploi des forces aériennes yougoslaves.
(1) En réalité, le damier croate existe depuis le Moyen-Âge et est le symbole de la République Socialiste de Croatie.
(2) Région de la Bosnie-Herzégovine peuplée par la majorité croato-bosniaque.
(3) En 1991, les Serbes de Croatie représentent 12.2% de sa population totale.
Déclenchement de la guerre (août 1991).
Le 19 mai 1991, le référendum sur l'indépendance qui suit les élections est remporté à plus de 90%, mais a été boycotté par la communauté serbe de Croatie.
Le 25 juin 1991, la Slovénie et la Croatie déclarent leur indépendance. Celles-ci se réalisent sans conditions préalables, et Belgrade perd du même coup une grande partie des droits de douanes, qui représentent une part majoritaire du budget fédéral. Parallèlement, l'Allemagne et l'Autriche apportent leur soutien diplomatique et financier à la Slovénie et à la Croatie. Du 26 juin au 7 juillet 1991, l'Armée Fédérale Yougoslave (JNA), majoritairement composée de Serbes et Monténégrins, intervient en Slovénie, puis se retire rapidement après l'encerclement de ses unités dispersées.
Le 3 juillet 1991, les Etats-Unis et la Communauté Européenne proposent un embargo sur les livraisons d'armes à la Yougoslavie. Le 7 juillet 1991, un moratoire de trois mois sur les mesures de "dissociation" slovènes et croates est imposé par la Communauté Européenne. Les Serbes sont contraints d'accepter Stjepan Mesic à la tête de la Présidence tournante yougoslave. La JNA restera cependant fidèle à Milosevic et Mesic ne disposera d'aucun pouvoir réel. Malgré les craintes justifiées de Zagreb, la JNA obtient de la communauté internationale, le 18 juillet 1991, la possibilité d'évacuer tout son arsenal de Slovénie, à travers la Croatie, vers la Serbie, le Monténégro et la Bosnie-Herzégovine.
Le 7 juillet 1991, Un moratoire de trois mois sur l'indépendance de la Croatie et de la Slovénie est accepté par les parties en présence. Cela met fin au conflit en Slovénie, et durant ces trois mois, la JNA se retire complètement du pays.
Le 7 octobre 1991, à l'expiration du moratoire, Slobodan Milosevic envoie l'aviation yougoslave bombarder le palais présidentiel croate à Zagreb. Les présidents croate et yougoslave, Franjo Tudjman et Stjepan Mesic, ainsi que le Premier ministre fédéral, Ante Markovic, qui s'y trouvent alors, en réchappent de peu. Les hostilités commencent véritablement à partir de cette date. Un tier du territoire croate est déjà occupé par la JNA et les séparatistes serbes de la Krajina, dont la capitale est Knin.
Une véritable guerre s'étend désormais sur mille kilomètres de front où les forces serbes mènent, à l'aide de l'artillerie, des chars et de l'aviation, des attaques de grande envergure et d'une extrême violence contre les villes croates, notamment Osijek, Vinkovci, Zupanja, Brod, Pakrac, Sisak, Karlovac, Rijeka, Otocac, Gospic, Zadar, Sibenik, Sinj, Split, Ploce et Dubrovnik. La supériorité de la JNA face à une armée croate encore embryonnaire et mal équipée, est écrasante.
Photo ci-dessous: un milicien Croate et un volontaire Français visent des blindés serbes avec une arme antichar RPG, lors de la bataille du Plateau de Miljevci, au sud-ouest de Knin (21-23 juin 1992).
Carte ci-dessous: plans de conquête de la JNA en Croatie.
Le président Franjo Tudjman appelle à la mobilisation générale pour "lutter contre le projet de Grande Serbie" de Milosevic.
Siège et bataille de Vukovar (25 août - 18 novembre 1991).
Le 25 août 1991, la JNA et les forces paramilitaires de Vojislav Seselj, un membre du Parti Radical Serbe, entament le siège de Vukovar (4), défendue par 2,200 miliciens commandés par Blago Zadro et Mile Dedakovic (5). Pendant 87 jours, l'artillerie serbe tirera au total contre la ville 600,000 obus de tout calibre, soit une moyenne journalière d'environ 6,900 projectiles. Ce sera le "Stalingrad croate".
Carte ci-dessous: opérations militaires serbes en Slavonie Orientale et siège de Vukovar. Août-Novembre 1991.
Le 18 novembre 1991, les 1,500 combattants croates qui défendent encore la ville se rendent, laissant la population en proie aux exactions des Serbes de Seselj qui pénètrent dans une cité réduite à un champ de ruines et de cendres. Vukovar est la première ville européenne, à moins de deux heures de vol de Paris, entièrement détruite depuis la Seconde Guerre mondiale.
La population non-serbe est alors réunie dans le stade, les hommes en âge de se battre sont séparés des femmes, des enfants et des vieillards. On ne reverra jamais les premiers.
Un sort similaire attend les 420 blessés de l'hôpital où se trouvait un volontaire humanitaire français, Jean-Michel Nicoliers. Leurs dépouilles seront découverts dans le charnier d'Ovcara (6), un complexe agricole à 4km au sud-est de Vukovar. Quelques jours plus tard, lorsque la Croix-Rouge internationale arrive enfin sur les lieux, elle ne peut que constater les dégâts générés par une bataille qui se sera distinguée par sa violence inouïe.
Aujourd'hui encore les effets et les traces d'un des épisodes les plus sanglants du conflit yougoslave sont loin d'être effacés. Croates et Serbes cohabitent difficilement dans la ville de Vukovar reconstruite. Ils évitent de se fréquenter. Les écoliers des deux communautés continuent à suivre leurs enseignements dans des établissements séparés.
Ci-desous: 1° L'entrepot d'Ovcara où fut perpétré le Massacre de Vukovar, 4km au sud-est de la ville. 2° La rue principale de Vukovar, en 2008, porte encore les traces des combats de 1991.
(4) Recensement de population 1991: 84189 habitants.
Croates 43.8%, Serbes: 37.4%, Hongrois 1.6%, Yougoslaves 7.3%, autres nationalités/ethnies 9.9%.
[The International Criminal Tribunal for the Former Yougoslavia, Case No. IT-95-13/1-PT]
(5) Mile Dedakovic, surnommé Jastreb ("Faucon") ancien officier de l'aviation de la JNA, d'origine serbe, il commandait les forces croates défendant la ville de Vukovar assiégée par l'armée yougoslave et les paramilitaires serbes de Seselj.
(6) Massacre d'Ovcara. Selon l'acte d'accusation du TPI, le 20 novembre 1991, soit deux jours après la prise de Vukovar par la JNA, des soldats de la Brigade de la Garde, une unité de la JNA basée à Belgrade, et des paramilitaires serbes sous le commandement ou le contrôle du colonel Mile Mrksic, du capitaine Miroslav Radic et du major Veselin Sljivancanin, de la JNA, ont emmené 261 hommes non-serbes de l'hôpital de Vukovar et les ont conduits à la ferme d'Ovcara, où ils auraient subi des sévices durant plusieurs heures. Ensuite, ils ont été emmenés par groupes de dix à douze personnes à un endroit situé entre la ferme d'Ovcara et Grabovo, où des soldats de la JNA et des paramilitaires les auraient abattus.
Le procès des trois accusés a débuté à La Haye, aux Pays-Bas, le 11 octobre 2005.
Reconnaissance internationale de la Croatie (29 novembre 1991 - 7 avril 1992).
Le 29 novembre 1991, la Commission d'arbitrage présidée par Robert Badinter entérine la disparition de la RFY en confirmant que la Yougoslavie est "engagée dans un processus de dissolution". Le 8 décembre 1991, les présidents de Russie, d'Ukraine et de Biélorussie annoncent la mort de l'URSS. Alors que, Slovénie mise à part, la Lituanie, la Lettonie et l'Ukraine ont d'ores et déjà reconnu la Croatie, la Communauté Européenne invite, le 16 décembre 1991, toutes les Républiques yougoslaves à déclarer avant le 23 décembre si "elles souhaitent être reconnues en tant qu'Etats indépendants" et s’engage à ne pas reconnaître "des entités qui seraient le résultat d'une agression", allusion explicite à la "Krajina" des séparatistes serbes.
Le 3 janvier 1992, un seizième cessez-le-feu prend effet: l'armée yougoslave (JNA) ayant atteint ses objectifs, celui-ci sera enfin respecté. Le 7 janvier, des chasseurs serbes abattent en Croatie un hélicoptère de la CEE ayant à son bord cinq observateurs européens, dont un Français. Le 13 janvier, le Saint-Siège reconnaît l'indépendance de la Croatie. Le 14 janvier, 112 lauréats du Prix Nobel lancent un appel pour la paix en Croatie.
Le bilan humain de six mois d'agression serbe en Croatie s'élève à près de 13,000 morts, 30,000 blessés et un demi-million de personnes chassées de chez elles, à quoi il faut ajouter les considérables dommages matériels.
Le 15 janvier 1992, suivis d'une trentaine d'autre pays, les Douze Etats membres de la Communauté Européenne reconnaissent l'indépendance de la Croatie. Le 7 février, le parti nationaliste HDZ de Tudjman sort grand vainqueur des élections législatives croates. Le 21 février 1992, la résolution 743 du Conseil de Sécurité de l'ONU instaure la Force de Protection des Nations Unies (FORPRONU), forte de 14,000 Casques Bleus qui doivent être déployés dans les zones occupées par les Serbes en Croatie, jusqu'à l'aboutissement d'un règlement négocié. Le 7 avril, les Etats-Unis reconnaissent la Croatie et la Bosnie-Herzégovine. Le même jour le gouvernement croate reconnaît la Bosnie-Herzégovine comme Etat indépendant. Le 22 mai, la Croatie est admise aux Nations-Unies.
Alliance Croato-Musulmane (21 juillet et 23 septembre 1992).
Le 21 juillet et le 23 septembre 1992, Zagreb et Sarajevo signent deux accords prévoyant leur coopération militaire face à l'agression serbe. De fait, la Croatie constituera durant toute la guerre l'unique voie de ravitaillement en armes de la Bosnie-Herzégovine.
Les Croates de l'Herzégovine voisine instaurent un Conseil croate de défense (HVO), reconnu le 15 juin 1992 comme faisant partie intégrante des forces armées bosniaques (ARBiH). Ainsi les Croates parviennent-ils à préserver une grande partie des territoires où ils constituent la majorité de la population, notamment dans le Sud (Herzégovine), évitant que toute la Bosnie ne soit conquise, ce qui rendra possible la reconquête de 1995. Après trois mois de combats acharnés sur la Neretva, le HVO, composé d'autant de Bosniaques que de Croates, libère fin juin 1992 la rive est de Mostar et repousse les Serbes hors de la ville.
Photo ci-dessous: T-55 serbe détruit sur la route de Drnis. 21 juin 1992.
Au même moment, dans le sud de la Dalmatie, l'armée croate lance une offensive et parvient à désenclaver la ville de Dubrovnik, assiégée et pilonnée par l'artillerie serbe depuis août 1991.
Cessez-le-feu et période d'accalmie (1992-1995).
Les principaux combats cessent après la signature du cessez-le-feu le 3 janvier 1992. Des Casques Bleus belges s'interposent entre les deux forces belligérantes. La Krajina et la Slavonie orientale frontalière de la Serbie, restent aux mains des forces serbes.
Jusqu'en 1995, le conflit se résumera à quelques affrontements localisés, principalement destinés à dégager la menace de l'artillerie serbe autour de certaines villes croates (Dubrovnik, Sibenik, Zadar et Gospic). Ainsi, pendant le siège de Dubrovnik, entre octobre 1991 et mai 1992, plus de deux maisons sur trois ont été touchées par des explosions dans la vieille ville, ce qui fera l'objet d'un programme de restauration de l'UNESCO.
Listes d'engagements mineurs en 1992:
- Plateau de Miljevci, entre Krka et Drnis (21-22 juin 1992).
- Opération Tigar à Dubrovnic (1er-13 juillet 1992).
- Opération Tigar à Konavle (20-24 septembre 1992).
- Opération Tigar à Vlastica (22-25 septembre 1992).
- Retrait de la JNA de Konavle et Prevlaka (30 septembre - 20 octobre 1992).
Ce répit permet à la Croatie de porter ses efforts sur la formation d'une armée plus puissante. La République de Croatie est officiellement reconnue comme un membre de l'ONU en mai 1992. L'attention de la communauté internationale se porte dès lors sur le conflit en Bosnie-Herzégovine. Cette accalmie permet aussi à la Croatie de lancer à son tour des opérations de nettoyage ethnique. A la mi-août 1992, dix villes et centre quatre-vingt-trois localités de Slavonie occidentale ont été complètement nettoyées sur le plan ethnique de leur population d'origine serbe, et quatre-vingt sept autres partiellement nettoyées.
Les autorités croates ne se contentent pas de chasser la population serbe, elles vont jusqu'à effacer, autant que possible, toute trace de leur présence et de leur culture dans cette région pendant des siècles. Une grande partie des églises et autres bâtiments culturels ou religieux orthodoxes sont endommagés ou détruits. En 1993, l'Armée croate lance quelques attaques limitées pour reconquérir le terrain perdu en 1991:
- Barrage hydroelectrique de Peruca (27-28 janvier 1993).
- Opération Maslenica, dans la région Maslenica/Zadar (22 janvier - 10 février 1993).
- Opération Medak Pocket, dans la région de Gospic (9-17 septembre 1993).
L'opération Medak Pocket provoque une réaction des pays ou de l'opinion publique pro-serbe ou anti-croate, et en particulier de la Russie, car des unités croates sont accusées d'avoir commis des crimes de guerre et des tortures contre des Serbes. La Cour Pénale Internationale de La Haye pour l'ex-Yougoslavie (CPIY), au Pays-Bas, ou la Justice militaire croate, poursuivent des officiers supérieurs de l'armée pour leur rôle dans le massacre de Gospic survenu durant cette operation (6).
(6) Trois militaires croates jugés par la Justice internationale:
- Général Janko Bobetko (1919-2003): chef d'Etat-major de l'armée croate, il est poursuivi pour crime de guerre et torture par la CPIY mais décéde avant son procès.
- Général Rahim Ademi (né le 30 janvier 1954): officier croate d'origine albano-kosovar, il est jugé pour crime de guerre et torture sur des prisonniers et civils serbes. Acquitté le 30 mai 2008.
- Général Mirko Norac (né le 19 septembre 1967): poursuivi par la justice militaire croate et condamné en 2003 à douze ans de prison, il est extradé à la Haye à la demande du CPIY, et rejugé pour crime de guerre et torture, avec Rahim Ademi, contre des prisonniers et des civils serbes. Reconnu coupable le 30 mai 2008, il est condamné à sept années d'emprisonnement.
Conflit croato-bosniaque (avril 1993 - mars 1994).
Les tensions nées de l'afflux massif de réfugiés en Bosnie-Herzégovine centrale, 750,000 Bosniaques et 200,000 Croates expulsés de chez eux par les forces serbes, et des divergences politiques quant à l'avenir de la Bosnie, exacerbent les passions jusqu'à créer un conflit armé croato-bosniaque en avril 1993, qu'avivent encore des atrocités et opérations de nettoyage ethnique commis de chaque côté.
Les forces musulmanes assiègent les enclaves croates en Bosnie-Herzégovine centrale: Zepce, Vitez-Busovaca, Kiseljak-Kresevo. Elles s'emparent de Vares. De son côté, en mai 1993, Mostar, une enclave musulmane, devient la cible de l'artillerie croate de Bosnie (HVO). Victimes de ce mini-conflit, 140,000 Croates et 60,000 Bosniaques sont expulsés de chez eux. En outre, aux quelques 103,000 victimes provoquées au total par l'agression serbe, viennent désormais s'ajouter les quelque 4,000 tués de cette petite "guerre dans la guerre".
Photo ci-dessous: panorama de la vieille ville de Mostar. 8 mai 2011.
En Croatie, après l'opération Medak Pocket (septembre 1993), les forces croates ne lancent plus d'opération offensive pendant presque un an.
Afin de mettre un terme au conflit croato-bosniaque et rétablir leur alliance rompue depuis onze mois, la Croatie conclut le 18 mars 1994, à Washington, un accord avec les représentants bosniaques et croates de Bosnie-Herzégovine prévoyant la mise en place, grâce à la médiation des Etats-Unis, d'une "Fédération croato-musulmane en Bosnie-Herzégovine" ou "Fédération de Bosnie et Herzégovine". Cet accord prévoit également l'instauration d'un état-major unifié associant de fait l'armée musulmane de Bosnie et l'armée croate d'Herzégovine (HVO).
Ainsi nait la nouvelle armée de la Fédération de Bosnie et Herzégovine, ou Armija Republika Bosne i Hercegovine (ARBiH). L'ARBiH récupère quelques chars T-55 et T-72 (redésignés M-84), avions MiG-21 et hélicoptère Mi-8, pris aux Serbes, mais l'essentiel de son armement proviendra de l'extérieur: France (AMX-30B2), Allemagne (HK 33), et surtout des surplus militaires aux Etats-Unis (M60A3 Patton, M16/AR-15, UH-1H). Cette nouvelle donne, qui rééquilibre les rapports de forces sur le terrain, constitue un tournant majeur en Bosnie-Herzégovine, à un moment où les Serbes de Radovan Karadzic contrôlent encore plus de 70% du territoire bosniaque.
Photo ci-dessous: un T-72/M-84 de la JNA capturé et mis en service par l'armée croato-bosniaque.
En juin 1994, les séparatistes serbes de Croatie rejettent une nouvelle fois les initiatives diplomatiques internationales en faveur d'une résolution pacifique du conflit.
Durant le second semestre de l'année 1994, avec le rétablissement de l'Alliance entre la Croatie et les Musulmans, l'armée croate de Zagreb (HV), conjointement avec les forces croato-musulmanes de l'Herzégovine (HVO), intervient maintenant directement contre les Serbes de Bosnie:
- Opération Cincar dans la région de Kupres (1er-3 novembre 1994).
- Opération Wintar-94 dans la région Dinara-Livno (29 novembre - 24 décembre 1994).
Carte ci-dessous: enclave croato-musulmane de Bihac en 1994.
(7) "Accords de Washington" (18 mars 1994).
Offensive finale croate, fin de la guerre et bilan humain (mai - décembre 1995).
Le 6 mars 1995, un accord de coopération militaire croato-musulman est conclu. Le 31 mars, le mandat de la FORPRONU, qui englobe jusqu'alors l'ensemble des missions de paix en ex-Yougoslavie (Croatie et Bosnie), est redéfini pour la Croatie (résolution 981) où la force internationale devient l'"Opération des Nations Unies pour la Restauration de la Confiance en Croatie" (ONURC).
Pour enrayer l'escalade de la violence déclenchée par les Serbes de la région de Pakrac, Zagreb lance le 1er mai 1995 l'opération Eclair ou Flash: en trente-six heures, toute la Slavonie occidentale est libérée, ce qui désenclave du même coup tout l'est de la Croatie. Le leader des Serbes de la Krajina (SVK), Milan Martic, ordonne en représaille, les 2 et 3 mai, un bombardement d'artillerie meurtrier sur le centre-ville de Zagreb.
En juillet 1995, le massacre de Srebrenica commis par Ratko Mladic en Bosnie-Herzégovine décide les puissances de l'OTAN, et en premier lieu les Etats-Unis, à intervenir directement en vue d'une défaite militaire de la République serbe de Bosnie (Republica Srpska, ou RS).
Ils apportent dès lors un soutien logistique aux armées croates qui reconquièrent la République Serbe de Krajina (SVK) en août 1995, lors d'une offensive foudroyante, l'Opération Tempête.
Le soutien par les Croates et l'OTAN de la Fédération croato-musulmane permet aussi à celle-ci de reconquérir simultanément une partie de la Bosnie-Herzégovine conquise par les Serbes en 1992.
Cependant, l'offensive croate contre la Krajina contraint entre 150,000 à 200,000 Serbes croates à l'exil. Ante Gotovina (8), responsable d'une partie de l'opération, a été transféré en 2005 devant le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY). Il est accusé de crimes contre l'humanité, dont des meurtres de civils commis sous son autorité.
Au cours de cette offensive finale, l'Armée croate de Zagreb (HV) intervient également en Bosnie-Herzégovine. Elle occupe Banja Luka, la seconde ville en importance après Sarajevo, capitale des Serbes de Bosnie, et libère les camps de concentration serbes de Manjaca, Trnopolje et Omarska (9).
Quelques mois plus tard, en novembre 1995, débutent sur la base aérienne de Wright-Patterson AFB, dans l'Ohio, les "Accords de paix de Dayton", entre les présidents croate Franjo Tudjman, bosniaque Alija Izetbegovic et serbe Slobodan Milosevic. Ils seront ratifiés à Paris le 14 décembre 1995, mettant ainsi un terme définitif à deux guerres qui auront ensanglanté les Balkans pendant quatre ans.
Photo ci-dessous: 1° L'artillerie croate-musulmane pilonne les positions serbes de Banja Luka, en Bosnie-Herzégovine, au début août 1995, au cours de l'opération Tempête. 2° signature des Accords de Paix de Dayton (Ohio), mettant fin définitivement aux guerres en ex-Yougoslavie, 21 novembre 1995.
La Croatie, qui a repris le contrôle de la Krajina, retrouve pratiquement ses frontières d'avant-guerre.
Le bilan humain du conflit croate est le suivant:
- Croatie: 6,788 militaires et 4,508 civils tués ou disparus, 37,180 blessés (source croate). 196,000 réfugiés ou personnes déplacées (source ONU).
- Serbes de Croatie et JNA: 4,324 militaires et 2,344 civils tués ou disparus, 6,760 blessés. Et 447,316 réfugiés ou déplacés (source serbe), 300,000 réfugiés ou déplacés (source ONU).
(8) Général croate Ante Gotovina. Ancien Légionnaire, il a obtenu également la nationalité française. Il a été accusé en 2001 par le TPIY de violation des lois et coutumes de la guerre et de crimes contre l'humanité pour ses actes et les actes commis sous son commandement en 1995 lors de l'Opération Tempête à la fin de la guerre d'indépendance croate. Après quatre ans de fuite, il est arrêté à Tenerife, le 7 décembre 2005, extradé et enfermé dans la prison internationale de Scheveningen, aux Pays-Bas. Son procès s'est ouvert le 11 mars 2008 à La Haye.
Le TPIY, dans un de ses réquisitoires contre les criminels de guerre croates, dresse une liste des actes de pillage et de destruction des biens serbes effectués par les forces croates en Krajina entre le 4 août et le 15 novembre 1995 dans les municipalités de Benkovac, Donji Lapac, Drnis, Gracac, Knin, Korenica, Obrovac, Sibenik, Sinj et Zadar et compte 12,230 habitations pillées ou détruites. En outre, l'acte d'accusation de Gotovina fait nommément état du meurtre de 32 personnes.
Au mois de juin 2006, au total 161 militaires croates auront été mis en examen dans le cadre du TPIY pour le nettoyage ethnique et les massacres de civils serbes en Krajina.
(9) Camp de concentration serbe d'Omarska, dans la région de Prijedor, où étaient détenus entre 5,000 et 6,000 prisonniers croato-bosniaques. La chambre de mise en accusion du TPIY a comparé ce camps aux camps de concentration nazis de la Seconde Guerre mondiale.
Période post-Tudjman (1999-Présent).
Franjo Tudjman décède le 10 décembre 1999, et en 2000 le parti nationaliste HDZ perd les élections législatives et est remplacé par une coalition de gauche menée par le Premier ministre Ivica Racan, du Parti croate social-démocrate. Au même moment, Stjepan "Stipe" Mesic, un socialiste, remporte les élections présidentielles.
Une des premières mesures prises par le nouveau gouvernement croate est le changement politique en profondeur d'un système présidentiel à un système parlementaire, et le transfert de certains pouvoirs présidentiels de l'Exécutif au Parlement et au Premier ministre. La plupart des réfugiers croates regagnent leur foyer. La Croatie devient un membre de l'Organisation Mondial du Commerce (OMC) le 30 novembre 2000, et demande son intégration dans l'Union Européenne en novembre. Le pays devient membre à part entière de l'UE en mars 2003.
Fin de l'année 2003, le parti HDZ réformé remporte les élections parlementaires et le 23 décembre, le catholique Ivo Sanader devient Premier ministre. Le nouveau gouvernement croate renforce ses liens avec les Etats-Unis et signe des accords permettant d'extrader des criminels de guerre croates au Tribunal Pénal International de La Haye.
La Croatie demande son adhésion à l'OTAN en octobre 2006 et bénéficie du "Plan d'action pour l'Adhésion" (MAP) depuis juin 2007.
Photo ci-dessous: le premier ministre croate Ivo Sanader et le Secrétaire d'Etat américain Condoleezza Rice. 17 octobre 2006.
Armée croate aujourd'hui.
L'Armée de terre croate telle que nous la conaissons aujourd'hui est créée le 23 novembre 1991, en reprenant à son compte les diverses unités de la Milice et de la Garde Nationale.
En 2012, ses effectifs comptent approximativement 12,500 hommes, et peuvent également compter sur 6,000 réservistes mobilisables en cas de crise. Les militaires croates utilisent encore du matériel capturé à l'armée serbe (JNA), mais le principal de ses équipements neufs proviennent de l'Union Européenne (Italie, France, Allemagne, Belgique), mais surtout des Etats-Unis.
Site Wikipedia (en anglais) sur l'Armée croate.
Photos ci-dessous: 1° Entrainement de soldats croates équipés du fusil d'assaut VHS produit par les industries nationales. 2° T-72 (désignation locale M-84) croate en 2011.
Yougoslavie, suicide d'une nation européenne.
Vidéos documentaire de la BBC en six parties datant de 1995 et en version française, très instructives. Elles retracent l'enchainement des évenements et l'histoire entre 1989 et 1995 sur les causes et les responsabilités des guerres en ex-Yougoslavie, des crimes de guerre et génocides planifiés par les Serbes en Bosnie et en Croatie. Les évenements de 1998-1999 au Kosovo n'y figurent cependant pas.
Article modifié le 25 octobre 2019.
Vous pouvez aussi visionner:
• Blogosphère Mara, Guerres en ex-Yougoslavie - Se souvenir de Vukovar, Srebrenica et Sarajevo
• Blogosphère Mara, Guerres en ex-Yougoslavie - Origine et causes
• Blogosphère Mara, Guerres en ex-Yougoslavie - Conflit en Bosnie-Herzégovine (1992-1995)
• Blogosphère Mara, Guerres en ex-Yougoslavie - Conflit au Kosovo (1998-1999)
Sources principales:
• Croatian War of Independence 1991-1995 (Wikipedia.org)
• Breakup of Yugoslavia (Wikipedia.org)
• Yugoslav Wars 1991-1995 (Wikipedia.org)
1 comment:
Bonjour vous auriez pu , me demander la permission avant de poster mes photos !? Bref.... vous inscrivez deux miliciens Croate, fallait plutôt inscrire un Croate et un Français engagé volontaire au coté de l'armée Croate (miljevci juin 1992)!
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