Il est des avions qui ont réellement la vie dure. Lorsqu'il apparut, l'Invader n'offrait guère de perspectives de développement, et il ne donna pas d'emblée d'excellents résultats. Pourtant, sa carrière se prolongea bien au-delà de celle des autres bombardiers de la même époque. Pour les équipages qui volèrent à son bord, l'avion, placé entre les mains de bons pilotes, fut exceptionnel.
Quel avion a-t-il été engagé dans autant de conflit? Le A-26 a en effet combattu au cours des derniers mois de la Seconde Guerre mondiale, puis en Indochine, en Corée, en Algérie, à Cuba lors de la tentative de débarquement des contre-révolutionnaires cubains dans la baie des Cochons, au Congo et au Biafra, ainsi qu'au Vietnam.
Conçu par les ingénieurs du bureau d'étude d'Edward H. Heinemann, à l'usine Douglas d'El Segundo, en Californie, l'avion était destiné à remplacer le A-20 Havoc.
Le prototype XA-26 (42-19504) effectua son premier vol le 10 juillet 1942, piloté par Benjamin O. Howard. Hormis les importantes casseroles d'hélices, qui n'allaient pas tarder à disparaître, son aspect annonçait déjà celui des machines de série.
Dès l'origine, Heinemann mit au point trois variante de l'avion: le XA-26, qui allait donner l'A-26C, bombardier doté d'un nez vitré. Le A-26A, chasseur de nuit équipé d'un radar et armé de quatre canons de 20mm montés sous le fuselage. Et le XA-26B, au nez plein amplement pourvu d'armement, avion d'attaque au sol.
La version de chasse de nuit n'eut qu'une existance éphémère, en dépit du second souffle que l'Armée de l'Air française lui donna à la fin des années cinquantes. Quant aux autres variantes, elles furent produites en grande série par les usines Douglas de Long Beach, en Californie, et de Tulsa, en Oklahoma.
Le A-26B était pourvu de six, et plus tard de huit, mitrailleuses de 12.7mm montées dans le nez, ainsi que de deux tourelles télécommandées, dotées chacune de deux armes identiques. Le nombre total de mitrailleuses pouvait atteindre vingt-deux, puisqu'il était possible d'en monter jusqu'à dix autres sous la voilure et sous le fuselage. Fortement blindé et capable d'emporter 1800kg de bombes, le A-26B fut le plus rapide de tous les bombardiers alliés de la Seconde Guerre mondiale. A l'altitude de 4600m, il atteignait 570km/h.
Après 1355 A-26B construits, Douglas produisit 1091 A-26C à nez vitré.
A-26 Invader au combat.
Ce furent les Invader du 553rd Bomb Squadron, basé à Great Dunmow, en Angleterre, qui furent les premiers avions de ce type engagés en opérations, dès le mois de septembre 1944. L'avion fit bientôt son apparition en France et en Italie, multipliant les attaques contre les forces allemandes alors même que sa mise au point n'était pas véritablement achevée.
Les pilotes appréciaient sa maniabilité et son pilotage aisé, mais l'instrumentation était inutilement complexe, et le train d'atterrissage avant ne tarda pas à se révéler fragile. Quant aux principaux panneaux transparents du poste de pilotager, qui servaient d'issues de secours en cas d'atterrissage forcé, il était difficile de les maintenir en position ouverte. Ces difficultés trouvèrent rapidement une solution, les pilotes maîtrisant alors parfaitement cet avion qui exigeait une attention soutenue, mais qui possédait des réelles qualités.
Sur le théâtre d'opération européen, les Invader effectuèrent 11567 sorties. Le A-26 était suffisamment maniable pour pouvoir se défendre face aux chasseurs ennemis. Le major Myron L. Durkee, du 553rd Bomb Squadron appartenant au 386th Bombardment Group [Light], basé à Beaumont-le-Roger, non loin d'Evreux, remporta même une victoire probable aux dépends d'un Messerschmitt Me262, le 19 février 1945. L'US Army Air Force (USAAF) perdit en Europe 67 Invader, par accident ou du fait de l'ennemi, et les A-26 totalisèrent sept victoires confirmées en combat aérien.
Dans le Pacifique, le Invader connut tout d'abord des débuts difficiles, avant de donner pleinement satisfaction. Avec ses deux moteurs Pratt and Whitney R-2800-27 Double Wasp de 2000 chevaux, qui lui conféraient une vitesse d'environ 600km/h au niveau de la mer, l'avion constituait un adversaire redoutable pour les navires et les objectifs au sol.
Néammoins, les pilotes mirent un certain temps à tirer parti des qualités de l'avion. Habitués à être seuls, haut perchés, dans la cabine de leurs A-20, ils durent s'adapter à la présence à leur droite du navigateur, qui, bien que ne disposant pas de commandes, faisait presque fonction de copilote.
Lors des attaques à la roquette, il arrivait fréquemment que des éclats endommagent le dessous du fuselage ou les ailes. Convaincu que ce type d'avion ne convenait pas pour effectuer des attaques à basse altitude, le général George C. Kenney, commandant de la 5ème US Air Force dans le Pacifique Sud-Ouest, demanda que les A-20 ne soient pas remplacés par des A-26. Il n'obtint toutefois pas satisfaction, et, dans certaines unités les A-26 prirent même la relève de North American B-25 Mitchell.
Les A-26 Invader des 3rd, 41st et 319th Bombardment Group [Light] opérèrent à Formose, à Okinawa et contre la métropole japonaise elle-même. Ils furent engagés non loin de Nagazaki, aussitôt après que cette ville eut été rasée par l'explosion de la seconde bombe atomique, le 9 août 1945. Après la capitulation du Japon, plusieurs unités de A-26 demeurèrent stationnés en Extrême-Orient, notamment en Corée.
La paix étant revenue, les prototypes XA-26D et XA-26E n'eurent pas de suite. Le second, équipé d'un nez vitré et de moteurs R-2800-83 de 2100 chevaux, était un avion à hautes performances, doté des mêmes moteurs que le XA-26D et conçu pour être aussi rapide que lui. Un seul Invader, numéro de série 44-34586, fut transformé en XA-26F par montage, dans l'arrière du fuselage, d'un réacteur General Electric I-16 de 725kg de poussée. Il reçut en outre des hélices quadripales Hamilton Standard et vola semble-t-il assez longtemps sans que l'installation expérimentale du réacteur débouche sur une application pratique.
En Indochine, en Corée et ailleurs.
Lorsque les forces nord-coréennes envihirent le sud de la péninsule, le 25 juin 1950, et plus tard en novembre, quand la Chine intervint directement dans ce conflit très localisé, la robustesse et la puissance de feu de l'avion, dont la disparition du Marauder avait permis sa redésignation en B-26 Invader, prirent une importance toute particulière. Il était en effet capable d'attaquer avec une grande efficacité les chars et les convois de camions chinois et nord-coréens. Et il allait également être employé comme bombardier à moyenne et haute altitudes.
Les B-26B et B-26C effectuèrent en outre des raids nocturnes en Corée du Nord, notamment contre des objectifs ferroviaires. Dans un premier temps, ils ne furent équipés que de projecteurs et de fusées éclairantes assez rudimentaires.
Le 14 septembre 1951, le capitaine John Walmsley, pilotant le B-26B 43-49770, s'en prit à un important convoi ennemi. Lorsqu'il tomba à court de munitions, il n'en continua pas moins à survoler le secteur, sous le feu nourri de l'artillerie antiaérienne, afin de signaler des objectifs à son ailier. Son avion fut abattu et Walmsley trouva la mort, mais le courage dont il avait fait preuve lui valu de recevoir à titre posthume la plus haute distinction militaire américaine, la Médaille d'Honneur du Congrès, dont trois autres aviateurs seulement furent décorées au cours des trois années que dura la guerre de Corée.
Les 3rd, 17th, 47th et 452th Bomb Groups furent engagés sans relâche. Quant au 67th Tactical Reconnaissance Wing, équipé de RB-26C dépourvus de tourelle dorsale, il accomplit de très nombreuses missions photographiques. En toutes circonstances, le B-26 donna pleinement satisfaction à ses équipages, qui revendiquèrent même plusieurs victoires aux dépends de MiG-15 chinois.
Le principal utilisateur du Invader, hormis l'USAF, fut l'Armée de l'air française, qui reçut tout d'abord, en Indochine, 113 B-26B, B-26C et RB-26C, chiffre qui atteignit plus tard 180. Les "Leader" (B-26C) et "Straffer" (B-26B) des groupes 1/9 Gascogne, 1/25 Tunisie et 1/91 Bourgogne, ainsi que les RB-26C de l'Escadrille de Reconnaissance Photographique (ERP) 2/19 Armagnac, opérèrent de 1951 à 1954 dans des conditions de plus en plus difficiles, jusqu'à la chute de Dien Bien Phu. Ils effectuèrent de nombreuses missions sur la cuvette, et prirent part aux attaques de voies de communication du Vietminh.
Certains de ces avions furent rendus aux Etats-Unis à la suite des accords de Genève. Les autres furent à nouveau engagés en opérations pendant la guerre d'Algérie, jusqu'au début de 1962.
La carrière du B-26 aux couleurs françaises se poursuivit pendant sept années encore, principalement au sein du Centre d'Instruction de Bombardement (CIB, plus tard CIFAS) 328, à Cognac puis à Bordeaux-Mérignac, afin de former les futurs pilotes de Vautour et de Mirage IV. Quelques machines furent en outre affectées au Centre d'essais en vol, de même qu'au Centre d'expérience aériennes militaires (CEAM) de Mont-de-Marsan. Les derniers B-26 français furent ferraillés en 1970, à Châteaudun.
En 1955, l'Arabie Saoudite prit livraison de 9 B-26B précédemment utilisé par l'USAF. Six ans plus tard, le nombre de pays dont les forces disposait d'Invader s'élevait à vingt et un. C'étaient pour la plupart des pays d'Amérique latine, mais le Congo et l'Indonésie figuraient également sur la liste.
C'est en 1961 que des B-26 pilotés par des Cubains exilés aux Etats-Unis appuyèrent une tentative de débarquement dans la baie des Cochons, où ils se heurtèrent à d'autres B-26 dont les Castristes avaient pu s'emparer. Cette aventure contre-révolutionnaire, en dépit du soutien ouvert de la Maison-Blanche, se soldat par un échec.
Avion antiguérilla au Vietnam.
En Asie du Sud-Est, les Etats-Unis prirent le relais de la France. En 1962, le gouvernement américain livra à son allié de Saigon des B-26B et RB-26C, qui furent aussitôt engagés contre le Vietcong par des équipages américains, bien qu'arborant les cocardes sud-vietnamiennes, fort peu différentes de celles de leur pays d'origine.
Au début de 1964, des problèmes de fatigue de la structure entraînèrent la fin des opérations sur B-26, à la suite de la perte d'un avion dont une aile s'était détachée en vol. L'US Air Force (USAF) décida de donner un second souffle aux machines qui présentaient encore un potentiel d'heure de vol important, en les adaptant aux conditions de la guerre anti-insurrectionnelle en Asie du Sud-Est. La société On Mark Engineering de Van Nuys, en Californie, qui fut chargée de l'opération, avait déjà auparavant transformé des B-26 en avion d'affaire. Ainsi apparut le YB-26K, un avion presque nouveau, dont la version de série décolla pour la première fois en mai 1964.
Extérieurement assez semblable aux variantes antérieures, le B-26K s'en différentiait profondément par ses équipements et son aménagement intérieur. Les deux tourelles avaient été supprimées, la voilure avait subi un renforcement, et la surface des empennages avait été augmentée. Les moteurs choisis furent des Pratt and Whitney R-2800-52W à hélices à pas réversible et mise en drapeau.
Le YB-26K était armé, outre ses mitrailleuses de nez, de six autres armes de 12.7mm dans la voilure, au-dessous de laquelle on trouvait huit pylones d'emport pour charges extérieurs. Les mitrailleuses d'aile furent supprimées sur le modèle de série B-26K, dont un seul exemplaire fut équipé d'un nez vitré.
Le prototype fut essayé à Edwards AFB, en Californie, puis au Congo et dans la zone du canal de Panama. Les 40 B-26K de série (63-17630 à 63-17679), redésignés A-26A, obtinrent des succès mitigés au Vietnam, où ils opérèrent jusqu'en 1970 au sein du 609th Special Operations Squadron à partir de Nakhon Phanom, en Thaïlande, pour des missions spéciales sur le Laos, le Cambodge et le Vietnam.
Aux commandes de l'Invader.
Le lieutenant-colonel Theodore R. Aylesworth, qui eut en main les A-26C du 416th Bomb Group, engagé sur le théâtre européen en 1945, a pu déclarer à propos de cette machine:
"L'avion était gracieux, puissant, mais pardonnait rarement les erreurs de pilotage. Son train tricycle à large voie le rendait aisément manoeuvrable au sol. Au décollage, à pleine charge, il lui fallait une bonne longueur de piste, mais il gagnait ensuite rapidement de l'altitude. Une fois l'aménagement du tableau de bord changé, l'avion fut plus agréable à piloter, et l'importante surface de dérive lui conférait une bonne stabilité longitudinale. [...] Le pilote ne bénéficiait pas, sur les côtés, d'un champ de vision aussi étendu que sur le A-20. Lui seul disposait de commandes, et le poste de pilotage, quoique vaste, était assez encombré. Le navigateur, assis à droite sur un strapontin, ne jouissait pas d'un très grand confort. Dès que les bombes avaient été larguées, on pouvait se croire aux commandes d'un chasseur, tant l'avion était rapide et maniable. A certaines altitudes et dans des conditions données, le rayon de virage était inférieur à celui du Messerschmitt Bf-109. En fait, nous redoutions assez peu les chasseurs ennemis, ayant toujours la possibilité de rompre le combat, ou au moins de nous défendre à armes égales."
Bien que des B-26 aient été transformés en avions d'affaires au cours des années cinquantes, à l'époque où ces avions n'étaient pas conçus comme tels depuis le début, il n'y a de nos jours que peu de survivants. Quelques-uns volent encore aux Etats-Unis grâce aux fanatiques de la restauration d'avions de guerre. Et un B-26 orne la porte d'entrée de Hurlburt AFB, en Floride, siège de l'US Special Operations Command, en hommage à une machine dont les derniers pilotes n'étaient même pas nés quand le prototype sortit d'usine.
Caractéristiques techniques du Douglas B-26K / On Mark A-26A Counter Invader.
- Type: avion de lutte anti-guérilla.
- Equipage: 2 personnes.
- Moteurs: 2 Pratt and Whitney R-2800-103W Double Wasp de 18 cylindres en étoile.
- Performances: vitesse maximale en configuration lisse à 4000m d'altitude, 587km/h. Plafond pratique en charge, 6500m. Distance franchissable, 2100km.
- Masse: à vide, 10750kg. Maximale au décollage, 19680kg.
- Dimensions: envergure, 21.34m. Longueur, 15.60m. Hauteur, 5.60m. Surface alaire, 50.17m².
- Armement: 8 mitrailleuses de 12.7mm dans le nez. Jusqu'à 5440kg de charges diverses dans la soute et sous les 8 pylones d'emport de voilure.
Quel avion a-t-il été engagé dans autant de conflit? Le A-26 a en effet combattu au cours des derniers mois de la Seconde Guerre mondiale, puis en Indochine, en Corée, en Algérie, à Cuba lors de la tentative de débarquement des contre-révolutionnaires cubains dans la baie des Cochons, au Congo et au Biafra, ainsi qu'au Vietnam.
Conçu par les ingénieurs du bureau d'étude d'Edward H. Heinemann, à l'usine Douglas d'El Segundo, en Californie, l'avion était destiné à remplacer le A-20 Havoc.
Le prototype XA-26 (42-19504) effectua son premier vol le 10 juillet 1942, piloté par Benjamin O. Howard. Hormis les importantes casseroles d'hélices, qui n'allaient pas tarder à disparaître, son aspect annonçait déjà celui des machines de série.
Dès l'origine, Heinemann mit au point trois variante de l'avion: le XA-26, qui allait donner l'A-26C, bombardier doté d'un nez vitré. Le A-26A, chasseur de nuit équipé d'un radar et armé de quatre canons de 20mm montés sous le fuselage. Et le XA-26B, au nez plein amplement pourvu d'armement, avion d'attaque au sol.
La version de chasse de nuit n'eut qu'une existance éphémère, en dépit du second souffle que l'Armée de l'Air française lui donna à la fin des années cinquantes. Quant aux autres variantes, elles furent produites en grande série par les usines Douglas de Long Beach, en Californie, et de Tulsa, en Oklahoma.
Le A-26B était pourvu de six, et plus tard de huit, mitrailleuses de 12.7mm montées dans le nez, ainsi que de deux tourelles télécommandées, dotées chacune de deux armes identiques. Le nombre total de mitrailleuses pouvait atteindre vingt-deux, puisqu'il était possible d'en monter jusqu'à dix autres sous la voilure et sous le fuselage. Fortement blindé et capable d'emporter 1800kg de bombes, le A-26B fut le plus rapide de tous les bombardiers alliés de la Seconde Guerre mondiale. A l'altitude de 4600m, il atteignait 570km/h.
Après 1355 A-26B construits, Douglas produisit 1091 A-26C à nez vitré.
A-26 Invader au combat.
Ce furent les Invader du 553rd Bomb Squadron, basé à Great Dunmow, en Angleterre, qui furent les premiers avions de ce type engagés en opérations, dès le mois de septembre 1944. L'avion fit bientôt son apparition en France et en Italie, multipliant les attaques contre les forces allemandes alors même que sa mise au point n'était pas véritablement achevée.
Les pilotes appréciaient sa maniabilité et son pilotage aisé, mais l'instrumentation était inutilement complexe, et le train d'atterrissage avant ne tarda pas à se révéler fragile. Quant aux principaux panneaux transparents du poste de pilotager, qui servaient d'issues de secours en cas d'atterrissage forcé, il était difficile de les maintenir en position ouverte. Ces difficultés trouvèrent rapidement une solution, les pilotes maîtrisant alors parfaitement cet avion qui exigeait une attention soutenue, mais qui possédait des réelles qualités.
Sur le théâtre d'opération européen, les Invader effectuèrent 11567 sorties. Le A-26 était suffisamment maniable pour pouvoir se défendre face aux chasseurs ennemis. Le major Myron L. Durkee, du 553rd Bomb Squadron appartenant au 386th Bombardment Group [Light], basé à Beaumont-le-Roger, non loin d'Evreux, remporta même une victoire probable aux dépends d'un Messerschmitt Me262, le 19 février 1945. L'US Army Air Force (USAAF) perdit en Europe 67 Invader, par accident ou du fait de l'ennemi, et les A-26 totalisèrent sept victoires confirmées en combat aérien.
Dans le Pacifique, le Invader connut tout d'abord des débuts difficiles, avant de donner pleinement satisfaction. Avec ses deux moteurs Pratt and Whitney R-2800-27 Double Wasp de 2000 chevaux, qui lui conféraient une vitesse d'environ 600km/h au niveau de la mer, l'avion constituait un adversaire redoutable pour les navires et les objectifs au sol.
Néammoins, les pilotes mirent un certain temps à tirer parti des qualités de l'avion. Habitués à être seuls, haut perchés, dans la cabine de leurs A-20, ils durent s'adapter à la présence à leur droite du navigateur, qui, bien que ne disposant pas de commandes, faisait presque fonction de copilote.
Lors des attaques à la roquette, il arrivait fréquemment que des éclats endommagent le dessous du fuselage ou les ailes. Convaincu que ce type d'avion ne convenait pas pour effectuer des attaques à basse altitude, le général George C. Kenney, commandant de la 5ème US Air Force dans le Pacifique Sud-Ouest, demanda que les A-20 ne soient pas remplacés par des A-26. Il n'obtint toutefois pas satisfaction, et, dans certaines unités les A-26 prirent même la relève de North American B-25 Mitchell.
Les A-26 Invader des 3rd, 41st et 319th Bombardment Group [Light] opérèrent à Formose, à Okinawa et contre la métropole japonaise elle-même. Ils furent engagés non loin de Nagazaki, aussitôt après que cette ville eut été rasée par l'explosion de la seconde bombe atomique, le 9 août 1945. Après la capitulation du Japon, plusieurs unités de A-26 demeurèrent stationnés en Extrême-Orient, notamment en Corée.
La paix étant revenue, les prototypes XA-26D et XA-26E n'eurent pas de suite. Le second, équipé d'un nez vitré et de moteurs R-2800-83 de 2100 chevaux, était un avion à hautes performances, doté des mêmes moteurs que le XA-26D et conçu pour être aussi rapide que lui. Un seul Invader, numéro de série 44-34586, fut transformé en XA-26F par montage, dans l'arrière du fuselage, d'un réacteur General Electric I-16 de 725kg de poussée. Il reçut en outre des hélices quadripales Hamilton Standard et vola semble-t-il assez longtemps sans que l'installation expérimentale du réacteur débouche sur une application pratique.
En Indochine, en Corée et ailleurs.
Lorsque les forces nord-coréennes envihirent le sud de la péninsule, le 25 juin 1950, et plus tard en novembre, quand la Chine intervint directement dans ce conflit très localisé, la robustesse et la puissance de feu de l'avion, dont la disparition du Marauder avait permis sa redésignation en B-26 Invader, prirent une importance toute particulière. Il était en effet capable d'attaquer avec une grande efficacité les chars et les convois de camions chinois et nord-coréens. Et il allait également être employé comme bombardier à moyenne et haute altitudes.
Les B-26B et B-26C effectuèrent en outre des raids nocturnes en Corée du Nord, notamment contre des objectifs ferroviaires. Dans un premier temps, ils ne furent équipés que de projecteurs et de fusées éclairantes assez rudimentaires.
Le 14 septembre 1951, le capitaine John Walmsley, pilotant le B-26B 43-49770, s'en prit à un important convoi ennemi. Lorsqu'il tomba à court de munitions, il n'en continua pas moins à survoler le secteur, sous le feu nourri de l'artillerie antiaérienne, afin de signaler des objectifs à son ailier. Son avion fut abattu et Walmsley trouva la mort, mais le courage dont il avait fait preuve lui valu de recevoir à titre posthume la plus haute distinction militaire américaine, la Médaille d'Honneur du Congrès, dont trois autres aviateurs seulement furent décorées au cours des trois années que dura la guerre de Corée.
Les 3rd, 17th, 47th et 452th Bomb Groups furent engagés sans relâche. Quant au 67th Tactical Reconnaissance Wing, équipé de RB-26C dépourvus de tourelle dorsale, il accomplit de très nombreuses missions photographiques. En toutes circonstances, le B-26 donna pleinement satisfaction à ses équipages, qui revendiquèrent même plusieurs victoires aux dépends de MiG-15 chinois.
Le principal utilisateur du Invader, hormis l'USAF, fut l'Armée de l'air française, qui reçut tout d'abord, en Indochine, 113 B-26B, B-26C et RB-26C, chiffre qui atteignit plus tard 180. Les "Leader" (B-26C) et "Straffer" (B-26B) des groupes 1/9 Gascogne, 1/25 Tunisie et 1/91 Bourgogne, ainsi que les RB-26C de l'Escadrille de Reconnaissance Photographique (ERP) 2/19 Armagnac, opérèrent de 1951 à 1954 dans des conditions de plus en plus difficiles, jusqu'à la chute de Dien Bien Phu. Ils effectuèrent de nombreuses missions sur la cuvette, et prirent part aux attaques de voies de communication du Vietminh.
Certains de ces avions furent rendus aux Etats-Unis à la suite des accords de Genève. Les autres furent à nouveau engagés en opérations pendant la guerre d'Algérie, jusqu'au début de 1962.
La carrière du B-26 aux couleurs françaises se poursuivit pendant sept années encore, principalement au sein du Centre d'Instruction de Bombardement (CIB, plus tard CIFAS) 328, à Cognac puis à Bordeaux-Mérignac, afin de former les futurs pilotes de Vautour et de Mirage IV. Quelques machines furent en outre affectées au Centre d'essais en vol, de même qu'au Centre d'expérience aériennes militaires (CEAM) de Mont-de-Marsan. Les derniers B-26 français furent ferraillés en 1970, à Châteaudun.
En 1955, l'Arabie Saoudite prit livraison de 9 B-26B précédemment utilisé par l'USAF. Six ans plus tard, le nombre de pays dont les forces disposait d'Invader s'élevait à vingt et un. C'étaient pour la plupart des pays d'Amérique latine, mais le Congo et l'Indonésie figuraient également sur la liste.
C'est en 1961 que des B-26 pilotés par des Cubains exilés aux Etats-Unis appuyèrent une tentative de débarquement dans la baie des Cochons, où ils se heurtèrent à d'autres B-26 dont les Castristes avaient pu s'emparer. Cette aventure contre-révolutionnaire, en dépit du soutien ouvert de la Maison-Blanche, se soldat par un échec.
Avion antiguérilla au Vietnam.
En Asie du Sud-Est, les Etats-Unis prirent le relais de la France. En 1962, le gouvernement américain livra à son allié de Saigon des B-26B et RB-26C, qui furent aussitôt engagés contre le Vietcong par des équipages américains, bien qu'arborant les cocardes sud-vietnamiennes, fort peu différentes de celles de leur pays d'origine.
Au début de 1964, des problèmes de fatigue de la structure entraînèrent la fin des opérations sur B-26, à la suite de la perte d'un avion dont une aile s'était détachée en vol. L'US Air Force (USAF) décida de donner un second souffle aux machines qui présentaient encore un potentiel d'heure de vol important, en les adaptant aux conditions de la guerre anti-insurrectionnelle en Asie du Sud-Est. La société On Mark Engineering de Van Nuys, en Californie, qui fut chargée de l'opération, avait déjà auparavant transformé des B-26 en avion d'affaire. Ainsi apparut le YB-26K, un avion presque nouveau, dont la version de série décolla pour la première fois en mai 1964.
Extérieurement assez semblable aux variantes antérieures, le B-26K s'en différentiait profondément par ses équipements et son aménagement intérieur. Les deux tourelles avaient été supprimées, la voilure avait subi un renforcement, et la surface des empennages avait été augmentée. Les moteurs choisis furent des Pratt and Whitney R-2800-52W à hélices à pas réversible et mise en drapeau.
Le YB-26K était armé, outre ses mitrailleuses de nez, de six autres armes de 12.7mm dans la voilure, au-dessous de laquelle on trouvait huit pylones d'emport pour charges extérieurs. Les mitrailleuses d'aile furent supprimées sur le modèle de série B-26K, dont un seul exemplaire fut équipé d'un nez vitré.
Le prototype fut essayé à Edwards AFB, en Californie, puis au Congo et dans la zone du canal de Panama. Les 40 B-26K de série (63-17630 à 63-17679), redésignés A-26A, obtinrent des succès mitigés au Vietnam, où ils opérèrent jusqu'en 1970 au sein du 609th Special Operations Squadron à partir de Nakhon Phanom, en Thaïlande, pour des missions spéciales sur le Laos, le Cambodge et le Vietnam.
Aux commandes de l'Invader.
Le lieutenant-colonel Theodore R. Aylesworth, qui eut en main les A-26C du 416th Bomb Group, engagé sur le théâtre européen en 1945, a pu déclarer à propos de cette machine:
"L'avion était gracieux, puissant, mais pardonnait rarement les erreurs de pilotage. Son train tricycle à large voie le rendait aisément manoeuvrable au sol. Au décollage, à pleine charge, il lui fallait une bonne longueur de piste, mais il gagnait ensuite rapidement de l'altitude. Une fois l'aménagement du tableau de bord changé, l'avion fut plus agréable à piloter, et l'importante surface de dérive lui conférait une bonne stabilité longitudinale. [...] Le pilote ne bénéficiait pas, sur les côtés, d'un champ de vision aussi étendu que sur le A-20. Lui seul disposait de commandes, et le poste de pilotage, quoique vaste, était assez encombré. Le navigateur, assis à droite sur un strapontin, ne jouissait pas d'un très grand confort. Dès que les bombes avaient été larguées, on pouvait se croire aux commandes d'un chasseur, tant l'avion était rapide et maniable. A certaines altitudes et dans des conditions données, le rayon de virage était inférieur à celui du Messerschmitt Bf-109. En fait, nous redoutions assez peu les chasseurs ennemis, ayant toujours la possibilité de rompre le combat, ou au moins de nous défendre à armes égales."
Bien que des B-26 aient été transformés en avions d'affaires au cours des années cinquantes, à l'époque où ces avions n'étaient pas conçus comme tels depuis le début, il n'y a de nos jours que peu de survivants. Quelques-uns volent encore aux Etats-Unis grâce aux fanatiques de la restauration d'avions de guerre. Et un B-26 orne la porte d'entrée de Hurlburt AFB, en Floride, siège de l'US Special Operations Command, en hommage à une machine dont les derniers pilotes n'étaient même pas nés quand le prototype sortit d'usine.
Caractéristiques techniques du Douglas B-26K / On Mark A-26A Counter Invader.
- Type: avion de lutte anti-guérilla.
- Equipage: 2 personnes.
- Moteurs: 2 Pratt and Whitney R-2800-103W Double Wasp de 18 cylindres en étoile.
- Performances: vitesse maximale en configuration lisse à 4000m d'altitude, 587km/h. Plafond pratique en charge, 6500m. Distance franchissable, 2100km.
- Masse: à vide, 10750kg. Maximale au décollage, 19680kg.
- Dimensions: envergure, 21.34m. Longueur, 15.60m. Hauteur, 5.60m. Surface alaire, 50.17m².
- Armement: 8 mitrailleuses de 12.7mm dans le nez. Jusqu'à 5440kg de charges diverses dans la soute et sous les 8 pylones d'emport de voilure.
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