24-27 décembre 1944 - Bataille des Ardennes: Marche et Rochefort, crise alliée devant la Meuse

Le 17 décembre 1944, Dwight Eisenhower donne l'ordre au lieutenant-général John C. Lee, commandant des services d'approvisionnement alliés, de défendre les ponts sur la Meuse entre Liège et Sedan. Pour accomplir sa tâche, ce dernier ne disposent que du 29ème Régiment d'infanterie indépendant et divers autres unités du génie pontonnier. Mais le 21 décembre, les divisions du VII Corps américain et du XXX Corps britannique commencent à arriver sur zone et se déploient entre la Meuse et la Salm.



Déploiement des VII Corps américain et XXX Corps britannique devant la Meuse.

Les premiers jours de l'opération Wacht am Rhein, plusieurs généraux américains, en particulier Troy Middleton, commandant du VIII Corps, craignent que l'axe d'attaque des Allemands ne pivote au sud vers Sedan puis Paris. Après avoir pulvérisé la 28ème Division d'infanterie et contourné Bastogne, la 5ème Panzerarmee se retrouve devant un front dégarni d'une cinquantaine de kilomètres de large, entre Neufchateau et Dinant. Les Alliés espèrent combler ce "vide" avec la 11ème Division blindée et la 17ème Division aéroportée, qu'Eisenhower, le 18 décembre, à ordonner de déplacer de Grande-Bretagne vers les Ardennes. Mais celles-ci ne seront pas disponibles avant plusieurs jours.

Par conséquent, le lieutenant-général John C. Lee, l'adjoint d'Eisenhower au SHAEF et commandant des services d'approvisionement alliés, ordonne au 29ème Régiment d'infanterie américain de couvrir les ponts sur la Meuse entre Liège et Sedan. A partir du 18 décembre 1944, ce régiment, une unité non-endivisionnée dépendante du VII Corps, envoie de petits groupes à tous les ponts et un peloton radio près à Jemelle, près de Marche, avec ordre de défendre la station radio contre des parachutistes ou des saboteurs de Skorzeny. Si ce peloton est menacé par une attaque allemande d'envergure, ordre lui est donné de détruire son matériel avant de se replier.

Le 20 décembre 1944, Eisenhower confie au maréchal britannique Bernard Montgomery les forces américaines sur le front nord du saillant allemand. La veille déjà, avant même de recevoir ce commandement, Montgomery a donné l'ordre au XXX Corps britannique, commandé par le lieutenant-général Brian G. Horrocks, cantonné en Hollande, de se déployer sur les rives de la Meuse entre Liège et Givet. La 29ème Brigade blindée, formée de trois régiments équivalent chacun à un bataillon américain, est chargé de défendre les ponts entre Givet et Huy.

Dans la nuit du 21 au 22 décembre 1944, le 23ème Régiment de Hussards est en position à Givet, le 3ème Régiment Royal de Chars à Dinant et le 2ème Régiment de cavalerie Five and Forfar Yeomanry à Namur. Des patrouilles d'une autre unité britannique, le 2ème Régiment de cavalerie Houselhold, franchissent le fleuve et tâtent le terrain vers l'est jusqu'au carrefour de Marche. Le déploiement de ces unités du XXX Corps britannique relèvent le gros du 29ème Régiment d'infanterie américain, qui peut désormais faire mouvement vers Liège pour y garder les ponts et défendre les dépôts d'approvisionnement.

Grâce à ses dispositions de Montgomery, les chances des Allemands de s'emparer d'un pont sur la Meuse par surprise baissent considérablement. Néammoins, il reste la possibilité réelle que les blindés allemands d'Hasso von Manteuffel atteignent et franchissent la Meuse en force.



Défense de Marche (21-24 décembre 1944).

Le matin du 21 décembre 1944, le brigadier-général Alexander R. Bolling, commandant la 84ème Division d'infanterie, ayant établit son QG à Marche, apprend l'attaque allemande contre Hotton, sur l'Ourthe. S'étant entretenu avec le lieutenant-colonel Harvey R. Fraser, commandant du 51ème Bataillon du génie de combat, il sait que seuls les sapeurs américains se trouvent encore entre Marche et les Allemands. Bolling décide donc d'installer son régiment de tête en un arc de cercle pour défendre la ville. Au même moment, Collins arrive au QG de la 1ère Armée à Chauffontaine, et s'entretient avec Courtney Hodges. Il apprend au cours de cette réunion qu'elle est sa mission et les forces qui sont assignées à son VII Corps. La grande question que se posent les deux généraux est de savoir si, en se rassemblant aussi loin à l'est de Marche, les troupes de Collins ne risquent pas de se retrouver impliquées prématurément dans la bataille. Il en discutent encore, lorsque vers 11h, Bolling leur téléphone, pour leur indiquer qu'il pourrait bien être impliqué dans une bataille défensive pour Marche, et leur demander s'il doit se replier et attendre le reste de sa division, ou rester sur place et tenir la ville?

Hodges lui répond: "Oui, tenez bon!"

Dans la soirée du 21 décembre 1944, quand le reste de la 84ème Division d'infanterie arrive à Marche, Bolling réorganise sa défense en formant un front tenu par deux régiments et en gardant le troisième en réserve, à l'ouest de la ville. Le 334ème Régiment s'enterre devant la grand-route Marche-Hotton, tandis que la 335ème Régiment est chargé de se défendre à l'est et incurve son front vers l'arrière pour protéger le flanc sud-est de la division, laissé à découvert.

Le matin du 22 décembre 1944, des patrouilles motorisées de la 84ème Division d'infanterie cherchent le contact avec l'ennemi. Collins discute de nouveau avec Hodges, le premier craignant que les Allemands ne pénètrent dans le secteur non défendu, au sud de Marche, et arrivent derrière la ville, menaçant ainsi le rassemblement du VII Corps sur le plateau du Condroz. Pour pallier ce soucis, Hodges téléphone à Bolling et lui demande de prolonger son écran défensif au sud et au sud-ouest de Marche.

Ce déploiement augmente encore les risques que la 84ème Division d'infanterie se retrouvent impliquée dans la bataille défensive. Toutefois, quand Montgomery rend visite à Hodges en début d'après-midi, la mission du VII Corps ne change pas: éviter la bataille et se préparer à la contre-offensive. Cette attaque est retardée de quarante-huit heures pour donner aux dernières unités de la 2ème Division blindée et de l'artillerie de corps le temps d'arriver sur zone. La 2ème Division blindée formera l'aile droite et sera chargée d'attaquer au sud, la 84ème Division d'infanterie, au centre, et la 3ème Division blindée, l'aile gauche au nord. La 75ème Division d'infanterie, non aguerrie, constitue la réserve.

Comme le pense Bolling, le grand carrefour routier de Marche représente, à l'instar de celui de Bastogne, un besoin pour les Allemands. Les deux voies de communications les plus importantes sont une grand-route conduisant à Liège, au nord, et la Route Nationale N4 Bastogne-Marche-Namur. En outre, A partir de celles-ci, des routes moins importantes conduisent également vers la Meuse à Dinant.

C'est la N4 qui intéresse particulièrement le général Hasso von Manteuffel, commandant la 5ème Panzerarmee. Elle donne accès non seulement au plateau du Condroz, propice aux mouvements de ses chars, mais également à la Meuse, dans la courbe du fleuve, à Namur. C'est l'itinéraire le plus direct conduisant vers Bruxelles et Anvers.

S'il ne parvient pas à s'emparer de cet important noeud routier, von Manteuffel sera forcé d'emprunter un itinéraire beaucoup plus difficile pour atteindre la Meuse au voisinage de Dinant, un itinéraire longeant la limite sud du Condroz, à travers ce que l'on appelle la "Dépression de Famenne", une prolongation du terrain accidenté couvrant la majeure partie des Ardennes, avec des falaises et des rivières sinueuses coulant dans des vallées encaissées, comme la Lesse qui se jette dans la Meuse près de Dinant.


Pendant que la 2ème Division panzer détruit la Task Force Desobry à Noville, le 19 décembre 1944 (1), des patrouilles de son bataillon de reconnaissance explorent les routes à l'ouest de Bastogne.

Un peu avant l'aube du 20 décembre 1944, des troupes de reconnaissance allemandes appuyées par quelques chars légers et automitrailleuses s'approchent d'un pont sur l'Ourthe occidentale à Ortheuville. C'est un robuste pont Bailey que le général Walter Krüger, commandant du LVIII Panzerkorps, suppose que les Américains le détruiraient avant qu'il ne s'en empare.

Des éléments des 158ème et 299ème Bataillons du génie de combat, rattachés à la 1ère Armée américaine et dépêchés vers le pont après avoir fait écran devant Bastogne jusqu'à l'arrivée de la 101ème Division aéroportée, ont préparé la destruction du pont. Les sapeurs sont appuyés par 8 chasseurs de chars M18 Hellcat du 705ème Bataillon de Tank-Destroyers (TD) que leur commandant, le lieutenant-colonel Clifford D. Templeton, a laissé pour protéger les mouvements du reste de son bataillon vers Bastogne.

Quand les véhicules de reconnaissance de la 2ème Division panzer arrivent en vue du pont Bailey, les sapeurs américains actionnent les détonateurs mais rien ne se produit. Un char léger allemand qui s'engage sur l'ouvrage est détruits par les M18, bloquant le passage. Les Allemands se replient et le reste de la journée se passe tranquillement.

Après avoir dégagé l'épave allemande, un peu de traffic automobile reprend, de et vers Bastogne, et de réfugiers belge en profitent pour passer. Parmi-eux se trouvent l'abbé Musty et ses cinquante élèves du Séminaire de Bastogne.

Dans la nuit du 20 au 21 décembre 1944, les Allemands reviennent. Vers minuit, après un bombardement d'artillerie de deux heures, des panzergrenadiers franchissent à gué l'Ourthe occidentale, peu profonde à cet endroit. Là encore, les charges de démolition n'explosent pas. Les Allemands occupent les maisons autour du pont une après l'autre, et le commandant du 1128ème Groupe du génie de combat, auquel sont rattâchés les sapeurs américains sur place, donne l'ordre de repli. Mais à la surprise de la poignée de GIs du 51ème Bataillon du génie de combat qui montent la garde à un barrage routier à 6.5km de la là, au lieu-dit "Barrière de Champlon", les Allemands n'essaient pas d'exploiter immédiatement leur prise du pont Bailey. Les Américains l'ignorent, mais les véhicules de la 2ème Division panzer sont à court de carburant et attendent le ravitaillement.

C'est ce retard occasionné pendant les deux journées des 21 et 22 décembre 1944 qui donne à la 84ème Division d'infanterie le temps d'arriver et de se déployer autour de Marche. Après que les sappeurs du 51ème Bataillon aient renforcé leur barrage à la Barrière de Champlon avec des arbres abattus en travers de la route, le lieutenant-colonel Harvey R. Fraser, leur commandant, donne l'ordre de repli. Ce répit donne aussi le temps au brigadier-général Alexander R. Bolling d'envoyer une compagnie d'infanterie à Rochefort, 12km au sud-ouest de Marche, et à une Task Force du Combat Command A de la 3ème Division blindée de se déployer pour renforcer l'écran défensif de la 84ème Division d'infanterie.

Le 22 décembre 1944, au crépuscule, le bataillon de reconnaissance de la 2ème Division panzer, ayant refait le plein de carburant, reprend sa progression. Contournant les arbres abattus sur la route à la Barrière de Champlon, ses chars légers et automitrailleuses empruntent des chemins forestiers secondaires avant de regagner la Nationale N4, puis obliquant vers l'ouest pour éviter Marche par le sud. Sur la route reliant Marche à Rochefort, il tombe sur la Task Force du CCA/3DB et perdent cinq véhicules. Les Allemands empruntent ensuite une route latérale pour rejoindre la N4 au village d'Hargimont.

Entretemps, Bolling renforce encore son dispositif défensif au sud de Marche en envoyant deux bataillons d'infanterie blindée, l'un en renfort de la Task Force déjà présente à Rochefort, l'autre continuant vers l'ouest pour défendre un pont sur la Lesse. Les deux bataillons américains se heurtent au bataillon de reconnaissance allemand à Hargimont, reviennent sur leurs pas, puis font un détour à l'ouest et atteignent leurs objectifs sans rencontrer d'autres problèmes.

Le 23 décembre 1944, le gros de la 2ème Division panzer, recompleté en carburant, s'est à peine remis en mouvement que l'unité de tête s'arrête. Son commandant signale un barrage routier bien défendu. C'est la Barrière de Champlon. Le général Heinrich von Luttwitz, commandant du 47ème Panzerkorps, mettant en doute ce rapport, va constater lui-même et ne trouve qu'une petite barricade sans défenseurs et des troncs d'arbres abattus en travers de la route. Sur le champs, il relève l'officier responsable de son commandement. Il faut cependant encore quatre heures aux Allemands pour déblayer les obstacles sur la route.


(1) 19-26 décembre 1944 - Bataille des Ardennes: siège de Bastogne.
http://jacqueline-devereaux.blogspot.com/2009/11/19-26-decembre-1944-bataille-des.html



Celles et Foy-Notre-Dame: avance allemande vers la Meuse (23-26 déembre 1944).

Le 23 décembre 1944, se basant sur les rapports du bataillon de reconnaissance de la 2ème Division panzer, le général Heinrich von Luttwitz décide de ne garder un barrage routier au sud de Marche, occupé par un bataillon de panzergrenadiers, et de faire tourner le reste de la division vers l'ouest, dans le sillage des troupes de reconnaissance. Avant de s'arrêter pour la nuit, l'unité de tête de la 2ème Division panzer pénètre dans Buissonville, 8km au-delà de la route Marche-Rochefort. Le reste de la division allemande continuer d'avancer péniblement.

Tandis que la 2ème Division panzer se remet en mouvement, le gros de la 2ème Division blindée, surnommée depuis la bataille de Normandie Hell on Wheels, l'"Enfer sur Roues", se regroupe sur le plateau du Condroz. Son commandant, le major-général Ernest N. Harmon, est réputé pour sa voix rocailleuse et ses jurons. Le matin du 23 décembre, il se rend au QG du 7ème Corps US, au château de Bessines, à 16km au nord de Marche, pour y rencontrer Joe "Lawton" Collins. Celui-ci annonce à Harmon que la 84ème Division est rapidement entrée dans la bataille, mais qu'il espère encore garder secrète l'arrivée de la 2ème Division blindée assez longtemps pour lancer une contre-attaque surprise.



Destruction de la 2ème Division panzer (26-27 décembre 1944).


Série documentaire "Grandes Batailles de la Seconde Guerre mondiale"
(Henri de Turenne et Daniel Costelle) - Vidéo Youtube.


"Les Grandes Batailles" est une série d'émissions télévisées historiques de Daniel Costelle, Jean-Louis Guillaud et Henri de Turenne diffusée à la télévision française dans les années 1960 et 1970, qui décrit les principales batailles de la Seconde Guerre mondiale ainsi que le procès de Nuremberg. Les émissions donnent la parole aux officiers ayant participé à ces batailles ainsi qu'à des historiens. Ces interventions alternent avec des extraits de reportages. Les commentaires sont d'Henri de Turenne.

La campagne d'Allemagne 1945 - 1° Le dernier sursaut d'Hitler.













Article modifié le 25 mai 2016.


Sources principales:
Battle of the Bulge (Wikipedia.org)
• Charles B. MacDonald: Noel 1944: la Bataille d'Ardenne. Editions Luc Pire (2006). ISBN 2-87415-468/7.
Banques d'images de l'European Center of Military History (eucmh.com).

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