L'opération Stalemate II, nom de code de la campagne américaine des îles Palau, débute le 15 septembre 1944 sur Peleliu, et deux jours plus tard sur sa voisine Angaur. Le major-général William Rupertus, commandant de la 1ère Division de Marines désignée pour la conquête de Peleliu, prévoit que cette île sera sécurisée au bout de quatre jours. Cependant, en raison de la nature accidentée du terrain, de systèmes de fortifications efficaces et de la féroce résistance japonaise, la Bataille de Peleliu durera plus de deux mois, et sera l'une des plus longues, éprouvantes et sanglantes de l'histoire du Corps des Marines, avec Tarawa et Iwo Jima.
Contexte historique.
En été 1944, les victoires américaines dans les théâtres d'opération Sud-Ouest et Central Pacifique a encore réduit le périmètre défensif japonais et rapproché la guerre de la métropole ennemie. Depuis la conquête des îles Mariannes (1), les bombardiers lourds B-29 Superfortress peuvent opérer depuis Saipan, Tinian et Guam, et bombardent régulièrement le Japon.
Depuis longtemps déjà, il y a divergences d'opinion entre les deux principaux commandants en chefs américains, au sujet des stratégies à adopter pour la poursuite des opérations contre le Japon.
Le général Douglas MacArthur, commandant du théâtre d'opération Sud-Ouest, réclame la reconquête des îles Philippines. Pour lui, c'est une question d'honneur, il tient à honorer sa célèbre promesse de 1942 "Je reviendrai!". Sa campagne des Philippines devra ensuite être suivie par les débarquements sur Okinawa et les îles métropolitaines du Japon.
L'amiral Nimitz veut pour sa part foncer vers le Japon sur le trajet le plus direct et le plus court, en laissant les Philippines de côté. Il veut progresser d'île en île jusqu'à Okinawa et le Japon, à travers l'immensité du Pacifique.
Les deux stratégies proposées ont un point commun: elles incluent toutes deux la neutralisation préalable de Peleliu, dans les îles Palau, où les Japonais disposent d'un important aérodrome, d'où les chasseurs harcèlent les B-29 lors de leurs missions. A ce stade, la 1ère Division de Marines est sélectionnée pour mener l'assaut amphibie.
Pour tenter d'arbitrer entre MacArthur et Nimitz, le président Franklin Roosevelt se rend dans les îles Hawaii pour écouter leur argumentation. Roosevelt choisit finalement la stratégie de MacArthur. Cela sera donc les Philippines, avec comme préliminaires la neutralisation des Palau. De toute façon, la puissance militaire américaine est devenue telle que les Etats-Unis ont les moyens de mener les deux offensives simultanément. Sur Peleliu, l'objectif principal des Américains est la prise de l'aérodrome japonais, dans le sud de l'île. Les dates des débarquements sont fixé au 15 septembre 1944 pour Peleliu, et deux jours plus tard pour Angaur.
Carte ci-dessous: progression américaine dans le Sud-Ouest et le Centre du Pacifique (1943-1945).
(1) Blogosphère Mara, "15 juin 1944 - Pacifique Central: conquête des îles Mariannes"
Préparatifs.
1° Défenses japonaises de Peleliu.
En été 1944, les Palau sont occupées par environ 30,000 soldats japonais, commandés par le lieutenant-général Sadae Inoue. 11,000 d'entre-eux sont stationnés sur Peleliu, 1,400 sur Angaur, et le reste sur Batelthuap, la plus grande des îles, et divers autres petits ilots.
La garnison japonaise de Peleliu comprend 11,000 soldats de la 14ème Division d'infanterie du major-général Kenjiro Murai, renforcée avec des "Termites", des travailleurs forcés coréens ou originaires d'Okinawa. Le colonel Kunio Nakagawa, commandant du 2ème Régiment de cette division, est désigné pour superviser les préparatifs de défense.
Après la perte des îles Salomons, Gilbert, Marshall et Mariannes, l'Armée impériale japonaise change de stratégie. Fini le système de défense rapproché sur les plages mêmes, comme sur Betio. A la place, l'état-major recommande d'organiser les défenses plus à l'intérieur des terres, où elles seront moins exposées à l'artillerie navale et aérienne américaine, et préconise en outre de mener des attaques banzai nocturnes, pour contraindre les Américains à une longue et épuisante guerre d'usure (Attrition War)
Nakagawa décide de tirer parti de la nature rocailleuse particulière du terrain. Il organise l'essentiel de ses défenses sur une hauteur stratégique centrale qui domine toute l'île: le Mont Umurbrogol, qui est en fait une série de collines. Il y installe tout un système de casemates et de fortifications comprenant nids de mitrailleuses, canons de 20mm ou de 47mm, et mortiers lourds de 120mm ou de 150mm, ingénieusement disposés et protégés naturellement. Ces fortifications sont interconnectées entre-elles par un réseau complexe de galleries souterraines.
2° Défenses japonaises d'Angaur.
L'île d'Angaur ne mesure que 4.8km de long, et est située à 9.7km au sud de Peleliu. Elle est défendue par 1,400 soldats japonais, commandés en personne par le lieutenant-général Sadae Inoue.
3° Préparatifs américains.
A la différence des Japonais, les Américains décident de ne rien changer à leurs habitudes et leur tactique de débarquement, malgré de lourdes pertes (3,000 hommes hors-de-combat) enregistrées lors de la bataille de Biak (27 mai - 20 juin 1944), en Nouvelle-Guinée.
Sur Peleliu, l'état-major de MacArthur choisit de faire débarquer les 17,500 hommes de la 1ère Division de Marines sur les plages du sud-ouest de l'île, en raison de leur proximité avec l'aérodrome. Le 1er Régiment de Marines du lieutenant-colonel Lewis B. "Chesty" Puller débarquera sur le flanc nord, le 5ème Régiment de Marines du lieutenant-colonel Harold D. Harris au centre, et le 7ème Régiment de Marines du lieutenant-colonel Herman H. Hanneken sur le flanc sud. Le 11ème Régiment d'artillerie débarquera en second échellon, derrière l'infanterie.
Ci-dessous: le lieutenant-colonel "Chesty" Puller (ici à Guadalcanal), commandant du 1er Régiment de Marines, est un des militaires américains les plus décorés.
La conquête d'Angaur revient à la 81ème Division d'infanterie de l'US Army, commandée par le major-général Paul J. Mueller, qui fera débarquer ses 15,000 hommes simultanément au nord-est et au sud-est de l'île.
Les bombardement aériens préparatoires, durant les deux premières semaines de septembre, ont été menés par les porte-avions de la Task Force TF38, commandée par le vice-amiral Marc Mitscher.
La Task Force TF32 du contre-amiral George H. Fort est désignée pour transporter le corps expéditionnaire et mener les opérations amphibie. Le Task Group TG.32.5 du contre-amiral Jesse B. Oldendorf, avec 5 cuirassés, 4 croiseurs lourds, 4 croiseurs légers, 10 porte-avions d'escorte et 27 destroyers, est chargé des missions de soutien, de protection et d'appui-feu.
A l'aube du 15 septembre 1944, Oldendorf expédie 519 obus de 410 mm, 1,845 obus de 360 mm, 1,793 bombes de 230kg et 73,412 cartouches de 12.7mm sur une surface de 16km² de Peleliu. Les Japonais ayant organisé leurs défenses à l'intérieur des terres, ce bombardement naval préparatoire se révèle cependant inefficace.
Déroulement de la Bataille de Peleliu.
1° Débarquement du Jour-J.
Après la longue préparation d'artillerie d'Oldendorf, les Marines débarquent sur Peleliu le 15 septembre 1944 à 8h32. Le 1er Régiment au nord, sur White Beach, les 5ème et 7ème Régiments au centre et au sud, sur Orange Beach. Lorsque les engins de débarquement approchent des plages, à travers la barrière de corail, ils sont soudainement pris à partie par l'artillerie lourde japonaise, qui cause de lourdes pertes dans les rangs américains. A 9h30, les Japonais ont détruit 60 péniches LVT ou véhicules amphibies DUKW.
Au nord, le 1er Régiment est cloué sur White Beach par l'artillerie lourde et les mortiers japonais, tirant depuis "Le Point", une colline particulièrement fortifiée du Mont Umurbrogol. Son commandant, le lieutenant-colonel Lewis Puller, échappe de justesse à la mort lorsque sa péniche LVT est coulée par un tir direct. Sa section de transmissions toute entière est anéantie par un autre tir d'obus de 47mm.
Au sud, le 7ème Régiment de Marines doit faire face à une situation similaire, avec l'artillerie japonaise installée sur son flanc droit. Plusieurs de ses LVT sont immobilisés au cours de leur approche, à travers le lagon, et leurs occupants doivent finir le parcourt à pieds, avec de l'eau jusqu'à la taille. Ils se font alors décimés par les tirs de mitrailleuses japonaises, avant même de poser les pieds sur la plage.
Photo: approche de la première vague d'assaut américaine sur Peleliu.
Au centre, le 5ème Régiment de Marines progresse plus facilement, uniquement parce que l'artillerie lourde japonaise est occupée à balayer les deux flancs nord et sud du débarquement américain. Il progresse vers l'aérodrome et atteint sa lisière en fin d'après-midi, mais une contre-attaque de chars légers japonais le force ensuite à reculer, et les Marines doivent demander l'intervention de l'aéronavale, de leurs obusiers débarqués et de l'artillerie lourde navale pour la briser. Finalement, la grande majorité de ces chars sont détruits et la contre-attaque japonaise échoue.
Photo ci-dessous: 5ème Régiment de Marines sur Orange Beach, le premier jour.
A la fin de la première journée, les pertes américaines sont catastrophiques, particulièrement sur les flancs nord et sud. La tête de pont des Marines ne mesure que 6.2km de large, sur 350m à 630m de profondeur. L'aérodrome, qui devait être pris ce Jour J, est encore aux mains des Japonais et très solidement défendu.
2° Prise de l'aérodrome et du sud de l'île.
Au second jour (Jour J+1), le 5ème Régiment de Marines reprend son avance vers l'aérodrome. Les Marines du lieutenant-colonel Harold Harris doivent traverser les pistes au pas de charge, sous le feu constant de l'artillerie lourde japonaise tirant depuis le Mont Umurbrogol. Ils s'en emparent après de furieux combats au corps-à-corps et aux baïonnettes, puis avancent vers la côte orientale de l'île, en laissant au 7ème Régiment de Marines le soin de nettoyer l'aérodrome et la zone sud de Peleliu.
Cette zone est d'ailleurs constellée de casemates, de fortins, de nids de mitrailleuses reliés entre-eux par des galleries souterraines. La canicule (46°C au soleil) provoque de nombreux cas d'insolation. Pour noircir le tableau, les Japonais ont contaminé l'unique réservoir d'eau potable avec du mazout. Malgré toutes ces difficultés, au neuvième jour (Jour J+8), les 5ème et 7ème Régiments ont atteint leur objectif respectif, la conquête de l'aérodrome et de la partie sud de l'île.
L'aérodrome est rapidement remis en fonction par le génie et les Seebees de l'US Navy. Au quatrième jour (Jour J+3), des L-2 Grasshopper du Squadron VMO-1 peuvent s'y poser, pour fournir des missions d'observation et de contrôle aérien avancé, au profit de l'artillerie navale et l'artillerie de campagne des Marines.
Le 26 septembre 1944 (Jour J+11), des chasseurs F4U Corsair du Squadron VMF-114 se posent sur la piste, et entament aussitôt des missions d'appui-feu et de bombardement (roquettes, napalm, bombes) contre les fortifications japonaises sur le Mont Umurbrogol.
Ci-dessous: un Marine blessés reçoit un peu d'eau d'un camarade.
3° Le Point.
L'artillerie lourde japonaise sur le Point (Mont Umurbrogol) continuant d'harceler et de provoquer de lourdes pertes dans les rangs américains, le lieutenant-colonel Lewis Puller ordonne au capitaine George Hunt, de la compagnie K du 3ème Bataillon, de s'emparer de cette position. L'approche de Hunt vers le Point provoque une vive réaction japonaise et de lourdes pertes des Marines, face à un réseau de nids de mitrailleuses, de casemates et de mortiers habilement dissimulés.
Les Marines de Hunt doivent réduire ces positions lentement, une par une, aux lance-lammes, aux grenades et explosifs, et au corps-à-corps. Ils s'emparent finalement du Point, mais Nakagawa lance une contre-attaque pour le reprendre. Les assauts japonais se succéderont ainsi pendant plus de trente heures, avant d'être repoussés.
Lorsque la Compagnie K est relevée par des renforts de la 81ème Division d'infanterie de l'US Army, à la mi-octobre 1944, elle en est réduite à 18 hommes en état de combattre, sur un effectif initial de 175 hommes. Cette unité a perdu presque 90% de ces effectifs!
Ci-dessous: écriteau avertissant d'un danger sur le Mont Umurbrogol, en octobre 1944.
4° Ile de Ngesebus.
Le 5ème Régiment de Marines, après avoir capturé l'aérodrome, est chargé de s'emparer de Ngesebus, juste au nord de Peleliu. Cette petite île voisine est occupée par des positions d'artillerie japonaises, et un second aérodrome y est en construction.
Le lieutenant-colonel Harold Harris effectue son débarquement le 28 septembre 1944, après une longue préparation d'artillerie de l'US Navy, des obusiers de 155mm du 11ème Régiment et des Corsair du VMF-114. Contrairement à celui de Peleliu, ce bombardement se montre efficace.
Le débarquement et le nettoyage de Ngesebus s'effectuent sans problèmes particuliers, avec relativement peu de pertes du côté américain: 15 tués et 33 blessés. Les 470 soldats japonais de la garnison se sont tous fait tués plutôt que de se rendre.
5° Bloody Nose Ridge.
Après avoir neutralisé le Point, le 1er Régiment de Marines de Chesty Puller entame le nettoyage de la partie nord du Mont Umurbrogol, baptisé Bloody Nose Ridge ("Colline du Nez Sanglant"). Puller mène en personne ses hommes à l'assaut, à plusieurs reprises, mais ces attaques sont repoussées par les Japonais. Les Marines sont en position vulnérable, au pied de ces collines dont les sommets sont contrôlés par les Japonais. Le moindre mouvement américain à découvert provoque aussitôt une pluie d'obus de mortiers, d'obusiers et de balles de mitrailleuses des Japonais.
Photo ci-dessous: Marines de Puller dans leur "trou", sur le Mont Umurbrogol.
Les Marines de Puller doivent liquider chacun de ses fortifications, casemates, nids de mitrailleuses, un par un, colline après colline, au prix de lourdes pertes. Parfois, les galleries souterraines communiquantes permettent aux Japonais de réoccuper une position que les Américains viennent juste de nettoyer, et tout le travail est à refaire!
Les combats sont particulièrement féroces lorsque le 1er Bataillon du 1er Régiment, commandé par le major Raymond Davis, donne l'assaut à la Colline 100. Après six jours d'affrontement, cette unité a perdu 71% de ses effectifs.
Les Japonais infligent au cours de ces affrontements 60% de pertes au 1er Régiment de Marines de Puller, soit 1,749 hommes tués ou blessés, sur un effectif initial d'environ 3,000 hommes. Après six jours de ce régime, le général Roy S. Geiger, commandant du III Corps amphibie, fait débarquer des éléments de la 81ème Division d'infanterie de l'US Army, pour relever les hommes de Puller au bout du rouleau.
Le 321ème Régiment d'infanterie débarque sur les plages occidentales de Peleliu, à l'extrêmité nord du Mont Umurbrogol, le 23 septembre 1944. Les Marines et les 5ème et 7ème Régiments renouvellent les assauts pour s'emparer de ses maudites collines, avec des résultats et des pertes similaires à ceux du 1er Régiment.
Photo ci-dessous: un Corsair du Squadron VMF-114 largue des bidons de napalm sur une position japonaise du Mont Umurbrogol.
Le 15 octobre 1944, les 5ème et 7ème Régiments de Marines ont perdu la moitié de leurs effectifs. Geiger décide alors de retirer de l'île l'entièreté de la 1ère Division de Marines, en piteux état, et de faire intervenir d'autres éléments de la 81ème Division d'infanterie. Le 323ème Régiment débarque et à la fin du mois, la plupart des Marines ont été évacués vers Pavuvu, sur Guadalcanal.
Photo ci-dessous: Marines blessés soignés dans l'hopital de Pavuvu, sur Guadalcanal, après la bataille de Peleliu.
L'US Army prend donc le relai de l'US Marine Corps dans la conduite des opérations sur Peleliu. Il lui faudra cependant encore un mois de durs affrontements et d'escarmouches pour liquider tous les foyers de résistance japonais sur le Mont Umurbrogol.
Le 27 novembre 1944, c'est la fin définitive de la résistance japonaise. Le colonel Kunio Nakagawa et ses derniers hommes en vie se suicident à la grenade, après avoir brûler les couleurs de leur régiment.
6° Bilan des combats sur Peleliu.
La liquidation du Mont Umurbrogol a couté terriblement cher aux Américains. La 1ère Division de Marines, fort éprouvée, est retirée du théâtre des opérations pour de nombreux mois, afin de se reconstituer et de se reformer. Jusqu'au débarquement d'Okinawa, le 1er avril 1945. Au total, les Marines ont perdu 1,252 tués/disparus et 5,274 blessés. Soit un tier des effectifs de la 1ère Division engagée.
La 81ème Division d'infanterie, de son côté, enregistre la perte de 542 tués/disparus, et 2,746 blessés.
Les Japonais, 10,695 tués et 302 prisonniers capturés.
Le 21 avril 1947, un groupe de 26 soldats japonais, mené par le lieutenant Tadamichi Yamaguchi, attaque sans succès un poste de contrôle américain sur Peleliu. Après des pourparlers longs et laborieux, les GIs parviennent à convaincre les survivants de se rendre. Oubliés de tous et vivant en hermite dans des grottes, ceux-ci ignoraient tout simplement que le Japon avait capitulé, un an et demi plus tôt.
Cette bataille de Peleliu est fort controversée, en raison de sa faible valeur stratégique par la suite et des pertes subies, plus de 10,000 tués et blessés. L'aérodrome capturé servira en effet très peu au cours de la campagne de MacArthur dans les Philippines, au cours des mois suivant. Elle donne surtout aux Américains un aperçu de ce que sera les futures conquêtes des îles métropolitaines japonaises. Sur recommandations de l'amiral William Halsey, les plans de conquête de Yap et des îles Carolines sont annulés, celles-ci n'étant plus utiles. Début octobre 194, la stratégie MacArthur pour le débarquement sur Leyte est définitivement adoptée.
Bataille d'Angaur.
Comparée à la conquête de Peleliu, celle d'Angaur revêt les allures d'une promenade militaire! La 81ème Division d'infanterie du major-général Paul J. Mueller fait débarquer ses 15,000 hommes le 17 septembre 1944. L'île est défendue par 1,400 Japonais, sous l'autorité directe du lieutenant-général Sadae Inoue, le commandant en chef des îles Palau.
Les bombardements préparatoires sont menés par des bombardiers en piquée SBD Dauntless de l'aéronavale et l'artillerie du cuirassé Tennessee. Les fantassins américains débarquent sur les plages nord-est et sud-est de l'île. La résistance japonaise ne devient vraiment dure que dans le "Bassin" (The Bowl), une colline près du Lac Salomé, dans le nord-est de l'île.
A partir du 20 septembre 1944, le 322ème Régiment d'infanterie mènent des assauts contre cette position, tous repoussés par les 750 défenseurs japonais, avec l'aide de leur artillerie et de leurs mortiers lourds. Les Américains avancent à l'allure d'escargot, éliminant les points de résistance japonais l'un après l'autre.
Le 25 septembre 1944, les Américains atteignent le sommet de la colline, mais ils leur faut encore se battre sous terre, dans les galleries souterraines, pour éliminer les derniers Japonais en vie.
L'île est sécurisé le 30 septembre 1944, et la 81ème Division d'infanterie déménage pour porter assistance à la 1ère Division de Marines, sur Peleliu.
Pertes américaines: 260 tués, 1,354 blessés, 940 incapacités en raison d'accidents divers ou du fait de la chaleur (insolation).
Opération Stalemate II au cinéma.
Dans la série TV The Pacific (2010), réalisée par Tom Hanks et Steven Spielberg, la bataille de Peleliu est (longuement) relatée au cours des épisodes 5, 6 et 7.
Série documentaire "Grandes Batailles de la Seconde Guerre mondiale"
(Henri de Turenne et Daniel Costelle) - Vidéo Youtube.
"Les Grandes Batailles" est une série d'émissions télévisées historiques de Daniel Costelle, Jean-Louis Guillaud et Henri de Turenne diffusée à la télévision française dans les années 1960 et 1970, qui décrit les principales batailles de la Seconde Guerre mondiale ainsi que le procès de Nuremberg. Les émissions donnent la parole aux officiers ayant participé à ces batailles ainsi qu'à des historiens. Ces interventions alternent avec des extraits de reportages. Les commentaires sont d'Henri de Turenne.
"Bataille du Pacifique - 2ème Partie: la reconquête" (1943-1945).
7 décembre 1941. L'agression japonaise contre la base aéronavale américaine de Pearl Harbor entraîne les Etats-Unis dans une bataille à mort sur le plus vaste théâtre d’opérations de l'histoire. Avide de conquêtes et de matières premières, le Japon instaure sa domination sur l'Asie, jusqu'à la victoire américaine de Midway du printemps 1942, qui sonne l'heure du reflux. Les archives des forces alliées et japonaises restituent l'irrésistible ascension japonaise et cet affrontement aéronaval spectaculaire. Ce documentaire montre chaque étape de la bataille du Pacifique: de la sauvagerie des combats sur les plages et dans la jungle des îles du Pacifique à l'apocalypse nucléaire qui s'abat sur le Japon en août 1945.
Article modifié le 15 septembre 2019.
Sources principales:
• Battle of Peleliu (Wikipedia.org)
• Battle of Angaur (Wikipedia.org)
Contexte historique.
En été 1944, les victoires américaines dans les théâtres d'opération Sud-Ouest et Central Pacifique a encore réduit le périmètre défensif japonais et rapproché la guerre de la métropole ennemie. Depuis la conquête des îles Mariannes (1), les bombardiers lourds B-29 Superfortress peuvent opérer depuis Saipan, Tinian et Guam, et bombardent régulièrement le Japon.
Depuis longtemps déjà, il y a divergences d'opinion entre les deux principaux commandants en chefs américains, au sujet des stratégies à adopter pour la poursuite des opérations contre le Japon.
Le général Douglas MacArthur, commandant du théâtre d'opération Sud-Ouest, réclame la reconquête des îles Philippines. Pour lui, c'est une question d'honneur, il tient à honorer sa célèbre promesse de 1942 "Je reviendrai!". Sa campagne des Philippines devra ensuite être suivie par les débarquements sur Okinawa et les îles métropolitaines du Japon.
L'amiral Nimitz veut pour sa part foncer vers le Japon sur le trajet le plus direct et le plus court, en laissant les Philippines de côté. Il veut progresser d'île en île jusqu'à Okinawa et le Japon, à travers l'immensité du Pacifique.
Les deux stratégies proposées ont un point commun: elles incluent toutes deux la neutralisation préalable de Peleliu, dans les îles Palau, où les Japonais disposent d'un important aérodrome, d'où les chasseurs harcèlent les B-29 lors de leurs missions. A ce stade, la 1ère Division de Marines est sélectionnée pour mener l'assaut amphibie.
Pour tenter d'arbitrer entre MacArthur et Nimitz, le président Franklin Roosevelt se rend dans les îles Hawaii pour écouter leur argumentation. Roosevelt choisit finalement la stratégie de MacArthur. Cela sera donc les Philippines, avec comme préliminaires la neutralisation des Palau. De toute façon, la puissance militaire américaine est devenue telle que les Etats-Unis ont les moyens de mener les deux offensives simultanément. Sur Peleliu, l'objectif principal des Américains est la prise de l'aérodrome japonais, dans le sud de l'île. Les dates des débarquements sont fixé au 15 septembre 1944 pour Peleliu, et deux jours plus tard pour Angaur.
Carte ci-dessous: progression américaine dans le Sud-Ouest et le Centre du Pacifique (1943-1945).
(1) Blogosphère Mara, "15 juin 1944 - Pacifique Central: conquête des îles Mariannes"
Préparatifs.
1° Défenses japonaises de Peleliu.
En été 1944, les Palau sont occupées par environ 30,000 soldats japonais, commandés par le lieutenant-général Sadae Inoue. 11,000 d'entre-eux sont stationnés sur Peleliu, 1,400 sur Angaur, et le reste sur Batelthuap, la plus grande des îles, et divers autres petits ilots.
La garnison japonaise de Peleliu comprend 11,000 soldats de la 14ème Division d'infanterie du major-général Kenjiro Murai, renforcée avec des "Termites", des travailleurs forcés coréens ou originaires d'Okinawa. Le colonel Kunio Nakagawa, commandant du 2ème Régiment de cette division, est désigné pour superviser les préparatifs de défense.
Après la perte des îles Salomons, Gilbert, Marshall et Mariannes, l'Armée impériale japonaise change de stratégie. Fini le système de défense rapproché sur les plages mêmes, comme sur Betio. A la place, l'état-major recommande d'organiser les défenses plus à l'intérieur des terres, où elles seront moins exposées à l'artillerie navale et aérienne américaine, et préconise en outre de mener des attaques banzai nocturnes, pour contraindre les Américains à une longue et épuisante guerre d'usure (Attrition War)
Nakagawa décide de tirer parti de la nature rocailleuse particulière du terrain. Il organise l'essentiel de ses défenses sur une hauteur stratégique centrale qui domine toute l'île: le Mont Umurbrogol, qui est en fait une série de collines. Il y installe tout un système de casemates et de fortifications comprenant nids de mitrailleuses, canons de 20mm ou de 47mm, et mortiers lourds de 120mm ou de 150mm, ingénieusement disposés et protégés naturellement. Ces fortifications sont interconnectées entre-elles par un réseau complexe de galleries souterraines.
2° Défenses japonaises d'Angaur.
L'île d'Angaur ne mesure que 4.8km de long, et est située à 9.7km au sud de Peleliu. Elle est défendue par 1,400 soldats japonais, commandés en personne par le lieutenant-général Sadae Inoue.
3° Préparatifs américains.
A la différence des Japonais, les Américains décident de ne rien changer à leurs habitudes et leur tactique de débarquement, malgré de lourdes pertes (3,000 hommes hors-de-combat) enregistrées lors de la bataille de Biak (27 mai - 20 juin 1944), en Nouvelle-Guinée.
Sur Peleliu, l'état-major de MacArthur choisit de faire débarquer les 17,500 hommes de la 1ère Division de Marines sur les plages du sud-ouest de l'île, en raison de leur proximité avec l'aérodrome. Le 1er Régiment de Marines du lieutenant-colonel Lewis B. "Chesty" Puller débarquera sur le flanc nord, le 5ème Régiment de Marines du lieutenant-colonel Harold D. Harris au centre, et le 7ème Régiment de Marines du lieutenant-colonel Herman H. Hanneken sur le flanc sud. Le 11ème Régiment d'artillerie débarquera en second échellon, derrière l'infanterie.
Ci-dessous: le lieutenant-colonel "Chesty" Puller (ici à Guadalcanal), commandant du 1er Régiment de Marines, est un des militaires américains les plus décorés.
La conquête d'Angaur revient à la 81ème Division d'infanterie de l'US Army, commandée par le major-général Paul J. Mueller, qui fera débarquer ses 15,000 hommes simultanément au nord-est et au sud-est de l'île.
Les bombardement aériens préparatoires, durant les deux premières semaines de septembre, ont été menés par les porte-avions de la Task Force TF38, commandée par le vice-amiral Marc Mitscher.
- Task Group TG38.1. Contre-amiral John S. McCain.
- 3 porte-avions d'escadre lourds (CV): Wasp II, Hornet II, Yorktown II.
- 2 porte-avions d'escadre légers (CVL): Cowpens, Monterey.
- 6 croiseurs lourds (CA): Chester, Salt Lake City, Pensacola, Wichita, Canberra, Boston.
- 1 croiseur léger (CVL): Houston II.
- 22 destroyers d'escadre (DD): Dunlap, Fanning, Case, Cummings, Cassin, Downes, McCalla, Farenholt, Woodworth, Grayson, Izard, Conner, Bell, Charrette, Burns, Boyd, Brown, Cowell, Cogswell, Caperton, Ingersoll, Knapp.
- Task Group TG38.2. Contre-amiral Gerald F. Bogan.
- 3 porte-avions d'escadre lourds (CV): Intrepid, Bunker Hill, Hancock.
- 2 porte-avions d'escadre légers (CVL): Cabot, Independence.
- 2 cuirassés (BB): Iowa, New Jersey.
- 4 croiseurs légers (CVL): Vincennes II, Miami, Oakland, San Diego.
- 17 destroyers d'escadre (DD): Owen, The Sullivans, Stephen Potter, Tingey, Miller, Hunt, Lewis Hancock, Marshall, Hickox, Colahan, Cushing II, Halsey Powell, Benham II, Yarnall, Twining, Wedderburn, Stockham00.
- Task Group TG38.3. Contre-amiral Frederick C. Sherman.
- 2 porte-avions d'escadre lourds (CV): Lexington II, Essex.
- 2 porte-avions d'escadre légers (CVL): Langley II, Princeton.
- 3 cuirassés (BB): Washington, Indiana, Alabama.
- 4 croiseurs légers (CVL): Santa Fe, Mobile, Reno, Birmingham.
- 14 destroyers d'escadre (DD): Clarence K. Bronson, Cotten, Dortch, Gatlin, Healy, Porterfield, Callaghan, Cassin Young, Boston II, Irwin, Laws, Longshaw, Morrison, Pritchett.
- Task Group TG38.4. Contre-amiral Ralph E. Davison.
- 2 porte-avions d'escadre lourds (CV): Enterprise, Franklin.
- 2 porte-avions d'escadre légers (CVL): San Jacinto, Belleau Wood.
- 1 croiseur lourd (CA): New Orleans.
- 1 croiseur léger (CL): Biloxi.
- 12 destroyers d'escadre (DD): Wilkes, Nicholson, Swanson, Maury, Gridley, McCall, Helm, Craven, Ralph Talbot, Mugford, Patterson, Bagley.
La Task Force TF32 du contre-amiral George H. Fort est désignée pour transporter le corps expéditionnaire et mener les opérations amphibie. Le Task Group TG.32.5 du contre-amiral Jesse B. Oldendorf, avec 5 cuirassés, 4 croiseurs lourds, 4 croiseurs légers, 10 porte-avions d'escorte et 27 destroyers, est chargé des missions de soutien, de protection et d'appui-feu.
- Task Force TF32 "Western Attack Force". Contre-amiral George H. Fort.
- 21 destroyers d'escadre (DD): Gridley, Beale, Leutze, Buchanan, Hazelwood, Bailey, Stevenson, Bennion, Stockton, Franks, Fullam, Guest, Bennett, Remey, Melvin, Mertz, McGowan, McDermut, McNair, Wadleigh, Monssen II.
- 4 destroyers d'escorte (DE): Cabana, Lake, Dempsey, McCoy Reynolds.
- 5 navires de transport rapides (APD): Stringham, Rathburne, Clemson, Noa, George E. Badger.
- 1 navire de transport d'assaut (APA): Ameb.
- 1 navire de débarquement "Dock" (LSD): White Marsh.
- Task Group TG.32.? "Attack Group Peleliu". Contre-amiral George H. Fort.
[Transport de la 1ère Division de Marines. Général William H. Rupertus]
- 1 navire de commandement (AGC): Mount McKinley.
- 1 navire de transport d'assaut (APA): Ormsby.
- 2 navires de débarquement Dock (LSD): Epping Forest, Gunston Hall.
- Task Group TG.32.1 "Attack Group Angaur". Contre-amiral William H. Blandy.
[Transport de la 81ème Division d'infanterie. Général Paul J. Mueller]
- 3 navires de transport d'assaut (APA): Fremont, Pierce, James O'Hara.
- 1 navire de débarquement "Dock" (LSD): Lindenwald.
- Task Group TG.32.5 "Palau Bombardment & Fire Support Group". Contre-amiral Jesse B. Oldendorf.
- 4 cuirassés (BB): Tennessee, Idaho, Pennsylvania, Mississippi.
- 4 croiseurs lourds (CA): Indianapolis, Louisville, Minneapolis, Portland.
- 4 croiseurs légers (CL): Honolulu, Cleveland, Denver, Columbia.
- 14 destroyers d'escadre (DD): Guest, Bennett, Fullam, Hudson, Halford, Heywood L. Edwards, Leutze, Bennion, Ross, Albert W. Grant, Newcomb, Richard P. Leary, Bryant, Robinson.
- 5 dragueurs de mines (DMS): Wasmuth, Perry, Southard, Hovey, Long.
- 2 mouilleurs de mines (DM): Preble, Montgomery.
- Task Group TG.32.7 "Western Escort Carrier Group". Contre-amiral Ralph A. Oftsie.
- Unité TU.32.7.1. Contre-amiral William D. Sample.
- 4 porte-avions d'escorte (CVE): Marcus Island, Ommaney Bay, Savo Island, Kadashan Bay.
- 5 destroyers d'escadre (DD): Thorn, McCord, Trathen, Heermann, Hoel.
- Unité TU.32.7.2. Contre-amiral George R. Anderson.
- 3 porte-avions d'escorte (CVE): Saginaw Bay, Kalinin Bay, Petrof Bay.
- 4 destroyers d'escadre (DD): Welles, Haggard, Hailey, Johnston.
- Unité TU.32.7.3. Contre-amiral Ralph A. Oftsie.
- 3 porte-avions d'escorte (CVE): Kitkun Bay, White Plains, Gambier Bay.
- 4 destroyers d'escadre (DD): Claxton, Aulick, Cony, Sigourney.
Photo ci-dessous: à l'avant-plan, le cuirassé pré-Pearl Harbor Pennsylvania en janvier 1945.
- Unité TU.32.7.1. Contre-amiral William D. Sample.
A l'aube du 15 septembre 1944, Oldendorf expédie 519 obus de 410 mm, 1,845 obus de 360 mm, 1,793 bombes de 230kg et 73,412 cartouches de 12.7mm sur une surface de 16km² de Peleliu. Les Japonais ayant organisé leurs défenses à l'intérieur des terres, ce bombardement naval préparatoire se révèle cependant inefficace.
Déroulement de la Bataille de Peleliu.
1° Débarquement du Jour-J.
Après la longue préparation d'artillerie d'Oldendorf, les Marines débarquent sur Peleliu le 15 septembre 1944 à 8h32. Le 1er Régiment au nord, sur White Beach, les 5ème et 7ème Régiments au centre et au sud, sur Orange Beach. Lorsque les engins de débarquement approchent des plages, à travers la barrière de corail, ils sont soudainement pris à partie par l'artillerie lourde japonaise, qui cause de lourdes pertes dans les rangs américains. A 9h30, les Japonais ont détruit 60 péniches LVT ou véhicules amphibies DUKW.
Au nord, le 1er Régiment est cloué sur White Beach par l'artillerie lourde et les mortiers japonais, tirant depuis "Le Point", une colline particulièrement fortifiée du Mont Umurbrogol. Son commandant, le lieutenant-colonel Lewis Puller, échappe de justesse à la mort lorsque sa péniche LVT est coulée par un tir direct. Sa section de transmissions toute entière est anéantie par un autre tir d'obus de 47mm.
Au sud, le 7ème Régiment de Marines doit faire face à une situation similaire, avec l'artillerie japonaise installée sur son flanc droit. Plusieurs de ses LVT sont immobilisés au cours de leur approche, à travers le lagon, et leurs occupants doivent finir le parcourt à pieds, avec de l'eau jusqu'à la taille. Ils se font alors décimés par les tirs de mitrailleuses japonaises, avant même de poser les pieds sur la plage.
Photo: approche de la première vague d'assaut américaine sur Peleliu.
Au centre, le 5ème Régiment de Marines progresse plus facilement, uniquement parce que l'artillerie lourde japonaise est occupée à balayer les deux flancs nord et sud du débarquement américain. Il progresse vers l'aérodrome et atteint sa lisière en fin d'après-midi, mais une contre-attaque de chars légers japonais le force ensuite à reculer, et les Marines doivent demander l'intervention de l'aéronavale, de leurs obusiers débarqués et de l'artillerie lourde navale pour la briser. Finalement, la grande majorité de ces chars sont détruits et la contre-attaque japonaise échoue.
Photo ci-dessous: 5ème Régiment de Marines sur Orange Beach, le premier jour.
A la fin de la première journée, les pertes américaines sont catastrophiques, particulièrement sur les flancs nord et sud. La tête de pont des Marines ne mesure que 6.2km de large, sur 350m à 630m de profondeur. L'aérodrome, qui devait être pris ce Jour J, est encore aux mains des Japonais et très solidement défendu.
2° Prise de l'aérodrome et du sud de l'île.
Au second jour (Jour J+1), le 5ème Régiment de Marines reprend son avance vers l'aérodrome. Les Marines du lieutenant-colonel Harold Harris doivent traverser les pistes au pas de charge, sous le feu constant de l'artillerie lourde japonaise tirant depuis le Mont Umurbrogol. Ils s'en emparent après de furieux combats au corps-à-corps et aux baïonnettes, puis avancent vers la côte orientale de l'île, en laissant au 7ème Régiment de Marines le soin de nettoyer l'aérodrome et la zone sud de Peleliu.
Cette zone est d'ailleurs constellée de casemates, de fortins, de nids de mitrailleuses reliés entre-eux par des galleries souterraines. La canicule (46°C au soleil) provoque de nombreux cas d'insolation. Pour noircir le tableau, les Japonais ont contaminé l'unique réservoir d'eau potable avec du mazout. Malgré toutes ces difficultés, au neuvième jour (Jour J+8), les 5ème et 7ème Régiments ont atteint leur objectif respectif, la conquête de l'aérodrome et de la partie sud de l'île.
L'aérodrome est rapidement remis en fonction par le génie et les Seebees de l'US Navy. Au quatrième jour (Jour J+3), des L-2 Grasshopper du Squadron VMO-1 peuvent s'y poser, pour fournir des missions d'observation et de contrôle aérien avancé, au profit de l'artillerie navale et l'artillerie de campagne des Marines.
Le 26 septembre 1944 (Jour J+11), des chasseurs F4U Corsair du Squadron VMF-114 se posent sur la piste, et entament aussitôt des missions d'appui-feu et de bombardement (roquettes, napalm, bombes) contre les fortifications japonaises sur le Mont Umurbrogol.
Ci-dessous: un Marine blessés reçoit un peu d'eau d'un camarade.
3° Le Point.
L'artillerie lourde japonaise sur le Point (Mont Umurbrogol) continuant d'harceler et de provoquer de lourdes pertes dans les rangs américains, le lieutenant-colonel Lewis Puller ordonne au capitaine George Hunt, de la compagnie K du 3ème Bataillon, de s'emparer de cette position. L'approche de Hunt vers le Point provoque une vive réaction japonaise et de lourdes pertes des Marines, face à un réseau de nids de mitrailleuses, de casemates et de mortiers habilement dissimulés.
Les Marines de Hunt doivent réduire ces positions lentement, une par une, aux lance-lammes, aux grenades et explosifs, et au corps-à-corps. Ils s'emparent finalement du Point, mais Nakagawa lance une contre-attaque pour le reprendre. Les assauts japonais se succéderont ainsi pendant plus de trente heures, avant d'être repoussés.
Lorsque la Compagnie K est relevée par des renforts de la 81ème Division d'infanterie de l'US Army, à la mi-octobre 1944, elle en est réduite à 18 hommes en état de combattre, sur un effectif initial de 175 hommes. Cette unité a perdu presque 90% de ces effectifs!
Ci-dessous: écriteau avertissant d'un danger sur le Mont Umurbrogol, en octobre 1944.
4° Ile de Ngesebus.
Le 5ème Régiment de Marines, après avoir capturé l'aérodrome, est chargé de s'emparer de Ngesebus, juste au nord de Peleliu. Cette petite île voisine est occupée par des positions d'artillerie japonaises, et un second aérodrome y est en construction.
Le lieutenant-colonel Harold Harris effectue son débarquement le 28 septembre 1944, après une longue préparation d'artillerie de l'US Navy, des obusiers de 155mm du 11ème Régiment et des Corsair du VMF-114. Contrairement à celui de Peleliu, ce bombardement se montre efficace.
Le débarquement et le nettoyage de Ngesebus s'effectuent sans problèmes particuliers, avec relativement peu de pertes du côté américain: 15 tués et 33 blessés. Les 470 soldats japonais de la garnison se sont tous fait tués plutôt que de se rendre.
5° Bloody Nose Ridge.
Après avoir neutralisé le Point, le 1er Régiment de Marines de Chesty Puller entame le nettoyage de la partie nord du Mont Umurbrogol, baptisé Bloody Nose Ridge ("Colline du Nez Sanglant"). Puller mène en personne ses hommes à l'assaut, à plusieurs reprises, mais ces attaques sont repoussées par les Japonais. Les Marines sont en position vulnérable, au pied de ces collines dont les sommets sont contrôlés par les Japonais. Le moindre mouvement américain à découvert provoque aussitôt une pluie d'obus de mortiers, d'obusiers et de balles de mitrailleuses des Japonais.
Photo ci-dessous: Marines de Puller dans leur "trou", sur le Mont Umurbrogol.
Les Marines de Puller doivent liquider chacun de ses fortifications, casemates, nids de mitrailleuses, un par un, colline après colline, au prix de lourdes pertes. Parfois, les galleries souterraines communiquantes permettent aux Japonais de réoccuper une position que les Américains viennent juste de nettoyer, et tout le travail est à refaire!
Les combats sont particulièrement féroces lorsque le 1er Bataillon du 1er Régiment, commandé par le major Raymond Davis, donne l'assaut à la Colline 100. Après six jours d'affrontement, cette unité a perdu 71% de ses effectifs.
Les Japonais infligent au cours de ces affrontements 60% de pertes au 1er Régiment de Marines de Puller, soit 1,749 hommes tués ou blessés, sur un effectif initial d'environ 3,000 hommes. Après six jours de ce régime, le général Roy S. Geiger, commandant du III Corps amphibie, fait débarquer des éléments de la 81ème Division d'infanterie de l'US Army, pour relever les hommes de Puller au bout du rouleau.
Le 321ème Régiment d'infanterie débarque sur les plages occidentales de Peleliu, à l'extrêmité nord du Mont Umurbrogol, le 23 septembre 1944. Les Marines et les 5ème et 7ème Régiments renouvellent les assauts pour s'emparer de ses maudites collines, avec des résultats et des pertes similaires à ceux du 1er Régiment.
Photo ci-dessous: un Corsair du Squadron VMF-114 largue des bidons de napalm sur une position japonaise du Mont Umurbrogol.
Le 15 octobre 1944, les 5ème et 7ème Régiments de Marines ont perdu la moitié de leurs effectifs. Geiger décide alors de retirer de l'île l'entièreté de la 1ère Division de Marines, en piteux état, et de faire intervenir d'autres éléments de la 81ème Division d'infanterie. Le 323ème Régiment débarque et à la fin du mois, la plupart des Marines ont été évacués vers Pavuvu, sur Guadalcanal.
Photo ci-dessous: Marines blessés soignés dans l'hopital de Pavuvu, sur Guadalcanal, après la bataille de Peleliu.
L'US Army prend donc le relai de l'US Marine Corps dans la conduite des opérations sur Peleliu. Il lui faudra cependant encore un mois de durs affrontements et d'escarmouches pour liquider tous les foyers de résistance japonais sur le Mont Umurbrogol.
Le 27 novembre 1944, c'est la fin définitive de la résistance japonaise. Le colonel Kunio Nakagawa et ses derniers hommes en vie se suicident à la grenade, après avoir brûler les couleurs de leur régiment.
6° Bilan des combats sur Peleliu.
La liquidation du Mont Umurbrogol a couté terriblement cher aux Américains. La 1ère Division de Marines, fort éprouvée, est retirée du théâtre des opérations pour de nombreux mois, afin de se reconstituer et de se reformer. Jusqu'au débarquement d'Okinawa, le 1er avril 1945. Au total, les Marines ont perdu 1,252 tués/disparus et 5,274 blessés. Soit un tier des effectifs de la 1ère Division engagée.
La 81ème Division d'infanterie, de son côté, enregistre la perte de 542 tués/disparus, et 2,746 blessés.
Les Japonais, 10,695 tués et 302 prisonniers capturés.
Le 21 avril 1947, un groupe de 26 soldats japonais, mené par le lieutenant Tadamichi Yamaguchi, attaque sans succès un poste de contrôle américain sur Peleliu. Après des pourparlers longs et laborieux, les GIs parviennent à convaincre les survivants de se rendre. Oubliés de tous et vivant en hermite dans des grottes, ceux-ci ignoraient tout simplement que le Japon avait capitulé, un an et demi plus tôt.
Cette bataille de Peleliu est fort controversée, en raison de sa faible valeur stratégique par la suite et des pertes subies, plus de 10,000 tués et blessés. L'aérodrome capturé servira en effet très peu au cours de la campagne de MacArthur dans les Philippines, au cours des mois suivant. Elle donne surtout aux Américains un aperçu de ce que sera les futures conquêtes des îles métropolitaines japonaises. Sur recommandations de l'amiral William Halsey, les plans de conquête de Yap et des îles Carolines sont annulés, celles-ci n'étant plus utiles. Début octobre 194, la stratégie MacArthur pour le débarquement sur Leyte est définitivement adoptée.
Bataille d'Angaur.
Comparée à la conquête de Peleliu, celle d'Angaur revêt les allures d'une promenade militaire! La 81ème Division d'infanterie du major-général Paul J. Mueller fait débarquer ses 15,000 hommes le 17 septembre 1944. L'île est défendue par 1,400 Japonais, sous l'autorité directe du lieutenant-général Sadae Inoue, le commandant en chef des îles Palau.
Les bombardements préparatoires sont menés par des bombardiers en piquée SBD Dauntless de l'aéronavale et l'artillerie du cuirassé Tennessee. Les fantassins américains débarquent sur les plages nord-est et sud-est de l'île. La résistance japonaise ne devient vraiment dure que dans le "Bassin" (The Bowl), une colline près du Lac Salomé, dans le nord-est de l'île.
A partir du 20 septembre 1944, le 322ème Régiment d'infanterie mènent des assauts contre cette position, tous repoussés par les 750 défenseurs japonais, avec l'aide de leur artillerie et de leurs mortiers lourds. Les Américains avancent à l'allure d'escargot, éliminant les points de résistance japonais l'un après l'autre.
Le 25 septembre 1944, les Américains atteignent le sommet de la colline, mais ils leur faut encore se battre sous terre, dans les galleries souterraines, pour éliminer les derniers Japonais en vie.
L'île est sécurisé le 30 septembre 1944, et la 81ème Division d'infanterie déménage pour porter assistance à la 1ère Division de Marines, sur Peleliu.
Pertes américaines: 260 tués, 1,354 blessés, 940 incapacités en raison d'accidents divers ou du fait de la chaleur (insolation).
Opération Stalemate II au cinéma.
Dans la série TV The Pacific (2010), réalisée par Tom Hanks et Steven Spielberg, la bataille de Peleliu est (longuement) relatée au cours des épisodes 5, 6 et 7.
Série documentaire "Grandes Batailles de la Seconde Guerre mondiale"
(Henri de Turenne et Daniel Costelle) - Vidéo Youtube.
"Les Grandes Batailles" est une série d'émissions télévisées historiques de Daniel Costelle, Jean-Louis Guillaud et Henri de Turenne diffusée à la télévision française dans les années 1960 et 1970, qui décrit les principales batailles de la Seconde Guerre mondiale ainsi que le procès de Nuremberg. Les émissions donnent la parole aux officiers ayant participé à ces batailles ainsi qu'à des historiens. Ces interventions alternent avec des extraits de reportages. Les commentaires sont d'Henri de Turenne.
"Bataille du Pacifique - 2ème Partie: la reconquête" (1943-1945).
7 décembre 1941. L'agression japonaise contre la base aéronavale américaine de Pearl Harbor entraîne les Etats-Unis dans une bataille à mort sur le plus vaste théâtre d’opérations de l'histoire. Avide de conquêtes et de matières premières, le Japon instaure sa domination sur l'Asie, jusqu'à la victoire américaine de Midway du printemps 1942, qui sonne l'heure du reflux. Les archives des forces alliées et japonaises restituent l'irrésistible ascension japonaise et cet affrontement aéronaval spectaculaire. Ce documentaire montre chaque étape de la bataille du Pacifique: de la sauvagerie des combats sur les plages et dans la jungle des îles du Pacifique à l'apocalypse nucléaire qui s'abat sur le Japon en août 1945.
Article modifié le 15 septembre 2019.
Sources principales:
• Battle of Peleliu (Wikipedia.org)
• Battle of Angaur (Wikipedia.org)