Construction du Mur de l'Atlantique.
A la fin de l'année 1942, après le débarquement des Anglo-Américains en Afrique du Nord française (Opération Torch), le Haut-commandement allemand commence à envisager l'éventualité d'un débarquement allié dans le nord de la France, à partir de l'Angleterre. Eventualité qui devient quasi-certitude dans les premiers mois de 1944.
Auparavant, le 23 mars 1942, Adolf Hitler, en signant sa directive n°40 (1), a ordonné officiellement la construction d'un "Mur de l'Atlantique" et le renforcement des troupes allemandes sur le front de l'Ouest. L'organisation Todt, qui est déjà à l'origine des fortifications de la Ligne Siegfried (Westwall) sur la frontière occidentale de l'Allemagne, est désignée pour concevoir, entreprendre et superviser les travaux.
En décembre 1943, le maréchal Erwin Rommel se voit confier par Hitler une mission d'inspection des fortifications du Mur de l'Atlantique. En janvier 1944, il est nommé commandant du Heeresgruppe B, en charge de la défense du nord-ouest de l'Europe, des Pays-Bas jusqu'à la Loire, la zone la plus probable pour le débarquement allié.
Pour le Renard du Désert, le débarquement allié doit être repoussé sur les plages même dans les plus brefs délais, sinon la guerre est perdue. Ce système de défense sous-entend que les troupes allemandes doivent être placées le plus près possible du littoral.
Ci-dessous: les différents officiers généraux allemands responsables du Front Ouest. De gauche à droite, le maréchal Gerd von Rundstedt, Commandant suprême des troupes allemandes sur le Front Occidental (OB-West), le maréchal Erwin Rommel, commandant du Groupe d'Armées (Heeresgruppe) B, à qui incombe les systèmes de défense sur le littoral français et belge, le général Friedrich Dollman, qui dirige la 7ème Armée allemande stationnée en Normandie, et le général Hans von Salmuth, son homologue de la 15ème Armée allemande, dans le Pas-de-Calais.
Photo ci-dessous: von Rundsted et Rommel discutent lors d'une réunion à l'Hotel George V de Paris, le 19 décembre 1943.
Son supérieur, le maréchal Gerd von Rundstedt, commandant suprême des forces allemandes sur le front occidental (OB-West), au contraire, est partisan d'un système de défense mobile: des troupes armées et blindées seraient disposées en retrait dans les terres, celles-ci étant logiquement moins exposées aux attaques aériennes alliées, et qui livreraient combat après le débarquement ennemi. Il mise sur le fait que les Alliés, s'ils ne disposent pas rapidement d'un port, ne pourraient combattre longtemps. Hitler arbitre entre les deux et donne finalement raison à Rommel.
Vidéo ci-dessous: documentaire "Nazi Mégastructures" - EP01: "Mur de l'Atlantique".
Défenses allemandes: fortifications, artillerie et obstacles de plages.
Lors de son inspection de janvier 1944, Rommel estime que les défenses côtières telles qu'il les trouve sont inadaptées et insuffisantes. Il ordonne immédiatement leur renforcement. Sous sa direction, une ligne d'emplacement de tir abrité en béton renforcé le long des plages est construite, pour abriter des mitrailleuses, des armes anti-chars et de l'artillerie légère. Des champs de mines et des obstacles anti-chars sont posées sur les plages elle-même et des obstacles sous-marins ainsi que des mines posées juste à la limite de marée. Le but étant de détruire les péniches de débarquement avant qu'elles aient pu débarquer leurs hommes ou véhicules.
A la date du débarquement allié, les Allemands auront ainsi posé plus de six millions de mines dans le nord de la France, sur les plages, à l'intérieur des terres et sur les routes menant aux plages. Sur les plages et dans les zones susceptibles de voir atterrir des planeurs alliés, les Allemands plantent des poteaux pointus que les troupes allemandes appellent les Rommelspargel ("Asperges de Rommel"), sur lesquelles ils fixent des mines, chargées de bloquer les barges de débarquement à marée haute. Et à marée basse, les soldats alliés auront à parcourir au moins 300m ou 350m à découvert, empétrés dans tous ces obstacles et ces barbelés.
Pour contrer les parachutages ennemis, Rommel fait également inonder les basses terres de la péninsule du Cotentin jusqu'aux Pays-Bas.
Le Mur de l'Atlantique est composé principalement de batteries d'artilleries côtières, de postes de direction de tir, de bunkers, de nids de mitrailleuses, de "tobrouk", des tourelles de chars servant de pièces d'artillerie, de stations radars de surveillance et des champs de mines.
- Artillerie côtière. Les batteries d'artillerie représentent le coeur du Mur de l'Atlantique. Autour d'elles, se développent les Widerstandsnest ou WN ("nids de résistance"). Ces batteries sont généralement constituées d'un canon de marine de gros calibre autour duquel on construit un bunker, généralement dans cet ordre au vu de la taille imposante des pièces d'artillerie. Certaines de celles-ci ont une portée de plusieurs dizaines de kilomètres, et des batteries présentes dans le Pas-de-Calais sont capables d'envoyer leurs obus jusque sur le territoire anglais, de l'autre côté du Channel (La Manche).
- Postes de direction de tir. Ces bunkers sur plusieurs niveaux abritent les instruments électroniques et optiques de tir, les télémètres, nécessaires à l'orientation du tir des canons de la batterie d'artillerie.
- Tobrouks. ces petits bunkers individuels sont des sortes d'abris ouverts sur l'extérieur dans leur partie supérieure par un trou. Les personnels affectés dans les tobrouks étaient généralement équipés de mitrailleuses MG-34 ou MG-42. Les tobrouks pouvaient également être recouverts d'une cloche d'acier ou d'une tourelle de char du même diamètre.
Le Jour J, 15,000 ouvrages betonnés ont été construit tout le long du littoral, de la frontière espagnole au nord de la Norvège, qui auront nécessité l'emploi de 450,000 ouvriers de l'Organisation Todt, volontaires ou forcés. Contrairement à l'image diffusée par la propagande nazie, le Mur de l'Atlantique n'était pas un système de défense continu. Dans bien des endroits, il était encore non finalisé ou incomplet, en ce début de juin 1944. Schématiquement, l'Atlantikwall se compose de quatre sous-ensembles:
- Forteresses. Chacun des grands ports du littoral français a été transformé en véritable forteresse (Festung), hérissée de canons de gros calibre destinés à repousser une éventuelle flotte d'invasion. Exemples: Saint-Nazaire, Lorient, Brest, Saint-Malo, Cherbourg, Le Havre, Boulogne, Calais et Dunkerque.
Vers l'intérieur des terres, la forteresse est protégée par une première ceinture défensive, formant un arc de cercle d'une dizaine de kilomètres, puis par une seconde, située aux portes mêmes de la ville. Là était d'ailleurs la faiblesse du système défensif allemand.
Aménagées trop hâtivement, certaines de ces lignes de défenses ne résisteront pas longtemps. Par exemple, l'assaut mené fin juin 1944 contre Cherbourg par les troupes américaines débarquées sur Utah Beach, alors que les batteries côtières lourdes tenaient quant à elle en respect la flotte alliée, qui entreprit de bombarder Cherbourg pendant l'assaut terrestre.
Certaines de ses forteresses (Dunkerque, Calais, Lorient, Saint-Nazaire) ne se rendront qu'après la capitulation inconditionnelle du Troisième Reich à Berlin, le 8 mai 1945.
- Batteries d'artillerie côtière. entre les forteresses, les Allemands ont aménagé des batteries d'artillerie côtière, dépendantes soit de la Wehrmacht, soit de la Kriegsmarine. Distantes les unes des autres de plusieurs kilomètres, elles ont pour mission de tirer vers le large et de s'opposer à l'arrivée d'une flotte d'invasion. Elles sont équipées de pièces d'artillerie, le plus souvent d'un calibre de 100 à 155mmn, groupées généralement par quatre, plus rarement par six.
On dénombre plus d'une vingtaine de batteries principales sur les côtes de la baie de Normandie entre Le Havre et Cherbourg. Chacune d'entre elles est protégée par un périmètre défensif délimité par des champs de mines et un réseau de barbelés, comprenant des positions de mitrailleuses, de mortiers et de canons anti-aériens, reliées par des tranchées.
Photos ci-dessous: 1° Bunker "maquillé" en maison normande, pour tromper les aviateurs alliés. 2° artillerie côtière allemande. 3° Canon de 50mm installé sur un "Tobrouk", avec tranchée menant à la batterie de Merville.
Placées à l'origine dans des cuves à l'air libre, les pièces d'artillerie se révèlent vulnérables lors des bombardements aériens alliés, en forte recrudescence à partir de 1943. Pour les protéger davantage, Rommel ordonne de les placer sous d'épaisses casemates de béton. Cette opération est loin d'être achevée au printemps 1944 et, par précaution, un certain nombre de pièces sont discrètement enlevées de leurs emplacements pour être dissimulées plus à l'arrière des terres.
Lors du débarquement, les batteries d'artillerie côtière allemandes n'offriront qu'une assez piètre résistance aux navires alliés, qui en viendront à bout sans trop de difficultés.
- Nids de résistance. Les Widerstandsnest (WN), implantés à proximité immédiate des plages, sur les falaises, les dunes ou les digues, sont des ouvrages plus légers que les batteries côtières. Ils sont destinés à la défense rapprochée contre les troupes d'assaut.
Ci-dessous: le poste de tir WN62 face à Omaha Beach, occupé par 19 soldats allemands dont le jeune Heinrich Severloh. Jusqu'à 15h, avec sa mitrailleuse MG42, Severloh tirera environ 12,000 cartouches avant de se retirer, causant de lourdes pertes aux unités d'assaut américaines. Il sera l'un des trois occupants de ce nids de résistance à réussir à s'échapper et à survivre.
Un WN se compose en général d'une ou deux casemates équipées de canons de moyen calibre (50, 75 ou 88mm) disposés de manière à prendre les grèves en enfilade, de "tobrouks", de positions de mortiers, de mitrailleuses MG-42 et de pièces antiaériennes, le tout étant relié par un réseau complexe de tranchées.
Au printemps 1944, on dénombre pas moins de deux cent Widerstandsnest le long des côtes de la baie de Normandie. Sur les 7km de plage entre Vierville-sur-Mer et Colleville-sur-Mer, connu sous le nom de code Omaha Beach, on en compte quinze, numérotés WN60 à WN74 (2).
Photos ci-dessous: 1° Réseau de tranchées d'un WN, surplombant Omaha Beach. 2° Casemate principale du WN62 (Point de Résistance).
Dans ce secteur que les Alliés appelleront bientôt Bloody Omaha ("Omaha la Sanglante"), ces ouvrages WN de défense rapprochée causeront des pertes terribles dans les unités d'assaut des 1ère et 29ème Division d'infanterie américaine, le 6 juin 1944.
- Obstacles dressés sur les plages. Destinés à détruire, immobiliser ou couler les péniches de débarquement, ou dans l'arrière pays, pour lutter contre les troupes aéroportées et les planeurs ennemis.
En premier lieu, des réseaux de poteaux en bois, appellés "Asperges de Rommel", des fils de fer barbelé, des "Portes Belges" (ci-dessous) ou "Elément C", recupérés sur les anciennes fortifications belges en 1940 et qui ne sont que des poteaux en acier assemblés ressemblant à des portes d'étables.
Des "Hérissons tchèques", constitués de trois poutrelles métalliques rivetées et assemblées l'une à l'autre au moyen de plaques, viennent compléter ce dispositif défensif.
Rommel a une imagination débordante en ce qui concerne les systèmes de défense côtière: lance-flammes intégrés aux blockhaus, chars radio-commandés bardés d'explosifs et surnommés Goliath, fils de fer barbelé reliant ses "Asperges" surmontées de mines, ...
La région la plus fortifiée de l'Atlantikwall et la mieux équipée est sans conteste celle qui se trouve dans le Pas-de-Calais, la plus proche en distance de la Grande-Bretagne et le lieu du débarquement allié supposé le plus probable par le haut-commandement de la Wehrmacht.
Les troupes utilisées pour défendre les ouvrages sont en général de faible valeur combative: une majorité d'entre-elles sont des hommes déclarés inaptes au combat des unités mobiles. On y trouve également des étrangers enrôlés combattant sous l'uniforme allemand, et en particulier des Russes ou des Ukrainiens, et même quelques membres de la Freies Indien Legion ("Légion Libre Indienne").
Photos ci-dessous: deux soldats de la Légion Libre indienne sur un "Tobrouk" du Mur de l'Atlantique. 2° Soldats russes de la ROA capturés en Normandie le 6 juin 1944.
Et pour completer ce système défensif, derrière ce Mur de l'Atlantique, en France, en Belgique et aux Pays-Bas, sont massés 700,000 hommes sous l'autorité de l'OB-West, commandé par le maréchal Gerd von Rundstedt.
En novembre 1943, Adolf Hitler a décidé, dans la possibilité de plus en plus certaine d'un débarquement allié, de renforcer les forces allemandes stationnées sur le front Ouest, mais celui-ci donne la priorité absolue aux unités de la 15ème Armée, stationnée dans le Pas-de-Calais. Le nombre de divisions présentes en France, en Belgique et aux Pays-Bas passera d'une trentaine en novembre 1942, à près de 60 au printemps 1944.
La plus grande partie d'entre elles sont cependant massées à l'arrière des terres, sur un front très large allant de la Bretagne aux Pays-Bas, placées sous les ordres du maréchal Erwin Rommel, commandant du Heeresgruppe (Groupe d'armées) B.
En Basse-Normandie, Calvados et péninsule du Cotentin, Rommel dispose des 91ème, 243ème, 352ème, 709ème, 711ème et 716ème Divisions d'infanterie, auxquelles s'ajoutent le 6ème régiment de parachutistes, la 30ème brigade mobile et la Brigade russe Bouniatchenko.
Plus ou moins confiant dans la valeur de ces troupes, et se sachant pratiquement dépourvu d'aviation, Rommel, qui est persuadé que le sort de la bataille se jouera dès les premières heures, souhaite pouvoir disposer rapidement de divisions blindées pour repousser l'invasion. Mais il se heurte sur ce point aux oppositions du Führer. En définitive, seule la 21ème Division Panzer, stationnée autour de Saint-Pierre-sur-Dives, sera à proximité des côtes du Calvados le Jour J.
Et c'est pour obtenir d'Hitler l'autorisation de placer deux nouvelles unités blindées, la 12ème Division panzer-SS Hitlerjugend et la Division Panzer Lehr de part et d’autre de la baie des Veys, qu'il quitte son QG de la Roche-Guyon pour l'Allemagne le 5 juin 1944. Il veut également profiter de ce voyage pour célébrer le lendemain, 6 juin, le cinquantième anniversaire de sa femme Lucie (3).
Carte ci-dessous: positions des divisions allemandes en Normandie, le 6 juin 1944.
(1) Fuehrer Directive No.40 Append-C (23 March 1942).
(2) Défenses allemandes WN sur Omaha Beach.
(3) Lucia Maria Mollin, plus communément appellée "Lucie".
Née le 6 juin 1894 et décédée à Stuttgart le 26 septembre 1971.
Sur le même sujet, voir également:
- D'iberville, Saviez-vous que..., 2094 "S'éloigner ou bétonner"
- D'Iberville, Saviez-vous que..., 2095 "Arbitrer le béton"
- D'Iberville, Saviez-vous que..., 2096 "Vice de construction"
- D'Iberville, Saviez-vous que..., 2097 "Bricolage meurtrier"
- D'Iberville, Saviez-vous que..., 2099 "L'état des lieux"
- D'Iberville, Saviez-vous que..., 2100 "A quelle distance?"
Série documentaire "Grandes Batailles de la Seconde Guerre mondiale"
(Henri de Turenne et Daniel Costelle) - Vidéo Youtube.
"Les Grandes Batailles" est une série d'émissions télévisées historiques de Daniel Costelle, Jean-Louis Guillaud et Henri de Turenne diffusée à la télévision française dans les années 1960 et 1970, qui décrit les principales batailles de la Seconde Guerre mondiale ainsi que le procès de Nuremberg. Les émissions donnent la parole aux officiers ayant participé à ces batailles ainsi qu'à des historiens. Ces interventions alternent avec des extraits de reportages. Les commentaires sont d'Henri de Turenne.
La Bataille de Normandie.
La bataille de Normandie est l'une des grandes batailles de la Seconde Guerre mondiale sur le théâtre européen. Elle commence par l'Opération Overlord dont la première action est l'opération Neptune, c'est-à-dire le débarquement proprement dit des Alliés en Normandie le 6 juin 1944 (également appelé D-Day ou Jour J). Trois divisions aéroportées (deux américaines et une britannique) sont parachutées à chaque extrémité du secteur d'assaut, entre minuit et deux heures du matin. A l'aube, elles sont suivies par six autres divisions (trois américaines, deux anglaises et une canadienne) qui débarquent sur cinq plages désignées par les noms de code Utah, Omaha, Gold, Juno et Sword, soutenues par une totale maîtrise de l'espace aérien et un puissant appui de l'artillerie navale, pour briser le "Mur de l'Atlantique". La bataille de Normandie se termine le 21 août par la fermeture de la poche de Falaise, ouvrant la voie à la Libération de Paris le 25 août.
(Article modifié le 4 juin 2019)
Sources principales:
• Saviez-vous que... (Blog D'Iberville)
• D-Day Normandie 1944 - Débarquement et bataille de Normandie
• Operation Overlord (Wikipedia.org)
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