Guerres en ex-Yougoslavie - Pour se souvenir de Vukovar, Srebrenica et Sarajevo

Quelques rappels de faits historiques étayés et de commentaires personnels pour tenter d'expliquer que le barbarisme et la monstruosité du nationalisme d'extrême-droite ne sont pas morts en 1945 dans les ruines de Berlin. Je vais relater ici quelle fut l'horreur de la purification ethnique planifiée et pratiquée par les Serbes, avec l'aide de l'Armée Fédérale Yougoslave (JNA) de Slobodan Milosevic, en Croatie, en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo.

J'expliquerai comment, encore une fois, l'ONU, l'opinion publique internationale et les divers gouvernements de la Communauté européenne, pourtant toujours si prompts à dénoncer les "crimes" d'Israel au Moyen-Orient, baissèrent les bras et contemplèrent pratiquement sans réagir le dernier conflit ethnique et religieux européen du 20ème siècle, images de colonnes de réfugiés, de massacres et de "camps de concentration" que le monde entier n'avait plus vu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale... Jusqu'à l'intervention directe de l'administration Clinton et des forces armées de l'OTAN dans les Balkans à la fin de l'année 1995.




Plan d'ensemble général et table des matières.

[Blogosphère Mara] Origine et causes des conflits de l'ex-Yougoslavie

[Blogosphère Mara] Conflit en Croatie (1991-1995)

[Blogosphère Mara] Conflit en Bosnie-Herzégovine (1992-1995)

[Blogosphère Mara] Conflit au Kosovo (1998-1999)



Raisons et causes des conflits dans l'ex-Yougoslavie.

Pour mieux comprendre le comment et le pourquoi de cette tragédie, il faut se replonger dans l'histoire de la République Fédérale Populaire de Yougoslavie, fondée par le Croate Jozip "Tito" Broz en 1945, et gouvernée par le Parti Communiste yougoslave.

La République Fédérale Populaire de Yougoslavie (RFPY) est le nom de l'Etat socialiste de Yougoslavie à partir du 29 novembre 1945, lors du premier rassemblement du parlement à Belgrade. Son premier président est Ivan Ribar et le Premier ministre Josip Broz. En 1953, Tito est élu à la présidence.


Le 31 janvier 1946, la constitution de la RFPY voit le jour et créé six Républiques.

  1. République socialiste de Bosnie-Herzégovine. Capitale: Sarajevo.

  2. République socialiste de Croatie. Capitale: Zagreb.

  3. République socialiste de Macédoine. Capitale: Skopje.

  4. République socialiste de Monténégro. Capitale: Titograd (aujourd'hui Podgorica).

  5. République socialiste de Serbie. Capitale: Belgrade. Incluant:
    • Province socialiste autonome du Kosovo. Capitale: Pristina.
    • Province socialiste autonome de Voïvodine. Capitale: Novi Sad.

  6. République socialiste de Slovénie. Capitale: Ljubljana.


Les cinq premières années d'existence de l'Etat communiste yougoslave voient se développer la répression contre les opposants: Eglises, mouvements nationalistes tant croates que serbes.

A la différence des autres Etats d'Europe Centrale et de l'Est, la Yougoslavie a la possibilité de se détacher de la tutelle et de l'influence de Moscou. Elle n'est ni membre du Pacte de Varsovie, ni membre de l'OTAN, et initie le mouvement des Etats non-alignés avec Gamal Abdel Nasser et Jawaharlal Nehru.

La modification la plus significative de ses frontières a lieu en 1954 lorsque le territoire libre de Trieste est dissous par le traité d'Osimo. La "zone-B" de 515.5km² du territoire, déjà occupée par l'armée populaire yougoslave, intégre la RFPY.

Le 7 avril 1963, la RFPY est renommée République Fédérale Socialiste de Yougoslavie (RFSY). Cet Etat communiste, tout comme la RFPY, s'étend sur les territoires des Etats, aujourd'hui indépendants, de Bosnie-Herzégovine, de Croatie, du Kosovo, de République de Macédoine, de Serbie, du Monténégro et de Slovénie.

En 1979, Tito est élu Président à vie. Mais il meurt l'année suivante, le 4 mai 1980. Les tensions communautaires entre les différentes Républiques de la SFRY et différents groupes ethniques, et plus particulièrement entre Serbes et Albano-Kosovars, s'accroissent alors. Si bien qu'en 1991, la Croatie, la Slovénie, la Macédoine et la Bosnie-Herzégovine font sécession, provoquant avec l'armée fédérale de Yougoslavie (JNA), contrôlée par les Serbes, plusieurs conflits armés (1991-1999).

Après les Accords de Paix de Dayton, en 1995, la Yougoslavie ne compte plus que deux républiques: la Serbie et le Monténégro, qui formeront la République Fédérale de Yougoslavie (RFY). Celle-ci sera dissoute et renommée Communauté d'Etats Serbie-et-Monténégro en 2003.

Puis cette communauté éclate à son tour, en se séparant en deux Etats totalement indépendants le 3 juin 2006, après la proclamation de l'indépendance du Monténégro suite à un référendum populaire.


Slobodan Milosevic et le Parti communiste de Serbie (1984-1992).

Slobodan Milosevic, parfois orthographié Slobodan Milosevitch, nait le 20 août 1941 à Pozarevac, en Serbie, et décède d'un infarctus du myocarde le 11 mars 2006 à Scheveningen, aux Pays-Bas, pendant son procès au Tribunal Pénal International de l'ONU pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), où il est jugé pour crime de guerre, crime contre l'humanité et crime de génocide, pour son rôle actif et sa responsabilité dans les conflits qui ont ensanglanté les Balkans de 1991 à 1999. Il est inhumé une semaine plus tard, le 18 mars, dans sa ville d'origine.

Milosevic commence à s'intéresser à la politique en 1959 pendant ses études à la Faculté de droit de l'Université de Belgrade, et rejoint la branche estudiantine de la Ligue des Communistes de Yougoslavie. Durant cette période universitaire, il fait la connaissance et devient un des plus proches amis d'Ivan Stambolic, dont son oncle Petar occupe le poste de Premier ministre communiste de Serbie.

En 1964, il termine ses études de droit. Il travaille d'abord dans l'industrie (Technogaz), où Stambolic est également employé, et devient le PDG de cette société en 1973. Avant de se spécialiser dans la finance, où il exerce de 1978 jusqu'en 1983 la fonction de directeur de la Beogradska Banka (ou Beobanka), la "Banque de Belgrade".

Milosevic entame sa carrière politique le 16 avril 1984 lorsqu'il est élu pour un mandant de deux ans président du Commité du Parti Communiste de Belgrade. Il fomente un coup d'Etat, évince et remplace deux ans plus tard, le 28 mai 1986, son ami de longue date Ivan Stambolic, à la tête du Comité Central du Parti Communiste de Serbie, et est réelu à ce même poste en 1988.


Hors des frontières de la Yougoslavie, il commence à faire parler de lui en 1987, lorsqu'il déclare publiquement devant les médias internationaux son soutien à la minorité serbe du Kosovo qui, dit-il, subit "l'oppression du gouvernement serbe de la province du Kosovo, dominé par la majorité albano-kosovar", élevée par la Constitution yougoslave au rang de nationalité, majorité composant alors 88% de la population de cette province autonome.

Le 8 mai 1989, Milosevic est élu Président de Serbie et avance ses idées prônant un nationalisme ethnique. Il décide de "mettre au pas" le Kosovo en annulant toute les mesures autonomistes prises par Tito depuis 1945. Le Communisme étant en déliquescence dans tous les pays de l'Europe de l'Est, il transforme en 1989 le Parti communiste de Serbie en Parti socialiste. Il préside également au changement de la Constitution qui lui permet de se donner des pouvoirs accrus.

Dans l'opposition serbe et y compris dans son propre parti, certaines voix commencent à s'élever contre la menace nationaliste (1), mais le 20 décembre 1992, il est réélu à la présidence, cette fois au suffrage universel direct. Mis en cause par la justice serbe dans des affaires de corruption, de fraudes électorales (les élections de septembre 2000) et d'abus de pouvoir, il est arrêté à Belgrade le 31 mars 2001.

Le 28 juin suivant, la Court Pénale Internationale ayant émis un mandat d'arrêt à son encontre pour sa responsabilité dans le déclenchement et la conduite de la guerre en ex-Yougoslavie, le Premier ministre Zoran Dzindic signe son ordre d'extradition vers La Haye, où il doit répondre devant le TPI des chefs d'accusation de crime de guerre, crime contre l'humanité et crime de génocide. Au cours de son procès, Milosevic meurt d'un infarctus du myocarde dans sa cellule de Scheveningen, aux Pays-Bas, le 11 mars 2006.


(1) Cercle de Belgrade, ou Beogradski Krug. ONG indépendante composée d'intellectuels serbes (philosophes, sociologues, historiens, etc.) défenseurs des Droits de l'homme, opposés au nationalisme et à la politique de Slobodan Milosevic, et fondée en 1991. Le Cercle de Belgrade a publié la revue Republika, organisé des colloques, réunions et prises de positions publiques, édité des ouvrages collectifs dont L'autre Serbie. Certains de ses membres, menacés par la police de Milosevic, ont du s'exiler et ont obtenu l'asile politique à l'étranger, notament en France, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.

Quelques membres illustres: Ivan Colovic, ethnologue, écrivain et professeur de littérature serbe né en 1938 et décoré de la Légion d'honneur par Jacques Chirac en 2001. Bogdan Bogdanovic, architecte et ancien maire de Belgrade, décédé à Vienne, en Autriche, le 18 juin 2010. Vidosav Stevanovic, écrivain. Obrad Savic, philosophe, dissident politique et ancien président de l'Association des Etudiants à l'Université de Belgrade, actuel Président du Cercle de Belgrade, et résidant dans le Massachusetts.



Eclatement de la Yougoslavie et guerres successives (1991-1999).

Le 25 janvier 1990, face à l'intransigeance des Serbes lors du 14ème Congrès de la Ligue Communiste de Yougoslavie, les délégations de la Croatie et de la Slovénie, "Etats indépendants et souverains" aux termes de la Constitution du 21 février 1974, déclarent ne plus adhérer à la République Fédérale Socialiste de Yougoslavie et quittent l'Assemblée. Lorsque la dissolution de cette fédération est constatée en janvier 1992, la Macédoine et la Bosnie-Herzégovine refusent de rejoindre l'union de la Serbie et du Monténégro, que Milosevic a constituée en avril 1992 sous le nom de République Fédérale de Yougoslavie (RFY).

Milosevic entreprend alors de "corriger" par la force les frontières de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine, sous prétexte que "les minorités serbes y vivant depuis le 15ème siècle sont menacés". Ces frontières ont été définitivement fixées en 1945 par Tito mais datent pour l'essentiel de plus de deux siècles, et la Constitution de 1974 précise que c'est "dans le cadre des républiques et des provinces autonomes" que les "peuples et les nationalités" exercent leurs "droits souverains".

Il lance donc deux guerres successives de conquête de territoires et d'extermination (ou expulsion) de leurs populations non-serbes: la première en été 1991 contre la Croatie, avec une Armée Fédérale Yougoslave (JNA) dont il a usurpé le commandement. La deuxième en mars 1992 contre les Bosniaques musulmans, derrière le prétexte d'une "insurrection locale" des Serbes contre le gouvernement légal d'Alija Izetbegovic.

A partir de février-mars 1998, dans la vallée de la Drenica, Milosevic entreprend une série de massacres et de tueries au Kosovo (Prekaz Qirez, Likoshan, Izbica, etc.) pour y provoquer une révolte de la population, albanaise à 88%, et ainsi neutraliser l'opposition serbe sous prétexte d'urgence patriotique. En effet, après les accords de Dayton de 1995, la population serbe, lassée des projets de sa "Grande Serbie" ethniquement pure, lui demande des comptes et vote contre lui: son parti perd les élections municipales de novembre 1996, et l'opposition devra manifester jour et nuit jusqu'en février 1997 pour qu'il finisse par reconnaître les vrais résultats. En juillet 1997, il est néanmoins élu à la présidence de la "République fédérale de Yougoslavie" (RFY).

Photo ci-dessous: charnier d'Izbica, au Kosovo, 1999.


Les massacres serbes au Kosovo qui, sous couleur de contre-insurection, ont fait entre 4,400 et 10,000 morts civils et près d'un million de réfugiés kosovars, finissent par convaincre les pays occidentaux, et en particulier les Etats-Unis, au bout de huit années de violences, que l'action militaire contre Slobodan Milosevic est nécessaire. Le 24 mars 1999, l'OTAN ordonne, contre l'opposition de la Russie au Conseil de Sécurité des Nations-Unies, des frappes aériennes contre la RFY.

L'opération de l'OTAN Allied Force, au bout de 78 jours de bombardements, force Milosevic à signer les accords de Kumanovo le 10 juin 1999, où il s'engage à retirer son armée régulière et ses forces paramilitaires du Kosovo. Le même jour, le Conseil de Sécurité de l'ONU vote la Résolution 1244, qui prévoit une administration provisoire de l'ONU (MINUK) et une présence militaire dirigée par l'OTAN: la KFOR.



Yougoslavie, suicide d'une nation européenne.

Vidéos documentaire de la BBC en six parties datant de 1995 et en version française, très instructives. Elles retracent l'enchainement des évenements et l'histoire entre 1989 et 1995 sur les causes et les responsabilités des guerres en ex-Yougoslavie, des crimes de guerre et génocides planifiés par les Serbes en Bosnie et en Croatie. Les évenements de 1998-1999 au Kosovo n'y figurent cependant pas.













Article modifié le 25 octobre 2019.


Vous pouvez aussi visionner:
Blogosphère Mara, Guerres en ex-Yougoslavie - Origine et causes
Blogosphère Mara, Guerres en ex-Yougoslavie - Conflit en Croatie (1991-1995)
Blogosphère Mara, Guerres en ex-Yougoslavie - Conflit en Bosnie-Herzégovine (1992-1995)
Blogosphère Mara, Guerres en ex-Yougoslavie - Conflit au Kosovo (1998-1999)


Sources disponibles:

Socialist Federal Republic of Yugoslavia (Wikipedia.org)
Breakup of Yugoslavia (Wikipedia.org)
Yugoslav Wars 1991-1995 (Wikipedia.org)

2 comments:

Anonymous said...

Trois observations sur votre remarque à propos de la réactivité internationale que vous déclarez différente lors des conflits du Moyen Orient et des Balkans :

I – La durée des conflits est différente (or la réaction internationale est toujours tardive) :
- les multiples conflits des Balkans s'échelonnent entre 1991 et 1999, soit pendant 8 ans,
- Le seul conflit du Moyen-Orient s'éternise depuis la victoire Israélienne de 1967, soit depuis plus de 40 ans.

II – La légitimité des causes en conflit est différente, ce qui rend la réactivité moins automatique.
- Pour les Balkans : Au nom des droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, les revendications Slovènes, Bosno-Serbes, Bosno-Croates ou kosovar sont légitimes : le principe d'intangibilité des frontières qui leur a été opposé concerne les frontières de pays existant et non celles des anciennes provinces d'un état yougoslave fédéral démembré.
Les crimes des serbes de Bosnie ont certes disqualifié leur cause, cependant n'oublions pas que leur revendication initiale de rattachement à la Serbie était justifiée (comme les revendications Bosno-Croates)
- Pour le Moyen-Orient. L'implantation de colonies israéliennes en territoires occupés est totalement illégitime (au sens des principes du droit international). De même, qu’est illégitime la non reconnaissance des Etats d’Israël et de Palestine.

III – Contrairement à votre affirmation, la plupart des Etats et les organismes internationaux sont restés beaucoup plus passifs sur le conflit du Moyen Orient.
Les seules interventions militaires au Liban (franco-américaine puis européenne) n’ont été accomplies qu’avec l’accord des parties belligérantes , Israël compris.
Les autres dénonciations et condamnations de la communauté internationale restent purement verbales et sans le moindre effet économique ou politique.

A propos le sujet principal de votre article :
C’est tout à l’honneur des Etats-Unis d’avoir dirigé et apporté les forces principales des interventions militaires, et d’avoir mis fin à l’épuration ethnique. Beaucoup de vies ont été, grâce à eux, sauvées.
On peut cependant être plus critique sur les solutions politiques imposées :
.
- Pour maintenir l’illusion d’une Bosnie unie, on a spolié les droits des minorités (plus de 45% de la population !) serbes et croates, tout en accordant une telle autonomie aux provinces bosniaques que l’Etat central n’y est plus viable.

- On accorde aux Kosovars le droit de quitter la Serbie, et pour leur seul confort économique, on reconnaît leur indépendance alors que la logique aurait voulu de les intégrer à l’Albanie .

- On encourage le séparatisme (Macédoine, Monténégro) et on crée ainsi des Etats croupions (aux populations hétérogènes).

Bruno Broc 'Broc_Ex_Co'

Julien Marbot said...

@Bruno Broc,

Tout dépend du point de vue.

Colonisation, vous voulez dire quoi exactement?
Quelque chose de ressemblant à ce qui se passe chez nous en Europe, c'est cela!
Car nous, en Europe, sommes très clairement coloniser par les musulmans avec l'aide des gauchistes à leur solde, comme cela fut le cas il y 70 ans avec les nazis.
On reprend les même et on recommence...
Toujours a vouloir résoudre et se mêler des "problèmes" des autres et on fini par oublier de s'occuper de soi!
Je suis aujourd'hui intimement convaincu qu'il est impossible de dialoguer avec des gens pratiquant la taqyia comme un de ces 5 sens !
Je me base sur ce que je vois en Belgique et en France.
Quand les gens comprendront il sera trop tard et l'ex Yougoslavie, ne sera pour nous qu'un très pale reflet de ce qui va arriver, chez nous!
Heureusement pour vous aucune ingérence américaine ne sera là pour nous sauver !

A méditer...